Alors que sa production de gaz naturel est vouée à baisser à partir de 2020, la Tunisie se trouve aujourd’hui face à des choix stratégiques difficiles pour satisfaire ses besoins énergétiques futurs. Le pays doit-il accroître ses importations de gaz naturel algérien ou plutôt s’approvisionner en gaz naturel liquéfié sur le marché international ? Doit-il construire une interconnexion électrique avec la Sicile afin de pouvoir accéder au surplus de production du sud de l’Italie ? Ou doit-il commencer à importer du charbon pour produire de l’électricité ?
Les besoins d’énergie primaire de la Tunisie sont actuellement couverts par le pétrole et le gaz , les ressources propres du pays assurant près de 85 % de la consommation. Une part importante de son approvisionnement énergétique extérieur est constituée de gaz naturel acheminé d’Algérie par gazoduc, que la Tunisie importe ou prélève à titre de redevance sur le gaz destiné à l’Italie. La Tunisie était, jusqu’au début des années 2000, un exportateur net d’énergie . Depuis lors, la demande d’énergie a augmenté plus vite que la production nationale, et les importations pétrolières et gazières ont connu une augmentation progressive. Selon des projections sur la demande d’énergie et les sources d’approvisionnement actuelles, on peut prévoir que la Tunisie sera confrontée à une pénurie d’énergie primaire vers 2020. Certes, il existe des perspectives de développement de nouveaux gisements, mais ces réserves sont limitées et incertaines.
L’écart grandissant entre le niveau des approvisionnements nationaux et la demande d’énergie est aggravé par le fait que le secteur énergétique est considérablement subventionné. Ces subventions publiques ont représenté ces dernières années 5 % du PIB et sont généralisées : les prix des produits pétroliers, du gaz naturel et de l’électricité sont tous subventionnés, aussi bien au niveau des consommateurs finaux industriels que des particuliers. (En 2015, des prix pétroliers plus bas ont eu pour effet automatique de réduire le volume des subventions, mais celui-ci pourrait de nouveau remonter en cas d’inversion de la tendance des cours du pétrole.) Ces subventions vident les caisses de l’État et encourage le gaspillage énergétique, sans pour autant profiter le plus aux pauvres, dans la mesure où leur consommation d’énergie est inférieure à celle des autres classes socioéconomiques. Sachant que la Tunisie dépendra de plus en plus des importations d’énergie et de ses propres sources d’énergie renouvelable, il lui faudra davantage s’attacher à recouvrer les coûts (tout en maintenant des tarifs sociaux et d’autres filets de protection sociale pour les pauvres), de manière à promouvoir une plus grande efficacité énergétique et à éviter que le fardeau budgétaire que constituent les subventions ne devienne insoutenable. Il faudra augmenter les prix de l’électricité et du gaz naturel afin de couvrir le coût plus élevé des sources d’énergie, que celle-ci soit importée ou d’origine nationale. En se dotant d’un secteur énergétique financièrement plus autonome, la Tunisie sera davantage en mesure de mobiliser auprès du secteur privé les investissements qui font actuellement cruellement défaut.
Rappelons que la Tunisie possède un important potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne , qu’il n’a pas encore exploité. À l’heure actuelle, la part des sources d’énergie renouvelable dans la capacité du réseau électrique tunisien n’est que de 3 % et elle est principalement fournie par deux parcs éoliens. Le pays a adopté en 2012 le « Plan solaire tunisien » avec l’objectif de porter cette part à 30 % d’ici 2030, selon la répartition suivante : éolien (15 %), photovoltaïque (10 %) et énergie solaire concentrée (5 %). La Tunisie s’emploie également à accroître l’efficacité énergétique sur la période 2013-2020 et vise une réduction moyenne de la demande d’électricité de 1,4 % par an par rapport à un scénario tendanciel.
L’année dernière, en amont de la conférence de Paris sur le climat (COP21), la Tunisie a fait part de son intention de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, tous secteurs économiques confondus, de 41 % à l’horizon 2030 (par rapport au niveau de 2010). Ces efforts d’atténuation se concentrent sur le secteur énergétique, qui représente à lui seul 75 % des réductions d’émissions prévues. Les besoins d’investissements nouveaux pour pouvoir les concrétiser sont chiffrés à 18 milliards de dollars.
