Subventions cash ou subventions de contrepartie ? Impacts à moyen terme sur des petites entreprises au Burkina Faso

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Subventions cash ou subventions de contrepartie ? Impacts à moyen terme sur des petites entreprises au Burkina Faso Dans tous les résultats, les bénéficiaires de subventions en espèces ont obtenu de meilleurs résultats que ceux recevant des subventions de contrepartie. | © Vincent Tremeau/World Bank

La création de nouveaux emplois est un défi de taille dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où l'emploi se situe principalement dans les petites et moyennes entreprises (PME). Des interventions ciblées telles que la formation, les subventions directes ou une combinaison de ces mesures sont souvent utilisées, mais avec des résultats mitigés. L'une des principales questions de politique économique est de savoir si ces types de subventions doivent être flexibles ou ciblées. Une approche flexible permet aux entreprises d'adapter ces subventions à leurs besoins et de limiter les passations de marché inefficaces. Une approche fondée sur le ciblage des fonds suppose que les entreprises peuvent ne pas être conscientes des retours sur investissement et qu'un soutien non contrôlé peut conduire à l'inefficacité ou à l'utilisation abusive. Cette préoccupation est particulièrement pertinente dans les pays fragiles où les entreprises peuvent hésiter à investir dans des activités risquées dont le retour sur investissement est différé.
 

Comparaison entre subventions de contrepartie et subventions cash

Dans le cadre d'un récent essai contrôlé randomisé mené au Burkina Faso, nous avons évalué l'impact à moyen terme et le rapport coût-efficacité de deux interventions innovantes visant à renforcer la croissance des entreprises et la création d'emplois dans un environnement fragile et rural. Les interventions ont été mises en œuvre en partenariat avec la Maison de l'Entreprise du Burkina Faso (MEBF) et Innovations for Poverty Action (IPA), qui a réalisé les enquêtes.

Les interventions étaient de deux types :

  • Des subventions cash à utiliser pour tout objectif commercial, y compris l'acquisition de machines, d'outils, de bétail, de constructions, de terrains, de formations, d'inventaires et de fonds de roulement, sans nécessiter de contribution propre.
  • Des subventions de contrepartie réservées aux services de développement des entreprises (SDE), tels que la formation technique et le conseil d'experts, nécessitant une contribution propre de 20 % pour couvrir les coûts du service.

Toutes les entreprises pouvaient bénéficier d'un montant maximal de 8 000 USD. Pour les subventions cash, les entreprises pouvaient retirer le montant de leur compte bancaire en deux ou plusieurs transactions. Pour les subventions de contrepartie, les fournisseurs de SDE étaient remboursés à l'avance de 80 % du coût, les bénéficiaires payant les 20 % restants. Les règles de passation des marchés étaient plus strictes pour les subventions de contrepartie afin d'éviter les abus, et la MEBF a fourni une assistance individuelle pour assurer la conformité.

La mise en œuvre a eu lieu en 2019, accompagnée d'une enquête de référence et de deux enquêtes de suivi menées un an et deux ans après le déploiement.
 

Principales conclusions

Deux ans après la mise en œuvre des interventions, les bénéficiaires des subventions cash affichent des taux de survie plus élevés, de meilleures pratiques commerciales, une plus grande formalisation et davantage d'activités d'innovation par rapport aux bénéficiaires des subventions de contrepartie et aux entreprises du groupe de contrôle. Cependant, ni les subventions cash ni les subventions de contrepartie n'ont augmenté de manière significative les bénéfices, les ventes et l'emploi par rapport au groupe de contrôle. Seule la plus petite proportion des bénéficiaires de subventions cash dans l'industrie et les services a vu ses bénéfices augmenter légèrement.

Pour l'ensemble des résultats, les bénéficiaires de subventions cash ont obtenu de meilleurs résultats que les bénéficiaires de subventions de contrepartie. L'impact des subventions de contrepartie était généralement faible et souvent statistiquement insignifiant. Contrairement aux bénéficiaires de subventions de contrepartie, les bénéficiaires de subventions cash ont augmenté leurs investissements, ont connu une plus forte croissance de leurs stocks de capital et ont mieux résisté à la crise COVID-19, ce qui pourrait stimuler les bénéfices, les ventes et l'emploi à plus long terme. Nous constatons également de légers impacts positifs sur la possession d’actifs de ménage et sur le niveau auto-évalué de satisfaction de vie des bénéficiaires. La plupart des bénéficiaires des subventions cash ont choisi de les dépenser en biens d'équipement, en intrants et en bétail plutôt qu'en SDE.

