Que nous indiquent les
évolutions de la classe moyenne des années 2000 à propos du Printemps arabe ? Dans les économies modernes, la classe moyenne tire la demande de produits et de services privés, mais elle réclame également une bonne gouvernance et des services publics de qualité, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des infrastructures. Les investissements dans ces secteurs améliorent la capacité de l’économie à se développer non seulement plus rapidement, mais aussi de manière plus durable et inclusive. Il est donc crucial de comprendre la situation de la classe moyenne dans le monde arabe.
Toutefois, il n’est pas facile de déterminer qui fait partie de la classe moyenne dans les pays arabes . On manque, dans ces pays, de données d’enquête qui permettraient d’analyser les profils de consommation à long terme. Pour y remédier, on recourt généralement à des définitions relevant d’autres aspects du comportement de la classe moyenne (a), par exemple sur les affiliations politiques et professionnelles, ou on applique les définitions qui existent pour d’autres régions. Ainsi, dans une étude de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie de l’Ouest (a), l’utilisation de ces définitions aboutit soit à une sous-estimation peu plausible (moins de 5 % de la population) soit à une surestimation tout aussi peu plausible (plus des trois quarts de la population) de la taille de la classe moyenne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA).
Dans un document de travail récent, nous avons estimé la taille de la classe moyenne en Égypte, en Jordanie, en Syrie, dans les Territoires palestiniens, en Tunisie et au Yémen (a) en utilisant une méthode axée sur la vulnérabilité (a) : sont considérées comme appartenant à la classe moyenne les personnes dont le revenu est supérieur à un certain seuil de vulnérabilité, c’est-à-dire qui sont relativement à l’abri de la pauvreté. Nous fixons ce seuil de vulnérabilité à 4,9 dollars par jour et par personne en dollars de 2005 ; au-dessus de ce seuil, la probabilité de basculer dans la pauvreté au cours de la période suivante est inférieure à 20 %.
Avec cette méthode, nous avons conclu que 36 % de la population de l’ensemble de ces économies faisaient partie de la classe moyenne au milieu des années 2000 et que cette proportion est passée à 42 % à la fin de la décennie (graphique). La croissance de la classe moyenne a été particulièrement forte en Syrie et en Tunisie , mais les évolutions ont été négatives dans les autres pays en développement de la région MENA. En Égypte et au Yémen, la classe moyenne a nettement diminué : à la fin des années 2000, sa part est tombée à un peu moins de 10 %. En revanche, en Jordanie, la taille de la classe moyenne est restée inchangée.
Graphique : Part de la classe moyenne dans la population de différents pays
Source : Dang, H. et Ianchovichina, E. (2016), « Welfare Dynamics with Synthetic Panels: The Case of the Arab World in Transition », World Bank Policy Research Working Paper, n° 7595.
Dans le même temps, on a pu observer un mécontentement et une insatisfaction croissantes de la classe moyenne, y compris dans les pays où elle se développait. Au cours des années 2000, sur la période qui a précédé le Printemps arabe, la satisfaction a diminué dans tous les pays que nous avons étudiés. Ce recul a été particulièrement marqué dans les pays du Printemps arabe et au sein de la classe moyenne. Une analyse récente met en relation le faible degré de satisfaction, à la veille du Printemps arabe (a), avec la perception d’une dégradation des conditions de vie, et notamment de la qualité des services publics, au taux de chômage élevé et aux problèmes de gouvernance.
Cette situation appelle à s’interroger sur le consensus dit de la classe moyenne : dans les pays où la classe moyenne détient une grande proportion des revenus et où il y a peu de divisions ethniques, il existe un consensus associé non seulement à de meilleurs résultats sur le plan du développement, mais aussi à une instabilité politique moindre et à une incidence plus faible de la guerre civile (a).
Notre analyse des évolutions de la classe moyenne suggère l’absence d’un tel consensus dans les pays du Printemps arabe. En Tunisie, la classe moyenne importante et en croissance ne s’estimait pas prospère , et elle se caractérisait par des fractures politiques et sociales. En Égypte, elle était peu développée et s’est réduite à mesure que la pauvreté augmentait. En Syrie, la classe moyenne s’est développée rapidement, en partant d’un niveau très bas, mais son insatisfaction et ses divisions se sont par la suite accentuées. Au Yémen, des clivages considérables et la présence d’une classe moyenne peu nombreuse et en déclin ont créé un climat d’instabilité.