Si les énergies renouvelables peuvent occuper une place essentielle dans le futur bouquet énergétique de la Tunisie, le pays a encore besoin de sources d’énergie fiables et constantes afin d’accompagner l’expansion de sources d’énergie renouvelable qui sont pour la plupart intermittentes et de faciliter ainsi la transition de son réseau électrique. C’est d’autant plus nécessaire que les projections tablent, pour les prochaines années, sur une hausse de la demande d’électricité en Tunisie de 5 % par an. Le gaz naturel est, à cet égard, le candidat idéal, compte tenu de sa compétitivité en termes de coût et de la souplesse offerte par les centrales électriques alimentées au gaz. Toutefois, avec des réserves de gaz à la baisse, le pays doit jongler entre plusieurs objectifs : 1) minimiser les coûts énergétiques ; 2) accroître la sécurité de l’approvisionnement ; et 3) protéger l’environnement.
En ce qui concerne l’approvisionnement intérieur, la Tunisie peut, dans une certaine mesure, ralentir la baisse de sa production de gaz ; il lui est même possible d’exploiter le potentiel du gaz de schiste, mais il faudra attendre près de dix ans pour que cette option ne se matérialise. La Tunisie pourrait aussi accroître ses importations de gaz algérien , en particulier dans le contexte actuel d’une baisse de la demande de gaz en Europe, principal marché de l’Algérie en ce qui concerne les exportations par gazoduc. Mais la Tunisie pourrait aussi construire des infrastructures de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié (GNL), et diversifier ainsi ses fournisseurs — une piste qu’explorent activement la Jordanie et le Maroc afin de faire face à leurs besoins énergétiques. Le marché international du GNL a connu ces dernières années un fléchissement des cours due en partie au déclin des prix pétroliers mais aussi à la hausse de la production de gaz de schiste aux États-Unis. La Banque mondiale finance actuellement une étude sur les perspectives d’approvisionnement en gaz naturel de la Tunisie qui aidera les autorités à faire les bons choix stratégiques pour une industrie vitale en 2016.
En l’absence d’un plan arrêté dans le domaine du gaz naturel, la Tunisie envisage l’introduction du charbon dans son mix énergétique . Les prix du charbon sont bas depuis quelques années, et les ressources mondiales abondantes, ce qui en fait un combustible compétitif pour la production d’électricité. Mais le charbon émet deux fois plus de carbone dans l’atmosphère que le gaz naturel. Il émet aussi d’autres polluants, notamment de l’oxyde de soufre et d’azote, et la réduction de ces émissions aboutirait à augmenter le coût de la production d’électricité. Faire du charbon l’une des principales sources d’énergie primaire irait naturellement à l’encontre des objectifs d’atténuation du changement climatique que s’est fixée la Tunisie, et cette orientation ne manquerait pas de susciter des oppositions d’ordre environnemental dans l’opinion publique.
À courte et moyenne échéance, l’option la plus séduisante qui s’offre à la Tunisie réside peut-être dans la construction d’une liaison électrique sous-marine qui lui permettrait de puiser dans les surplus de production que connaissent actuellement les centrales à gaz italiennes. Ce projet suppose l’installation, à une profondeur de 750 mètres, d’un câble de 192 kilomètres qui relierait le nord de la Tunisie au sud de la Sicile (la technique est éprouvée et ce type d’interconnexion sous-marine existe déjà ailleurs). Cette infrastructure permettrait à la Tunisie d’importer entre 600 et 1 200 MW à un coût compétitif auprès de centrales à gaz largement sous-exploitées en raison du ralentissement économique enregistré ces dernières années en Europe, en général, et en Italie, en particulier. Ce câble viendrait en outre compléter la stratégie de la Tunisie sur le gaz naturel en offrant une alternative à l’importation de gaz puisqu’il serait désormais possible de choisir d’importer du gaz ou de l’électricité en fonction des prix en vigueur pour chacun d’eux. Alors que le Maroc importe déjà 18 % de son électricité d’Espagne, l’interconnexion entre la Tunisie et l’Italie permettrait de « fermer la boucle » et de disposer d’un système de transmission haute tension entre le Maghreb et l’Europe qui renforcerait l’intégration des réseaux de part et d’autre de la Méditerranée et améliorerait leur fiabilité. À la faveur de l’amélioration de la situation économique européenne, la Tunisie pourrait par exemple utiliser la liaison sous-marine pour exporter de l’énergie solaire en Europe.
