Au cœur de ce cynisme est la conviction que malgré la rhétorique, des actions concrètes doivent encore être prises pour résoudre le problème d’un chômage persistant, remédier à un système de protections sociales de base et améliorer les services publics. Il est clair qu’un nouveau pacte social est nécessaire pour répondre aux besoins de la Tunisie dans l’avenir.
Est-ce que la Tunisie est prête à relever le défi ? Celui de passer par une transition politico-économique et réécrire son contrat social ?
Il y a des signes précurseurs reflétant que le moment est venu de relever le défi. En cet anniversaire, le gouvernement, les employeurs et les syndicats vont collectivement signer un accord en vue de préparer un ensemble de réformes liées au social et au travail. Parmi les sujets de discussion, trois réformes pourraient amener le pays vers un véritable changement. Un nouveau contrat social servirait à améliorer les programmes de protection sociale, promouvoir la flexibilité de travail nécessaire pour augmenter la création d'emplois et à tenir le gouvernement responsable pour les services qu'il est censé offrir.
Dans le domaine de la protection sociale, le travail a déjà commencé, même si cela reste modeste. En octobre 2012, le gouvernement a signé une nouvelle politique de réforme à l'aide sociale afin de mieux cibler les programmes vers les plus pauvres. Cette réforme, soutenue par la Banque mondiale, comprend un nouveau programme pilote d’une combinaison de travail et d’assistance sociale. Avec 60 % d’analphabètes et 40 % de moins de 60 ans au sein des bénéficiaires des programmes de protection sociale, il y a clairement un besoin de mieux cibler les dépenses dans le but d’améliorer le capital humain. Le gouvernement tunisien a aussi indiqué son intention de mieux cibler les subventions des carburants, qui bénéficient principalement les riches. Comme mentionné par un représentant du gouvernement, l'idée est de passer de la charité à la construction d’une initiative citoyenne. Dès que cela sera réalisé, les citoyens verront un réel changement.
Les réformes du code de travail sont également nécessaires. J'ai récemment rencontré un concierge dans un hôpital en dehors de Tunis qui avaient travaillé pendant plus de 10 ans en tant que sous-traitant - sans aucune retraite, assurance maladie ou assurance maternité pour sa femme. Entre 50 et 60 % de la force ouvrière de la Tunisie actuelle est informelle et ne bénéficie pas, à ce jour, de prestations de sécurité sociale. Une situation qui se veut préoccupante. Un système de «flexicurité» pourrait assurer aux travailleurs des prestations de sécurité sociale tout en travaillant. Cela pourrait également encourager plus de création d'emplois si les employeurs avaient plus de latitude à embaucher et débaucher équitablement. Un système efficace pourrait assurer aux citoyens le droit de recevoir des prestations de sécurité sociale, d’appui au revenu et d'accès à des services de recherche d'emploi efficaces après une perte d'emploi. Le gain à gagner pour de telles réformes est très important.
Enfin, le nouveau contrat social de la Tunisie réorienterait les services publics aux besoins des citoyens. Aujourd'hui, plus de 90 % des budgets publics sont contrôlés au niveau central. Cela signifie que pour améliorer les services publics dans la ville de Tataouine, à plus de 500 kilomètres au sud de Tunis et dont les besoins sociaux sont radicalement différents - presque tous les changements doivent être approuvés et financés à travers la capitale. Les prestataires de services ne sont ni récompensés pour leurs bonnes performances ni tenus responsables pour les mauvaises. Alors que le gouvernement doit conserver son rôle dans la politique et le suivi, plus de décentralisation est nécessaire pour certains services comme dans les écoles, les hôpitaux, les universités et les centres de formation professionnelle – comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour certains services quasi-publics tels que l'assurance nationale de santé et la retraite, des centres de recherche et les hôpitaux universitaires. Les avantages de nouvelles réformes adoptées en septembre 2012 devraient bientôt voir le jour en Tunisie, et ce afin d’introduire l’accréditation dans l'éducation et la santé, également un projet soutenu par la Banque mondiale. A la fin de ce processus d’accréditation, les établissements concernés bénéficieront d’une plus grande autonomie et d’une meilleure qualité de services.
Il n’y a aucun doute sur le fait que ces réformes seront difficiles à entreprendre. L'ingrédient essentiel sera de gagner la confiance des citoyens et de favoriser le dialogue entre tous les partenaires sociaux. Le défi est clair, mais sans ces réformes, le passé peut rester présent.
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