Dans les pays en développement de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), plus de 60 % de la population réside en ville. Dans le même temps, les pauvres se concentrent de manière disproportionnée en milieu rural (graphique 1). D’après les Indicateurs du développement dans le monde, les zones rurales du Maroc abritaient 40 % de la population en 2013 mais 79 % des pauvres (selon le seuil national de pauvreté). Par conséquent, pour réduire la pauvreté dans les pays de la région MENA, il faut s’intéresser de près aux zones rurales.
Graphique 1. Part des ruraux dans la population totale et dans la population pauvre
Source : Indicateurs du développement dans le monde (données démographiques) et base de données MNAPOV (séries de données harmonisées sur la pauvreté).
Note : le taux de pauvreté est défini en fonction du seuil national de pauvreté pour tous les pays à l’exception de l’Iran et de l’Égypte, pour lesquels un seuil de pauvreté journalière de respectivement 5,50 et 3,20 dollars PPA 2011 a été utilisé.
Deux facteurs jouent un rôle clé pour mettre fin à la pauvreté, la faim et la malnutrition : investir dans l’agriculture (a) et améliorer la productivité agricole. Mais dans la région MENA — l’une des régions du monde les plus soumises à des contraintes foncières et hydriques — l’agriculture n’offre pas forcément un grand potentiel. Pour réduire la pauvreté dans les zones rurales, il faudrait donc plutôt se tourner vers le développement des activités non agricoles. De fait, dans les pays de la région MENA, la part de l’emploi non agricole en milieu rural est relativement élevée et corrélée à la superficie des terres arables par habitant (graphique 2). Les activités rurales non agricoles jouent un rôle important à Djibouti, en Jordanie, en Cisjordanie et à Gaza, où la terre est une denrée très convoitée.
Graphique 2. Part de l’emploi rural non agricole chez les plus de 15 ans et superficie des terres arables par habitant
Source : Indicateurs du développement dans le monde (données sur les superficies) et base de données MNAPOV (séries de données harmonisées sur l’emploi).
Note : les séries de données MNAPOV ne prennent en compte que les enquêtes sur les budgets des ménages, de sorte que les chiffres de l’emploi peuvent différer de ceux issus des enquêtes sur la main-d’œuvre.
L’emploi dans le secteur non agricole est par ailleurs associé à une pauvreté moins prégnante (graphique 3). C’est le signe que les activités non agricoles offrent un meilleur rendement que les activités agricoles et qu’elles pourraient exercer un impact plus important sur la pauvreté. En revanche, cela peut aussi indiquer que les pauvres n’ont pas forcément accès aux activités non agricoles, du fait de contraintes comme l’accès aux financements, les compétences ou le niveau d’instruction notamment.
Graphique 3. Taux de pauvreté des ruraux dans la main-d’œuvre agricole et non agricole, plus de 15 ans
Source : séries de données harmonisées MNAPOV et calculs des auteurs.
Note : le taux de pauvreté est défini en fonction du seuil national de pauvreté pour tous les pays à l’exception de l’Iran et de l’Égypte, pour lesquels un seuil de pauvreté journalière de respectivement 5,50 et 3,20 dollars PPA 2011 a été utilisé. *** = statistiquement significatif à 1 % ; ** = à 5 % ; * = à 10 %. Les données 2014 pour le Yémen n’ont pas été prises en compte, faute de pouvoir distinguer l’emploi agricole de l’emploi non agricole en milieu rural.
De fait, dans les pays de la région MENA, le niveau d’instruction semble jouer un rôle décisif dans l’accès à des activités non agricoles. Le graphique 4 illustre la part de la population âgée de plus de 15 ans employée dans des activités agricoles et non agricoles en milieu rural et ayant au moins achevé des études secondaires. Dans chacun des pays considérés, les individus plus instruits vivant en milieu rural ont davantage de probabilités d’exercer une activité non agricole.
Pour résumer, dans beaucoup de pays en développement de la région MENA, la pauvreté reste concentrée en milieu rural en dépit de l’urbanisation. Pour améliorer la situation dans les zones rurales soumises à des contraintes hydriques et foncières, il faudra sans doute aller au-delà de mesures visant seulement à renforcer la productivité agricole et favoriser aussi l’accès à des activités non agricoles. Selon les dernières enquêtes auprès des ménages, le secteur rural non agricole est associé à un niveau de pauvreté moindre dans bon nombre de pays en développement de la région MENA, mais les pauvres se heurtent probablement à de nombreux obstacles pour accéder à ces débouchés. Si l’on veut faire reculer la pauvreté dans la région, il faut s’intéresser de plus près au développement des activités non agricoles en milieu rural et à la question de l’accès à ces opportunités.
Source : séries de données harmonisées MNAPOV et calculs des auteurs.
Note : les activités agricoles recouvrent les cultures et l’élevage, la pêche et la chasse. L’écart entre activités agricoles et non agricoles se réduit lorsque l’on retire le secteur public des activités non agricoles, mais il reste substantiel.
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