On le voit : la Tunisie est confrontée à des choix cruciaux au moment de définir les stratégies qui lui permettront de satisfaire ses besoins énergétiques futurs d’une manière durable tant sur le plan environnemental que financier. Ce chantier donne lieu à un débat public important et un large processus de consultation, car les choix faits aujourd’hui auront des répercussions en chaîne sur le développement du secteur énergétique de la Tunisie et sur son économie pendant de nombreuses années.
Les besoins d’énergie primaire de la Tunisie sont actuellement couverts par le pétrole et le gaz , les ressources propres du pays assurant près de 85 % de la consommation. Une part importante de son approvisionnement énergétique extérieur est constituée de gaz naturel acheminé d’Algérie par gazoduc, que la Tunisie importe ou prélève à titre de redevance sur le gaz destiné à l’Italie. La Tunisie était, jusqu’au début des années 2000, un exportateur net d’énergie . Depuis lors, la demande d’énergie a augmenté plus vite que la production nationale, et les importations pétrolières et gazières ont connu une augmentation progressive. Selon des projections sur la demande d’énergie et les sources d’approvisionnement actuelles, on peut prévoir que la Tunisie sera confrontée à une pénurie d’énergie primaire vers 2020. Certes, il existe des perspectives de développement de nouveaux gisements, mais ces réserves sont limitées et incertaines.
L’écart grandissant entre le niveau des approvisionnements nationaux et la demande d’énergie est aggravé par le fait que le secteur énergétique est considérablement subventionné. Ces subventions publiques ont représenté ces dernières années 5 % du PIB et sont généralisées : les prix des produits pétroliers, du gaz naturel et de l’électricité sont tous subventionnés, aussi bien au niveau des consommateurs finaux industriels que des particuliers. (En 2015, des prix pétroliers plus bas ont eu pour effet automatique de réduire le volume des subventions, mais celui-ci pourrait de nouveau remonter en cas d’inversion de la tendance des cours du pétrole.) Ces subventions vident les caisses de l’État et encourage le gaspillage énergétique, sans pour autant profiter le plus aux pauvres, dans la mesure où leur consommation d’énergie est inférieure à celle des autres classes socioéconomiques. Sachant que la Tunisie dépendra de plus en plus des importations d’énergie et de ses propres sources d’énergie renouvelable, il lui faudra davantage s’attacher à recouvrer les coûts (tout en maintenant des tarifs sociaux et d’autres filets de protection sociale pour les pauvres), de manière à promouvoir une plus grande efficacité énergétique et à éviter que le fardeau budgétaire que constituent les subventions ne devienne insoutenable. Il faudra augmenter les prix de l’électricité et du gaz naturel afin de couvrir le coût plus élevé des sources d’énergie, que celle-ci soit importée ou d’origine nationale. En se dotant d’un secteur énergétique financièrement plus autonome, la Tunisie sera davantage en mesure de mobiliser auprès du secteur privé les investissements qui font actuellement cruellement défaut.
Rappelons que la Tunisie possède un important potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne , qu’il n’a pas encore exploité. À l’heure actuelle, la part des sources d’énergie renouvelable dans la capacité du réseau électrique tunisien n’est que de 3 % et elle est principalement fournie par deux parcs éoliens. Le pays a adopté en 2012 le « Plan solaire tunisien » avec l’objectif de porter cette part à 30 % d’ici 2030, selon la répartition suivante : éolien (15 %), photovoltaïque (10 %) et énergie solaire concentrée (5 %). La Tunisie s’emploie également à accroître l’efficacité énergétique sur la période 2013-2020 et vise une réduction moyenne de la demande d’électricité de 1,4 % par an par rapport à un scénario tendanciel.
L’année dernière, en amont de la conférence de Paris sur le climat (COP21), la Tunisie a fait part de son intention de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, tous secteurs économiques confondus, de 41 % à l’horizon 2030 (par rapport au niveau de 2010). Ces efforts d’atténuation se concentrent sur le secteur énergétique, qui représente à lui seul 75 % des réductions d’émissions prévues. Les besoins d’investissements nouveaux pour pouvoir les concrétiser sont chiffrés à 18 milliards de dollars.