Dans l'ensemble, il y a eu peu de preuves de fraude ou d'abus, même pour les plus flexibles subventions cash. Bien que les bénéficiaires des subventions de contrepartie aient apprécié la qualité des services de formation et de conseil, ils se sont plaints de la complexité des règles de passation des marchés et de leur besoin en capital. Les données qualitatives tirées des entretiens et des discussions de groupe suggèrent que les entreprises ont tiré plus d’avantages des subventions cash.


Rapport coût-efficacité

En moyenne, subventions comprises, le coût par bénéficiaire était de 6 658 USD pour les bénéficiaires de subventions cash et de 7 135 USD pour les bénéficiaires de subventions de contrepartie. Si l'on exclut la subvention elle-même, les entreprises du groupe bénéficiant d'une subvention cash ont généré des coûts à peu près équivalents au montant moyen de la subvention, soit 3 420 USD. En raison de règles plus strictes en matière de passation de marchés, la mise en œuvre des subventions de contrepartie a été 25 % plus coûteuse (4 036 USD contre 3 237 USD), mais n'a pas entraîné de meilleurs résultats.

Le stock de capital des bénéficiaires de subventions cash a augmenté d'environ 2 500 USD en moyenne sur deux ans par rapport au groupe témoin, ce qui implique un coût de 3,33 USD pour augmenter le stock de capital d'un dollar. Augmenter d'un point de pourcentage les chances auto-évaluées de survie pour les 12 mois à venir coûterait 1 715 USD. La question de savoir si ces marges sont rentables dépend de leurs effets à long terme.



Un ciblage minutieux axé sur les petites entreprises aspirantes dans le domaine de l'agro-industrie

Le ciblage minutieux de l'intervention peut servir de modèle pour des activités similaires. Une compétition de plans d'affaires a recueilli 2 279 candidatures, dont 1 200 entrepreneurs ont été sélectionnés sur la base de l'évaluation de leurs plans d'affaires par des experts et d’entretiens en face-à-face. Les plans d'affaires détaillaient les dossiers de l'entreprise et les besoins d'investissement en capital physique, en stocks et en services d'appui aux entreprises. Les entreprises ont été présélectionnées en fonction de leur potentiel de croissance et de création d'emplois, ont suivi une formation commerciale simplifiée standard et ont été réparties de manière aléatoire dans deux groupes de traitement (subventions cash ou subventions de contrepartie) et un groupe de contrôle par le biais d'une loterie publique.

À notre connaissance, il s'agit de la première étude comparant les subventions de contrepartie et les subventions cash sur la base d'un essai contrôlé randomisé dans un contexte fragile. Dans de tels contextes, l'investissement subventionné dans des activités à risque pourrait être plus important que dans des environnements stables. Cependant, les subventions de contrepartie ont été perçues comme étant trop bureaucratiques et trop longues, et leur mise en œuvre était également plus coûteuse. Les subventions cash, en revanche, semblent être une alternative plus prometteuse, en particulier si l'objectif principal est la survie plutôt que l'innovation. Si elles sont laissées à leur propre discrétion, seules quelques entreprises optent pour des services de formation et de conseil. Cependant, il peut être très utile d'informer et de conseiller les entreprises sur les bénéfices potentiels d'une formation et de services de conseil personnalisés.

Les résultats ont été publiés dans :

M. Grimm, S. Soubeiga and M. Weber (2024), Supporting small firms in a fragile context: Comparing matching and cash grants in Burkina FasoJournal of Development Economics, 171, 103344.


Michael Grimm

Professeur en Economie du Développement à l’Université de Passau

Sidiki Soubeiga

Consultant avec la Banque Mondiale, et est aussi affilié à l’Université de Passau

Michael Weber

Économiste principal, Project pour le capital humain (PCH)

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