On ne sait jamais à quoi s’attendre avec l’émission
Hiwar Mushtarak (débat croisé, en arabe). Ce programme vise à promouvoir des échanges ouverts sur les défis de la Libye et ses perspectives d’avenir, mêlant sur le plateau des Libyens de toutes sensibilités, comme des hommes politiques et des militants de la société civile. Le public est par ailleurs invité à prendre part aux débats, afin que la voix de citoyens ordinaires soit entendue.
Enregistrée sur la scène de l’auditorium de la Cité des sciences de Tunis, une émission récente a commémoré la révolution libyenne du 17 février (qui s’est soldée par l’éviction puis la liquidation du raïs Mouammar Kadhafi) en choisissant pour thématique : « Quelle voie pour la Libye ? ». Parmi les invités figurait Amal Labeidi, professeur de sciences politiques à l’université de Benghazi, qui a ouvert les débats en soulignant la nécessité du désarmement en Libye. Pour elle, la mise en lieu sûr de tout l’arsenal qui circule au sein du pays est une question primordiale qu’il s’agit de résoudre en priorité. « Sans sécurité, pas de progrès démocratique », a-t-elle asséné.
La discussion s’est focalisée sur la manière de bâtir un État sûr et stable. Un autre invité, Hicham al-Wendi, membre sans étiquette du dialogue inter-libyen mené sous l’égide des Nations Unies, a affirmé que la priorité devait être donnée à la création d’une culture de tolérance et de pardon. Giuma Ahmed Atigha, ancien vice-président du Congrès général national (CGN) qui siège à Tripoli, a renchéri, soulignant l’importance de la réconciliation. « La réconciliation nationale et la sécurité sont liées », a-t-il poursuivi, en ajoutant : « C’est en pansant ses blessures que la société pourra se reconstruire ». Pour Moustafa el Sagezli, directeur du programme général libyen pour l’Intégration et le Développement, qui œuvre à la réinsertion des anciens combattants, il est essentiel que toutes les parties qui le souhaitent soient représentées dans les pourparlers portant sur l’avenir du pays, car « exclure, c’est nourrir la haine ». Najwa al-Fitouri, membre de l’organisation Voice of Libyan Women for Peace (« la voix des Libyennes pour la paix »), a fait valoir que le temps du dialogue était venu.
Outre ces échanges entre personnalités, l’émission Hiwar Mushtarak a également pour but de laisser la parole au public, qui a trop rarement l’occasion de s’exprimer librement. « L’objectif est de favoriser une culture du dialogue », explique Libya Idris, jeune productrice de l’émission appartenant à l’association caritative de développement BBC Media Action, qui a formé et soutenu l’équipe libyenne en charge de Hiwar Mushtarak.
Ce jour-là, ils étaient environ 200 à assister aux débats. Il a été question de sécurité, mais aussi du Gouvernement d’union nationale, de terrorisme et du soutien à accorder (ou non) à une intervention occidentale qui ciblerait l’État islamique. Une idée qui n’a pas recueilli l’assentiment de la plupart des Libyens présents dans l’auditorium. Un jeune homme a dit son opposition à toute ingérence étrangère : « Pas question de devenir un deuxième Iraq », a-t-il dit aux invités.
« C’est une manière collective de surmonter nos divisions. Avec un peu chance, ces idées seront diffusées sur les réseaux sociaux », m’explique Amal Labeidi après l’émission. « Plus nous débattons de nos problèmes, mieux c’est. »
« Des émissions de ce genre, il n’y en a pas chez nous », indique Nemat Ghanimi, une Tripolitaine qui profitait de son passage en Tunisie pour se joindre au public. D’après cette jeune femme de 19 ans, l’émission donne la chance aux jeunes de s’adresser aux responsables politiques. Janan Abdulkader, une autre jeune femme de l’auditoire, était là pour la deuxième fois, après avoir été immédiatement conquise par sa première participation. Elle n’avait jusqu’alors jamais entendu parler d’une émission où le public pouvait intervenir librement. Elle qui manifestait peu d’intérêt pour la politique tient à présent à réagir aux débats. La plupart de ses amis libyens en Tunisie rechignent cependant à l’accompagner. Elle a déjà tenté de les convaincre, mais ils ont peur d’éventuelles conséquences.
« Cette émission est la preuve que les échanges peuvent être vifs sans être violents », indique son animateur, Raafat Belkhair, « les Libyens peuvent trouver un terrain d’entente ». Pour ce trentenaire, il est particulièrement important à ce stade de la transition du pays de montrer que la liberté d’expression est un droit. S’il apprécie les débats interactifs et intenses, il reconnaît que parfois les invités s’enflamment et qu’il faut veiller à rester neutre et à garder son sang-froid.
Ce débat a été enregistré en Tunisie, mais Raafat Belkhair, originaire de Tripoli, espère animer très prochainement une émission depuis la Libye. Un espoir que partage Nemat Ghanimi. Cette délocalisation de l’émission en Tunisie risque d’être mal interprétée. Même si elle soutient cette initiative, elle doute qu’elle débouche sur des solutions concrètes. La prochaine émission sera enregistrée en avril, à Londres, une ville qui compte une large diaspora libyenne. « Si Dieu le veut, peut-être que celle d’après se fera en Libye », espère Janan Abdulkader.
