Publié sur Voix Arabes

Initiative Djibouti WeFi : trois façons d’aider les femmes entrepreneures à se tracer un chemin dans la vente en ligne

© Entreprise Halgan - Djibouti © Entreprise Halgan - Djibouti

« L’Entrepreneuriat féminin », concept souvent cité comme un axe de développement économique, reste néanmoins peu développé. Il existe pourtant plusieurs moyens d’accroitre les activités des femmes cheffes d’entreprises dans les pays en voie de développement, notamment à travers les ventes en lignes, permettant ainsi d’améliorer leurs conditions de vie. Prenons l’exemple de Djibouti, où les femmes entrepreneures étaient encore peu nombreuses il y a quelques années. La mise en place de mesures incitatives du gouvernement, ainsi que plusieurs projets de développement du secteur privé, contribuent aujourd’hui à changer cela.  

Alors que 75% des activités informelles sont gérées par des femmes, ces dernières sont à la tête de seulement 15% des entreprises enregistrées, où les femmes sont souvent confrontées à plusieurs contraintes. En effet, contrairement aux hommes, elles doivent jongler entre les barrières socioculturelles et leur rôle de cheffe d’entreprise. Néanmoins, grâce à la mise en place d’une législation non discriminatoire, à un guichet unique pour l’enregistrement des entreprises et à plusieurs services de soutien aux femmes, certaines parviennent à prospérer, principalement dans les secteurs du commerce et des services. 

Début 2020, l’accompagnement en commerce électronique faisait toujours défaut à Djibouti. Le Centre de Leadership et d’Entrepreneuriat (CLE), la Chambre de commerce et l’association des PME, tous des groupes locaux dédiés au soutien aux entreprises privée, ont fourni des formations en gestion d’entreprise, l’accès à des programmes d’incubation, des services de soutien aux entreprises, de l’assistance à l’accès au financement, etc.. Mais, aucun appui dédié au commerce électronique. 

C’est là qu’entre en jeu le programme Women Entrepreneurs Finance Initiative (WeFi), une initiative mondiale lancée en 2017 visant à soutenir l’entrepreneuriat féminin. À Djibouti, il a été déployé suite au projet « Soutien aux femmes et aux jeunes entrepreneurs » de la Banque mondiale, mis en œuvre par le CLE. L’initiative WeFi a débuté à Djibouti avec un objectif simple : sélectionner et soutenir 32 femmes cheffes d’entreprises et assurer leur croissance grâce à une stratégie e-commerce.  Simple, non ? Pas nécessairement, quand il s’agit de joindre le geste à la parole. Le résultat ? Après 18 mois de dur labeur, les entreprises participant au programme ont enregistré une augmentation moyenne du chiffre d’affaires global de 12 % et une augmentation du chiffre d’affaires généré par le commerce électronique de 16 %.  

 

Group
Quelques-unes des 32 femmes entrepreneures qui ont suivi le programme dans son intégralité. 
(Photo © Centre de Leadership et de l'Entrepreneuriat de Djibouti, CLE)

 

Trois leçons peuvent être tirées de la mise en œuvre du projet à Djibouti pour aider les femmes : 

  1. Tout d’abord, utiliser une approche globale/locale. L’expertise du sujet et la collaboration avec les acteurs locaux ont été essentielles pour comprendre rapidement le contexte local et sélectionner des méthodes éprouvées pour impliquer les femmes entrepreneures dans le programme. Un Cabinet de conseil international avec de l’expertise dans l’accompagnement des femmes en commerce électronique a travaillé avec une équipe locale. En collaborant avec le CLE, ils ont réussi à exécuter un processus de sélection efficace et à utiliser les enseignements tirés d'autres pays pour concevoir un programme sur mesure. Sur plus de 100 candidatures, 32 entreprises ont été sélectionnées pour recevoir un soutien. 
    Oubah Hamoud Hassan
    Hassan, qui produit et distribue des produits d’art et de décoration, a été en mesure de booster son projet et d'attirer plus de clients grâce aux séances de formation sur le ecommerce. (Photo © Galerie Oubah – Djibouti) 

     

  2. Deuxièmement, exploitez un service de conseil personnalisé et de courte portée qui maintient le cap. Le projet a offert aux 32 entreprises un mélange de formation collectives et de conseil individuel, et a accompagné les femmes entrepreneures jusqu'à l'augmentation de leurs ventes. Au total, 18 formations collectives de 2 heures ont été proposées, dont 500 heures de conseil individuel aux entreprises, à raison de 15 heures d’appels d’une heure pour les 32 entreprises. En effet, chaque situation est différente et l'assistance doit être adaptée, de l'aide marketing de base à l'accès aux plateformes e-commerce mondiales, qui produit et distribues des produits d’art et de décoration, a déclaré que « Assister aux séances de formation m’a aidé à obtenir des réponses à toutes mes questions sur le e-commerce. Le coaching individuel m’a aidé à booster mon projet et à attirer plus de clients. » 
  3. Troisièmement, catalyser l’écosystème de l’entrepreneuriat local est primordial. Implémenter le projet uniquement n’aurait pas un grand intérêt vu que peu de compétences locales seraient en mesure d’assurer la continuité du soutien au-delà des 2 ans du programme. De fait, la CLE, la Chambre de commerce et l’association des PME étaient désireuses de s’engager. Ils ont signé un protocole d'accord pour rechercher et valider conjointement des candidatures via un processus transparent et équitable et ont lié les services à leur propre programme.

Arafo Saleh Said, propriétaire de la chaîne de librairies Victor Hugo à Djibouti, résume très bien la situation lorsqu’elle affirme « Je me repose sur la formation et le conseil du programme WeFi pour créer un service de vente de livres en ligne. Mais ce n'est que grâce au centre d'appui comptable agréé de la Chambre que j'ai pu libérer une partie de mes revenus d'entreprise pour pouvoir investir. Les conseillers WeFi et le CLE m'ont aidé à concevoir le business plan de ma boutique en ligne. Désormais, grâce à mon réseau de clients, et avec le soutien de l'association des PME, j'espère devenir l'Amazon de Djibouti. » Elle a raison d'être ambitieuse. Le CLE et la Chambre se sont associés pour proposer des services de développement commercial utilisant des techniques similaires à celles du WeFi. Cela signifie que les efforts de développement de l’activité en ligne d’ Arafo bénéficieront du soutien dont elle a besoin à long terme. 

 

Arafo
Arafo Saleh Said : « Les conseillers WeFi m'ont aidée à concevoir le business plan de ma boutique en ligne. Désormais, grâce à mon réseau de clients, et avec le soutien de l'association des PME, j'espère devenir l'Amazon de Djibouti pour la vente de livres en ligne. » 
(Photo © Association Internationale des Libraires Francophones) 

 

Dans de nombreux pays, le chemin est encore long pour les femmes entrepreneures, mais elles ont surtout besoin que les programmes de soutien s’adaptent à leurs besoins et non l’inverse.  Le projet WeFi Djibouti a adapté de manière itérative les leçons globales au contexte local et a fini par offrir une formation en commerce électronique couplée à des conseils personnalisés. Si une telle approche peut sembler coûteuse et inexécutable, ce n’est pas le cas. Les institutions locales peuvent faciliter la mise en œuvre et en assurer la durabilité.  

 


Auteurs

Benjamin Herzberg

Spécialiste senior du développement du secteur privé, Banque mondiale

Oubah A. Malow

PDG, Djibouti Centre for Leadership and Entrepreneurship

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000