Publié sur Voix Arabes

Nouvelles estimations de la pauvreté post-COVID dans la région MENA

Nouvelles estimations de la pauvreté post-COVID dans la région MENA

Pour lutter efficacement contre la pauvreté, il est essentiel de disposer de données actualisées, fiables et accessibles. Sans elles, il devient impossible de suivre les progrès vers l’atteinte de l’ODD 1, de concevoir des politiques publiques pertinentes ou de répondre aux besoins émergents. Cette année, nous saluons les avancées réalisées dans l’évaluation de la pauvreté post-pandémie dans la région MENA, rendues possibles grâce à une meilleure disponibilité et accessibilité des enquêtes sur les budgets des ménages.

Disponibilité et accès accrus aux données dans la région :

Pour la première fois, la Banque mondiale publie des estimations régionales de la pauvreté pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) couvrant les années post-pandémie. Historiquement, la rareté des données a représenté un défi majeur dans la région. La disponibilité, l’accessibilité et l’actualité des enquêtes sur les budgets des ménages – essentielles pour collecter des informations détaillées sur les dépenses et servir de base à l’estimation de la pauvreté et des inégalités – laissaient également à désirer. Cette absence de données est la principale raison pour laquelle la Banque mondiale n’a pas pu produire de taux de pauvreté internationaux actualisés pour la région ces dernières années. Ainsi, la mise à jour de la Banque mondiale sur la pauvreté publiée en septembre 2024 ne présentait des données pour la région MENA que jusqu’en 2018, la région n’ayant pas atteint le seuil minimal requis, à savoir des enquêtes couvrant au moins 50 % de la population régionale après 2019. La couverture des enquêtes sur les budgets des ménages sur une période de trois ans était de 51,3 % en 2018, avant de tomber à 48,3 % en 2019, puis de chuter à un niveau très faible de 28,7 % après la pandémie.

Fait marquant, la Banque mondiale a récemment intégré de nouvelles estimations pour la région, portant la couverture de la population de 28,7 % à 67,4 % grâce à l’ajout d’enquêtes menées après la pandémie. Cela inclut des enquêtes réalisées en Égypte (2021), en Iran (2023), en Iraq (2023), en Cisjordanie et Gaza (2023) et au Liban (2022). Ces enquêtes viennent compléter celles intégrées plus tôt en mars 2024, notamment en Iran (2022), en Tunisie (2021) et en Syrie (2022). Au total, la mise à jour récente couvre désormais 7 des 12 pays en développement de la région MENA. L’intégration de 3 pays supplémentaires dépendra de la disponibilité de leurs microdonnées, tandis que la collecte de données est en cours dans l’un des deux derniers pays encore dépourvus de données récentes. Ces avancées pourraient permettre à la région d’atteindre une couverture comparable à la moyenne mondiale actuelle (76 %).

L’amélioration de la disponibilité des données résulte des efforts des agences nationales de statistique, qui ont poursuivi la collecte d’informations malgré les défis auxquels la région est confrontée. La Banque mondiale a appuyé ce processus en apportant une assistance technique, des ressources et des conseils tout au long de la préparation et de la mise en œuvre des enquêtes. Elle s’attache également à fournir des connaissances de base et des orientations techniques pour renforcer la mesure de la pauvreté. À titre d’exemple, la Banque mondiale a organisé l’an dernier un atelier intensif sur les données, réunissant 31 statisticiens issus de 10 pays de la région.

Estimations de la pauvreté:

La région MENA est la seule au monde où la pauvreté a augmenté depuis 2010. En se basant sur un seuil d’extrême pauvreté de 3 dollars par jour (PPA 2021), celle-ci est passée de 4 % en 2010 à 8,6 % en 2021 et devrait atteindre 9,4 % en 2025. Sur la même période, la pauvreté mondiale a, quant à elle, reculé, passant de 21 % en 2010 à 9,9 % en 2025. Le seuil de pauvreté de 4,2 dollars par jour, plus adapté aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, donne une image plus nuancée pour la région : le taux de pauvreté y est passé de 11,7 % en 2010 à 15,7 % en 2021. Après un léger recul à 15 % en 2022 en raison du rebond économique, il devrait remonter pour atteindre 15,6 % en 2025. Enfin, en appliquant le seuil de 8,3 dollars par jour, pertinent pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, la pauvreté a augmenté de 49 % en 2010 à 51,5 % en 2021, avant de diminuer progressivement à 48,7 % en 2025.

La Syrie et le Yémen figurent parmi les pays les plus pauvres de la région et sont les principaux contributeurs à la hausse de la pauvreté avant et après la pandémie, en raison de conflits civils prolongés. D’autres pays ont également connu une augmentation des niveaux de pauvreté avant la pandémie de COVID-19. En Égypte, par exemple, la pauvreté a progressé entre 2015 et 2017, probablement en raison d’une forte inflation consécutive à la dévaluation de la monnaie en 2016. En Iran, la grave récession économique, le renforcement des sanctions américaines et la flambée de l’inflation ont conduit à une hausse de la pauvreté entre 2017 et 2019. Après 2020, cependant, l’Iran est devenu l’un des principaux contributeurs à la réduction de la pauvreté, grâce à la hausse des salaires, à l’augmentation des revenus issus du travail indépendant et à des transferts sociaux ponctuels. En Égypte, les estimations de 2021 montrent un retour des taux de pauvreté à leurs niveaux de 2015. Nous invitons nos lecteurs à consulter le portail de la Banque mondiale consacré à la pauvreté et aux inégalités pour des informations détaillées sur les taux de pauvreté régionaux et nationaux, ainsi qu’à découvrir le bulletin de la Banque mondiale sur la pauvreté dans le monde de juin 2025.

En conclusion, la mise en place et le maintien d’une mesure fiable de la pauvreté dans la région MENA représentent une avancée majeure. Cependant, leur succès repose sur la collecte et la diffusion régulières des enquêtes sur les budgets des ménages. Soutenons collectivement ces efforts afin de favoriser une élaboration de politiques plus éclairée et plus efficace.


Aziz Atamanov

Senior Economist, Poverty Global Practice, World Bank

Laura Moreno Herrera

Senior Data Scientist, World Bank, MENA Region

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