Si les énergies renouvelables peuvent occuper une place essentielle dans le futur bouquet énergétique de la Tunisie, le pays a encore besoin de sources d’énergie fiables et constantes afin d’accompagner l’expansion de sources d’énergie renouvelable qui sont pour la plupart intermittentes et de faciliter ainsi la transition de son réseau électrique. C’est d’autant plus nécessaire que les projections tablent, pour les prochaines années, sur une hausse de la demande d’électricité en Tunisie de 5 % par an. Le gaz naturel est, à cet égard, le candidat idéal, compte tenu de sa compétitivité en termes de coût et de la souplesse offerte par les centrales électriques alimentées au gaz. Toutefois, avec des réserves de gaz à la baisse, le pays doit jongler entre plusieurs objectifs : 1) minimiser les coûts énergétiques ; 2) accroître la sécurité de l’approvisionnement ; et 3) protéger l’environnement.
En ce qui concerne l’approvisionnement intérieur, la Tunisie peut, dans une certaine mesure, ralentir la baisse de sa production de gaz ; il lui est même possible d’exploiter le potentiel du gaz de schiste, mais il faudra attendre près de dix ans pour que cette option ne se matérialise. La Tunisie pourrait aussi accroître ses importations de gaz algérien , en particulier dans le contexte actuel d’une baisse de la demande de gaz en Europe, principal marché de l’Algérie en ce qui concerne les exportations par gazoduc. Mais la Tunisie pourrait aussi construire des infrastructures de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié (GNL), et diversifier ainsi ses fournisseurs — une piste qu’explorent activement la Jordanie et le Maroc afin de faire face à leurs besoins énergétiques. Le marché international du GNL a connu ces dernières années un fléchissement des cours due en partie au déclin des prix pétroliers mais aussi à la hausse de la production de gaz de schiste aux États-Unis. La Banque mondiale finance actuellement une étude sur les perspectives d’approvisionnement en gaz naturel de la Tunisie qui aidera les autorités à faire les bons choix stratégiques pour une industrie vitale en 2016.
En l’absence d’un plan arrêté dans le domaine du gaz naturel, la Tunisie envisage l’introduction du charbon dans son mix énergétique . Les prix du charbon sont bas depuis quelques années, et les ressources mondiales abondantes, ce qui en fait un combustible compétitif pour la production d’électricité. Mais le charbon émet deux fois plus de carbone dans l’atmosphère que le gaz naturel. Il émet aussi d’autres polluants, notamment de l’oxyde de soufre et d’azote, et la réduction de ces émissions aboutirait à augmenter le coût de la production d’électricité. Faire du charbon l’une des principales sources d’énergie primaire irait naturellement à l’encontre des objectifs d’atténuation du changement climatique que s’est fixée la Tunisie, et cette orientation ne manquerait pas de susciter des oppositions d’ordre environnemental dans l’opinion publique.
À courte et moyenne échéance, l’option la plus séduisante qui s’offre à la Tunisie réside peut-être dans la construction d’une liaison électrique sous-marine qui lui permettrait de puiser dans les surplus de production que connaissent actuellement les centrales à gaz italiennes. Ce projet suppose l’installation, à une profondeur de 750 mètres, d’un câble de 192 kilomètres qui relierait le nord de la Tunisie au sud de la Sicile (la technique est éprouvée et ce type d’interconnexion sous-marine existe déjà ailleurs). Cette infrastructure permettrait à la Tunisie d’importer entre 600 et 1 200 MW à un coût compétitif auprès de centrales à gaz largement sous-exploitées en raison du ralentissement économique enregistré ces dernières années en Europe, en général, et en Italie, en particulier. Ce câble viendrait en outre compléter la stratégie de la Tunisie sur le gaz naturel en offrant une alternative à l’importation de gaz puisqu’il serait désormais possible de choisir d’importer du gaz ou de l’électricité en fonction des prix en vigueur pour chacun d’eux. Alors que le Maroc importe déjà 18 % de son électricité d’Espagne, l’interconnexion entre la Tunisie et l’Italie permettrait de « fermer la boucle » et de disposer d’un système de transmission haute tension entre le Maghreb et l’Europe qui renforcerait l’intégration des réseaux de part et d’autre de la Méditerranée et améliorerait leur fiabilité. À la faveur de l’amélioration de la situation économique européenne, la Tunisie pourrait par exemple utiliser la liaison sous-marine pour exporter de l’énergie solaire en Europe.
On le voit : la Tunisie est confrontée à des choix cruciaux au moment de définir les stratégies qui lui permettront de satisfaire ses besoins énergétiques futurs d’une manière durable tant sur le plan environnemental que financier. Ce chantier donne lieu à un débat public important et un large processus de consultation, car les choix faits aujourd’hui auront des répercussions en chaîne sur le développement du secteur énergétique de la Tunisie et sur son économie pendant de nombreuses années.
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