Alors que l’émission tirait à sa fin, Raafat Belkhair a demandé au public : « Croyez-vous au Gouvernement d’union nationale ? ». Près de la moitié du public a levé la main, ce qui peut laisser entendre que beaucoup de Libyens restent divisés et prudents cinq ans après la révolution.
Enregistrée sur la scène de l’auditorium de la Cité des sciences de Tunis, une émission récente a commémoré la révolution libyenne du 17 février (qui s’est soldée par l’éviction puis la liquidation du raïs Mouammar Kadhafi) en choisissant pour thématique : « Quelle voie pour la Libye ? ». Parmi les invités figurait Amal Labeidi, professeur de sciences politiques à l’université de Benghazi, qui a ouvert les débats en soulignant la nécessité du désarmement en Libye. Pour elle, la mise en lieu sûr de tout l’arsenal qui circule au sein du pays est une question primordiale qu’il s’agit de résoudre en priorité. « Sans sécurité, pas de progrès démocratique », a-t-elle asséné.
La discussion s’est focalisée sur la manière de bâtir un État sûr et stable. Un autre invité, Hicham al-Wendi, membre sans étiquette du dialogue inter-libyen mené sous l’égide des Nations Unies, a affirmé que la priorité devait être donnée à la création d’une culture de tolérance et de pardon. Giuma Ahmed Atigha, ancien vice-président du Congrès général national (CGN) qui siège à Tripoli, a renchéri, soulignant l’importance de la réconciliation. « La réconciliation nationale et la sécurité sont liées », a-t-il poursuivi, en ajoutant : « C’est en pansant ses blessures que la société pourra se reconstruire ». Pour Moustafa el Sagezli, directeur du programme général libyen pour l’Intégration et le Développement, qui œuvre à la réinsertion des anciens combattants, il est essentiel que toutes les parties qui le souhaitent soient représentées dans les pourparlers portant sur l’avenir du pays, car « exclure, c’est nourrir la haine ». Najwa al-Fitouri, membre de l’organisation Voice of Libyan Women for Peace (« la voix des Libyennes pour la paix »), a fait valoir que le temps du dialogue était venu.
Outre ces échanges entre personnalités, l’émission Hiwar Mushtarak a également pour but de laisser la parole au public, qui a trop rarement l’occasion de s’exprimer librement. « L’objectif est de favoriser une culture du dialogue », explique Libya Idris, jeune productrice de l’émission appartenant à l’association caritative de développement BBC Media Action, qui a formé et soutenu l’équipe libyenne en charge de Hiwar Mushtarak.
Ce jour-là, ils étaient environ 200 à assister aux débats. Il a été question de sécurité, mais aussi du Gouvernement d’union nationale, de terrorisme et du soutien à accorder (ou non) à une intervention occidentale qui ciblerait l’État islamique. Une idée qui n’a pas recueilli l’assentiment de la plupart des Libyens présents dans l’auditorium. Un jeune homme a dit son opposition à toute ingérence étrangère : « Pas question de devenir un deuxième Iraq », a-t-il dit aux invités.
« C’est une manière collective de surmonter nos divisions. Avec un peu chance, ces idées seront diffusées sur les réseaux sociaux », m’explique Amal Labeidi après l’émission. « Plus nous débattons de nos problèmes, mieux c’est. »
« Des émissions de ce genre, il n’y en a pas chez nous », indique Nemat Ghanimi, une Tripolitaine qui profitait de son passage en Tunisie pour se joindre au public. D’après cette jeune femme de 19 ans, l’émission donne la chance aux jeunes de s’adresser aux responsables politiques. Janan Abdulkader, une autre jeune femme de l’auditoire, était là pour la deuxième fois, après avoir été immédiatement conquise par sa première participation. Elle n’avait jusqu’alors jamais entendu parler d’une émission où le public pouvait intervenir librement. Elle qui manifestait peu d’intérêt pour la politique tient à présent à réagir aux débats. La plupart de ses amis libyens en Tunisie rechignent cependant à l’accompagner. Elle a déjà tenté de les convaincre, mais ils ont peur d’éventuelles conséquences.
« Cette émission est la preuve que les échanges peuvent être vifs sans être violents », indique son animateur, Raafat Belkhair, « les Libyens peuvent trouver un terrain d’entente ». Pour ce trentenaire, il est particulièrement important à ce stade de la transition du pays de montrer que la liberté d’expression est un droit. S’il apprécie les débats interactifs et intenses, il reconnaît que parfois les invités s’enflamment et qu’il faut veiller à rester neutre et à garder son sang-froid.
Ce débat a été enregistré en Tunisie, mais Raafat Belkhair, originaire de Tripoli, espère animer très prochainement une émission depuis la Libye. Un espoir que partage Nemat Ghanimi. Cette délocalisation de l’émission en Tunisie risque d’être mal interprétée. Même si elle soutient cette initiative, elle doute qu’elle débouche sur des solutions concrètes. La prochaine émission sera enregistrée en avril, à Londres, une ville qui compte une large diaspora libyenne. « Si Dieu le veut, peut-être que celle d’après se fera en Libye », espère Janan Abdulkader.
Alors que l’émission tirait à sa fin, Raafat Belkhair a demandé au public : « Croyez-vous au Gouvernement d’union nationale ? ». Près de la moitié du public a levé la main, ce qui peut laisser entendre que beaucoup de Libyens restent divisés et prudents cinq ans après la révolution.
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