Au cours de la dernière décennie, le Maroc a enregistré des avancées significatives dans le développement de ses marchés financiers, en mettant en place des réformes visant à accroître leur efficacité et leur résilience, à attirer davantage d’investissements et à introduire de nouveaux instruments destinés à diversifier les sources de financement au profit des infrastructures et des entreprises. Soutenus par des initiatives telles que le Mécanisme de financement durable du Programme conjoint pour les marchés de capitaux — Facilité pour la finance soutenable (JCAP SFF) du Groupe de la Banque mondiale, financé par le Secrétariat d’État suisse à l’économie (SECO), ces efforts contribuent à transformer l’écosystème financier marocain en une plateforme plus dynamique et inclusive, au service de la croissance économique.
Le Maroc s’est imposé comme un pôle commercial et financier régional pour le continent africain (Casablanca Finance City) et comme une destination privilégiée pour des événements mondiaux. Cette dynamique offre une occasion stratégique d’accélérer le développement du marché de capitaux, de renforcer l’investissement étranger et les infrastructures, tout en dynamisant le tourisme et la création d’emplois.
Malgré ces avancées, des défis freinent encore le développement du marché de capitaux et la capacité à répondre aux besoins de financement des secteurs prioritaires, les entreprises restant fortement dépendantes des financements bancaires, comme c’est le cas dans de nombreux pays émergents.
Réformes financières : vers une transformation structurelle
Pour élargir l’accès aux capitaux et renforcer la sophistication du marché, le Maroc a engagé des réformes structurelles visant à moderniser son système financier. La Bourse de Casablanca a développé une infrastructure de marché intégrée, avec une contrepartie centrale (CCP) et un marché à terme en phase de finalisation, améliorant ainsi l’efficacité et la gestion des risques.
De nouveaux instruments financiers — organismes de placement collectif immobiliers (OPCI), sukuks, obligations vertes et obligations de projets — ont diversifié les sources de financement pour les acteurs publics et privés. L’adoption d’une loi sur les obligations sécurisées constitue une avancée majeure pour soutenir le financement du logement et des collectivités locales. Le financement participatif (crowdfunding) émerge comme un levier pour les petits entrepreneurs, tandis que la titrisation synthétique offre aux institutions financières des outils supplémentaires de gestion des risques et de leurs liquidités.
Rôle du J-CAP SFF dans le renforcement des marchés financiers
Le J-CAP SFF a permis d’accompagner les autorités dans le développement du marché de capitaux marocain, en contribuant au renforcement du cadre réglementaire et à la création d’un environnement d’investissement plus attractif. Deux transactions récentes illustrent concrètement l’impact de ces réformes :
- Le premier fonds de dette du Maroc dédié aux infrastructures, piloté par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), a été rendu possible grâce à un nouveau cadre juridique permettant aux véhicules de titrisation locaux de mobiliser des financements par la dette. En transformant les flux de trésorerie futurs en titres, cette initiative a mobilisé plus de 400 millions de dollars, démontrant le potentiel des fonds de dette pour canaliser les capitaux privés vers les infrastructures énergétiques tout en complétant les financements bancaires, sans recours aux garanties publiques.
- La modernisation du cadre juridique du capital-investissement, aligné sur les meilleures pratiques internationales via la récente révision de la loi sur les organismes de placement collectif en capital (OPCC), a déjà permis de débloquer de nouveaux flux de capital investissement et de capital risque. Cette réforme a déjà permis de débloquer de nouveaux flux de capitaux en capital-investissement et en capital-risque, la Société financière internationale (SFI) ayant réalisé son premier investissement direct dans un fonds de capital-risque relevant du cadre juridique marocain.
Franchir le pas : s'attaquer aux contraintes liées à la demande du marché
Bien que le Maroc dispose désormais d’un ensemble complet d’instruments financiers, leur adoption par les acteurs du marché reste inégale. Certaines innovations, telles que les OPCI et les OPCC, ont connu un développement rapide, tandis que d’autres, notamment les obligations de projets et les fonds de dette, peinent à se généraliser. Pour exploiter pleinement le potentiel des marchés financiers au service du développement économique, plusieurs défis majeurs doivent encore être relevés.
- Accroître le nombre de PME prêtes à investir. Malgré les réformes, de nombreuses PME rencontrent des obstacles pour l'accès au financement en raison de faiblesses structurelles, d’un manque de transparence financière et d’une réticence à accepter des prises de participation en capital. La structure économique du Maroc, avec un nombre limité d’entreprises de taille et de capacité suffisantes, accentue ces contraintes. La diffusion de la culture financière, le renforcement de la gouvernance et des programmes d'accompagnement et de préparation à l’investissement seront cruciaux pour accroître la participation des PME aux marchés financiers et élargir l’accès aux financements non bancaires.
- Constituer un vivier suffisamment riche de projets commercialement viables. Même si le Maroc dispose d’un cadre législatif solide pour soutenir les partenariats public-privé (PPP), la préparation de projets viables reste lente. Comme dans d’autres économies émergentes, la planification efficace, la coordination entre les parties prenantes et l’accès à l’expertise technique sont essentiels pour libérer le potentiel des projets pouvant faire l'objet de financements commerciaux. La création d’un fonds de préparation de projets pour financer les études de faisabilité et la structuration des transactions permettrait de générer un flux régulier de projets dans des secteurs stratégiques tels que les transports, l’énergie et les infrastructures durables.
- Diversifier la base d’investisseurs. Si les family offices et les particuliers fortunés sont actifs, la participation des investisseurs individuels reste limitée. Les investisseurs institutionnels, quant à eux, font face à une offre restreinte et à des rendements faibles sur les actifs traditionnels, alors même que le Maroc a besoin d’investissements à long terme dans les infrastructures, le logement et les entreprises productives. Il est essentiel d’accroître les émissions d’instruments financiers diversifiés, de mieux harmoniser les régles d'investissement, de renforcer les compétences financières et de supprimer les autorisations ad hoc pour mieux orienter l’épargne institutionnelle vers les secteurs productifs.
- Mettre en place une agence locale de notation de crédit. L’absence d’une agence locale limite la transparence du marché, nuit à la détermination des prix de marché et affaiblit la confiance des investisseurs. La création d’une agence nationale ou l’implantation d’une agence internationale au Maroc renforcerait l’évaluation des risques, la crédibilité du marché, attirerait de nouveaux émetteurs et améliorerait l’allocation des capitaux.
Perspectives d'avenir
Pour poursuivre cette dynamique, les autorités marocaines ont lancé l’élaboration d’une stratégie globale de développement des marchés financiers, visant à approfondir ces marchés et à canaliser efficacement les financements vers les entreprises productives et des projets d’infrastructure innovants à forte intensité de capital. Cette initiative constitue une occasion majeure de bâtir sur les acquis, de renforcer la collaboration entre toutes les parties prenantes et de libérer pleinement le potentiel des marchés financiers pour stimuler investissements productifs et croissance durable. En consolidant les cadres réglementaires et en mettant en œuvre les réformes clés, le Maroc est engagé dans la transformation de ses marchés financiers en un levier d’investissements à long terme, de croissance du secteur privé, de création d’emplois et de renforcement de la résilience économique. Le Groupe de la Banque mondiale reste pleinement engagé à soutenir le Maroc dans cette démarche.
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