Il est temps d’avancer
La participation citoyenne est un moyen de responsabiliser le peuple d’une nation et de lui permettre de prendre part, de manière constructive et efficace, aux décisions publiques. Depuis janvier 2011, les citoyens des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) revendiquent leur droit à un État plus inclusif, un État soucieux de fonder un nouveau contrat social qui cadre mieux avec les aspirations des citoyens ordinaires et leur quête d’un progrès équitable. Cette demande de transformation s’adresse aux pouvoirs publics mais elle exige aussi des partenaires au développement qu’ils réévaluent leurs approches stratégiques et leurs méthodes de consultation. Dans toute la région, les voix se multiplient pour appeler à un processus démocratique plus ouvert. Face à de telles attentes, la Banque mondiale pilote plusieurs initiatives pour accompagner la volonté de certains pays à généraliser la participation citoyenne, dans le cadre de projets financés par la Banque mondiale ou nationaux. Si l’implication des citoyens dans la vie de la cité est d’une importance manifeste, son intégration, à grande échelle, dans les projets de développement doit encore s’effectuer. Dans cette perspective, nous nous devons d’observer deux principes : s’assurer que les institutions intègrent les remontées d’information de la base, cette rétroaction étant au cœur de tout processus de participation citoyenne, et instaurer ensuite un cadre d’évaluation rigoureux qui mesure l’impact de cette participation citoyenne afin que les décideurs — et les partenaires de développement — tirent des enseignements des initiatives pilotes. Pour réussir, il faut se concentrer à la fois sur le contenu de ces initiatives et sur leurs modalités de mise en œuvre.
La participation citoyenne, c’est quoi ?
Ce terme renvoie à l’existence de processus transparents et efficaces de nature à renforcer la parole et la participation des citoyens à l’élaboration, à l’exécution, au suivi et à l’évaluation des politiques, programmes et autres projets. Il s’agit notamment de se doter de mécanismes qui obligent les pouvoirs publics et les prestataires de services à rendre compte de leur action afin que, notamment, les retombées des politiques et des projets de développement bénéficient à tous. La participation citoyenne couvre un large éventail d’interventions : systèmes de suivi communautaires, enquêtes de satisfaction auprès des citoyens et autres formes de dialogue, participatives ou consultatives, qui sollicitent le retour d’expériences entre bénéficiaires, prestataires de service, pouvoirs publics et prestataires de développement.
Chez les citoyens, la possibilité de participer à la vie publique n’est pas en soi suffisante pour améliorer la qualité des décisions ou des opérations sur le terrain. Plus qu’une consultation ou une communication publique, la participation citoyenne veut avoir un effet direct sur les politiques ou les investissements publics décidés par les autorités (à l’échelon national ou local) ou les prestataires de service.
Ce concept n’est pas nouveau, mais il est d’une importance vitale pour la région MENA. Le recueil d’informations auprès des bénéficiaires de projets financés par la puissance publique ou des donateurs est une pratique courante, grâce à la téléphonie mobile (notamment dans la région MENA) et à d’autres types de technologies de communication. Que ce soit par téléphone ou par l’intermédiaire d’un interlocuteur direct, les institutions doivent faire des citoyens le fer de lance du processus de participation citoyenne.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la participation des citoyens est plus importante que jamais
Dans toute la région, des énergies se mobilisent pour plus une grande inclusion et des initiatives novatrices. Le processus récent de transition politique et économique a montré que la main tendue des autorités à la société civile est un préalable nécessaire à l’instauration d’une confiance réciproque. Depuis le Printemps arabe, les attentes démocratiques sont plus grandes. Les nouveaux représentants politiques ont ainsi l’opportunité de nouer un dialogue constructif avec les citoyens et les acteurs concernés, venus de toute la société. Une telle participation doit s’accompagner de dispositifs qui garantissent la tenue d’un vrai dialogue. Lorsque leur mise en place est réussie, les initiatives de participation citoyenne enrichissent le processus de prise de décision.
De la théorie à la pratique
Plusieurs opérations d’aide financées par la Banque mondiale prévoient d’intégrer des éléments clés de participation citoyenne. En témoigne la proposition d’un projet de transport en Iraq destiné à faciliter la participation citoyenne au moyen d’une connexion haut débit installée le long d’une autoroute qui permettra aux citoyens de recevoir et partager des informations routières (bouchons ou fermetures d’accès, par exemple). En Tunisie, un projet de développement urbain et de gouvernance locale se propose d’encourager l’implication citoyenne par la création d’un portail Web national qui donnera à tous la possibilité de consulter les informations budgétaires spécifiques à chaque municipalité et les réglementations en vigueur ; le projet prévoit aussi l’instauration de fiches d’évaluation établies par les citoyens d’une commune pour contribuer à l’élaboration d’une permanence « numérique » citoyenne qui signalera tout problème concernant les services municipaux. Au Yémen, un projet qui vise à accroître l’usage des services de santé maternelle et infantile comporte des outils conçus pour améliorer la sensibilisation des populations et le retour d’informations, par voie d’affichage et au moyen de fiches d’évaluation communautaire ; il intégrera également un dispositif chargé de répondre aux doléances des citoyens, et dont la conception sera adaptée aux spécificités culturelles du pays, afin de sensibiliser le plus grand nombre.
L’instauration d’un cadre d’évaluation rigoureux est essentielle
La participation citoyenne est un domaine émergent et les études de cas sont plutôt rares. Quels sont les indicateurs de résultat qui mesurent l’efficacité de ce type d’intervention dans les secteurs du transport, de l’eau ou de l’énergie ? Pour répondre à la nécessité d’une plus grande responsabilisation et transparence des pouvoirs publics et des prestataires de services, il est essentiel de mettre en œuvre un cadre de suivi et d’évaluation pertinent qui mesure l’impact des activités pilotes destinées à intégrer le principe d’une participation citoyenne et d’en tirer les enseignements nécessaires. Comme l’a récemment souligné Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale, il importe de veiller aux modalités de mise en œuvre autant qu’au contenu des prestations. Tel est le défi à relever pour la Banque mondiale : faire preuve de volontarisme et d’écoute pour anticiper les difficultés et répondre au désir de changement dans la région.
Prenez part au débat