Certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) nous montrent à nouveau la voie. Après les révolutions sociales, qui ont permis au monde entier de constater les bénéfices de protestations non violentes associées à un maniement judicieux des nouveaux médias, une révolution – de l’énergie cette fois-ci — est en marche. Elle aussi mise sur des techniques de pointe capables d’entraîner notre planète vers une ère énergétique nouvelle. Reléguant au passé les carburants fossiles, ce mouvement entend domestiquer une ressource plus ancienne et plus abondante : le soleil.
Le Maroc vient de lancer un Plan solaire national aussi audacieux qu’ambitieux.
S’appuyant sur la technologie CSP (énergie solaire concentrée), ce projet de 9 milliards de dollars vise la mise en service de cinq centrales solaires à vocation commerciale, représentant une capacité totale de 2 000 mégawatts (MW) – l’équivalent d’une grande centrale nucléaire. Le premier complexe solaire sera construit sur le plateau de Ouarzazate, au sud de la chaîne de l’Atlas. La production d’électricité devrait démarrer dès 2014, le site devenant pleinement opérationnel en 2020.
Le Maroc peut être considéré comme un pays en développement, mais il réalise là un investissement colossal pour l’avenir, afin de relever le défi au cœur des sommets de Copenhague et de Cancun : comment changer foncièrement nos modes de consommation énergétique pour protéger l’environnement ? Ce n’est pas là un mince exploit quand on sait que le Royaume chérifien dépend pratiquement à 100 % du charbon et du pétrole. Le projet de Ouarzazate est la première étape d’une mutation radicale : l’objectif est d’arriver à réduire de 40 % la consommation de pétrole du pays d’ici 2030. Actuellement, le Maroc importe 97 % de ses combustibles primaires. Ce recentrage vers une production intérieure devrait considérablement améliorer la sécurité de son approvisionnement énergétique et, à terme, en faire un pays exportateur d’énergie.
Au-delà des retombées économiques liées au développement d’une nouvelle industrie – créatrice d’emplois et de compétences – cet investissement constitue aussi une aubaine pour l’environnement. Selon les calculs, la première tranche de la centrale de Ouarzazate évitera le rejet de 240 000 tonnes d’équivalent CO2 par an dans l’atmosphère, et l’ensemble du site abaissera les émissions annuelles de 3 millions de tonnes.
La région MENA subit de plein fouet le changement climatique. Elle doit, sans barguigner, agir pour en atténuer les effets. C’est un impératif : en 2010, cinq pays MENA faisaient partie des 19 pays ayant enregistré des températures record.
En termes de développement, ces conditions météorologiques extrêmes peuvent avoir des conséquences désastreuses sur l’économie et la société, ruinant les progrès accomplis et replongeant les populations dans la pauvreté. Voyez la baisse des précipitations et la multiplication des sécheresses. Les précieuses ressources en eau vont devenir encore plus rares, obligeant chacun à consacrer plus de temps à s’approvisionner au détriment, probablement, d’activités essentielles comme l’éducation. Au Yémen, où la corvée d’eau incombe traditionnellement aux femmes, cette pénurie grandissante risque de freiner pendant plusieurs générations les progrès de la parité entre les sexes.
Le changement climatique est l’enjeu déterminant de notre époque et si la région MENA pâtit déjà de ses effets cruellement concrets, le Maroc ouvre là des perspectives encourageantes. Après le temps des déclarations, vient le temps de l’action. Le Royaume l’a bien compris, qui se conforme aux engagements. Le pays a deux atouts : de grands espaces disponibles et un ensoleillement abondant. Bien que la Banque mondiale et le Fonds pour les technologies propres financent le projet à faible taux, l’initiative en revient au Maroc. Ce pays est le premier à lancer un projet dans le cadre du Programme de développement des centrales solaires à concentration au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une initiative phare la Banque mondiale conçue pour financer huit autres centrales à vocation commerciale dans la région.
La technologie CSP a démontré sa fiabilité pour la production d’électricité et le plan marocain prouvera son adéquation pour une application industrielle à grande échelle. Il montrera aussi aux délégations des sommets sur le climat COP 15 et COP 16 que l’on peut atténuer les effets du changement climatique en remplaçant progressivement les combustibles fossiles par des énergies renouvelables. Il suffit juste de prendre les déclarations officielles au sérieux et d’agir avec audace.
Il n’existe pas du test du PIB pour l’innovation. Ce n’est pas la taille qui compte, mais la vision et l’engagement. Et le Maroc ne manque ni de l’une ni de l’autre. L’avancement du Plan solaire national sera suivi de très près par ses voisins, impatients de lui emboîter le pas. En plein cœur de la ceinture solaire, le Maroc pourrait bien déclencher une révolution des énergies vertes.
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