Ce blog a été co-écrit par Yolander Tayler et Günter Heidenhof.
Nul n’ignore les défis sociaux, économiques et politiques sans précédent auxquels est confrontée aujourd’hui toute une région du monde. Face à l’ampleur des aspirations populaires à une meilleure gouvernance, les pays de la région ont besoin de solutions et de méthodes innovantes. Il leur faut aussi mieux communiquer sur les actions engagées ou sur les objectifs à atteindre, qui, généralement présentés dans des termes trop techniques, sont mal connus des citoyens.
Ainsi, saviez-vous que les règles et les institutions qui régissent les dépenses de l’État sont au cœur du programme de gouvernance à travers ce que l’on appelle le "cadre de passation des marchés publics" ? Les scandales de corruption, les conflits d’intérêts lorsqu’un marché est attribué à un ami proche, le détournement de fonds par cupidité ou pour le financement de la classe politique, les projets d’infrastructure abandonnés ou déficients, qui, en raison d’un différend contractuel, ne fournissent pas le service public attendu, sont autant d’exemples contribuant à la dégradation constante de l’image de l’État dans la société civile.
La passation des marchés est une activité publique essentielle qui est à la fois très visible et observée de près. Elle est au centre de nombreuses décisions de l’État et transforme en projets tangibles les choix opérés par les entités publiques (construction d’une route ou d’une école, par exemple) ; elle symbolise la volonté publique au niveau local ainsi qu’au niveau national. Non seulement elle a un impact indubitable sur l’environnement de l’entreprise et sur la prestation des services publics, mais elle est également perçue par la population (surtout dans les pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord) comme l’un des principales sources de corruption, d’inefficience, d’opacité, de non-reddition de comptes et, in fine, de mauvaise gouvernance. C’est pourquoi il est capital pour le bon fonctionnement des régimes démocratiques, et même absolument crucial pour les nouveaux régimes qui ont vu le jour, de remédier à ces problèmes en instaurant un système de passation des marchés publics qui repose sur la transparence, la redevabilité et l’intégrité, voire sur la participation de la population.
La passation des marchés publics, qui était traditionnellement un sujet de nature juridique et financière plutôt obscur, constitue désormais un domaine dans lequel les citoyens pourraient réellement évaluer la performance et les résultats effectifs de l’action publique. D’ailleurs, on constate déjà une amélioration de certains cadres de passation des marchés publics dans la région. L’adoption de nouvelles lois et réglementations sur la passation des marchés publics est en train de déboucher sur un changement vers plus de responsabilité sociale. Ainsi, de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) ont lancé des sites web publics qui rassemblent des informations sur les dispositions législatives et réglementaires, ainsi que sur les principes directeurs de la passation des marchés publics, et qui annoncent les appels d’offres. Même dans les pays où les décisions administratives ne peuvent habituellement pas être remises en cause, on voit apparaître de nouveaux mécanismes permettant aux soumissionnaires de contester l’attribution de tel ou tel marché. Les mesures anti-corruption et les sanctions à l’encontre des personnes physiques et morales qui enfreignent la loi sont aujourd’hui mieux définies. Et lorsque les conditions le permettent, on envisage la mise en place de systèmes de passation des marchés publics en ligne, en relation avec les projets de gouvernement électronique, comme l’un des moyens d’accélérer le processus et de réduire les décisions arbitraires.
Néanmoins, la situation reste contrastée d’un pays MENA à l’autre en ce qui concerne la gouvernance de la passation des marchés publics. Si l’objectif d’une amélioration de l’efficience et d’une rationalisation des dépenses suscite l’enthousiasme et le déploiement d’efforts parmi les institutions publiques, et ce, depuis de nombreuses années dans certains pays, les initiatives axées sur la transparence et la redevabilité ont rencontré par le passé davantage de réticences. Avec le Printemps arabe, l’état d’esprit et le désir de gouvernance changent totalement la donne en créant un environnement dans lequel les ministères, les entités publiques et les autorités locales ne peuvent plus négliger les revendications croissantes de la société civile à l’égard de cet aspect essentiel que constitue la passation des marchés publics.
Prenez part au débat