Toutefois, il n’est pas facile de déterminer qui fait partie de la classe moyenne dans les pays arabes . On manque, dans ces pays, de données d’enquête qui permettraient d’analyser les profils de consommation à long terme. Pour y remédier, on recourt généralement à des définitions relevant d’autres aspects du comportement de la classe moyenne (a), par exemple sur les affiliations politiques et professionnelles, ou on applique les définitions qui existent pour d’autres régions. Ainsi, dans une étude de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie de l’Ouest (a), l’utilisation de ces définitions aboutit soit à une sous-estimation peu plausible (moins de 5 % de la population) soit à une surestimation tout aussi peu plausible (plus des trois quarts de la population) de la taille de la classe moyenne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA).
Dans un document de travail récent, nous avons estimé la taille de la classe moyenne en Égypte, en Jordanie, en Syrie, dans les Territoires palestiniens, en Tunisie et au Yémen (a) en utilisant une méthode axée sur la vulnérabilité (a) : sont considérées comme appartenant à la classe moyenne les personnes dont le revenu est supérieur à un certain seuil de vulnérabilité, c’est-à-dire qui sont relativement à l’abri de la pauvreté. Nous fixons ce seuil de vulnérabilité à 4,9 dollars par jour et par personne en dollars de 2005 ; au-dessus de ce seuil, la probabilité de basculer dans la pauvreté au cours de la période suivante est inférieure à 20 %.
Avec cette méthode, nous avons conclu que 36 % de la population de l’ensemble de ces économies faisaient partie de la classe moyenne au milieu des années 2000 et que cette proportion est passée à 42 % à la fin de la décennie (graphique). La croissance de la classe moyenne a été particulièrement forte en Syrie et en Tunisie , mais les évolutions ont été négatives dans les autres pays en développement de la région MENA. En Égypte et au Yémen, la classe moyenne a nettement diminué : à la fin des années 2000, sa part est tombée à un peu moins de 10 %. En revanche, en Jordanie, la taille de la classe moyenne est restée inchangée.
Graphique : Part de la classe moyenne dans la population de différents pays
Source : Dang, H. et Ianchovichina, E. (2016), « Welfare Dynamics with Synthetic Panels: The Case of the Arab World in Transition », World Bank Policy Research Working Paper, n° 7595.
Dans le même temps, on a pu observer un mécontentement et une insatisfaction croissantes de la classe moyenne, y compris dans les pays où elle se développait. Au cours des années 2000, sur la période qui a précédé le Printemps arabe, la satisfaction a diminué dans tous les pays que nous avons étudiés. Ce recul a été particulièrement marqué dans les pays du Printemps arabe et au sein de la classe moyenne. Une analyse récente met en relation le faible degré de satisfaction, à la veille du Printemps arabe (a), avec la perception d’une dégradation des conditions de vie, et notamment de la qualité des services publics, au taux de chômage élevé et aux problèmes de gouvernance.
Cette situation appelle à s’interroger sur le consensus dit de la classe moyenne : dans les pays où la classe moyenne détient une grande proportion des revenus et où il y a peu de divisions ethniques, il existe un consensus associé non seulement à de meilleurs résultats sur le plan du développement, mais aussi à une instabilité politique moindre et à une incidence plus faible de la guerre civile (a).
Notre analyse des évolutions de la classe moyenne suggère l’absence d’un tel consensus dans les pays du Printemps arabe. En Tunisie, la classe moyenne importante et en croissance ne s’estimait pas prospère , et elle se caractérisait par des fractures politiques et sociales. En Égypte, elle était peu développée et s’est réduite à mesure que la pauvreté augmentait. En Syrie, la classe moyenne s’est développée rapidement, en partant d’un niveau très bas, mais son insatisfaction et ses divisions se sont par la suite accentuées. Au Yémen, des clivages considérables et la présence d’une classe moyenne peu nombreuse et en déclin ont créé un climat d’instabilité.
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