Libéria : comment résoudre le problème des enfants scolarisés tardivement ?

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Le problème des enfants scolarisés tardivement reste un héritage de la guerre civile. (Photo courtoisie de Katie Meyler / More Than Me)


Leah est une élève consciencieuse qui vit dans une région rurale du Libéria. Chaque jour, elle se rend à pied dans l’école voisine de son village. En classe, elle écoute avec attention. Elle espère devenir enseignante un jour. Seule ombre au tableau : à 13 ans, Leah est toujours en première année du cycle primaire. 

Son cas n’est pas isolé. La quasi-majorité des élèves au Libéria (82 % des enfants au primaire) dépassent l’âge officiel correspondant à leur année d’études : les élèves en première année de primaire sont âgés de 9 ans en moyenne, soit trois ans de plus que l’âge normal.

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Les origines du problème
 
Comme de nombreux pays en situation d’après-conflit, le Libéria porte encore les séquelles de la guerre civile. Pendant le conflit, les enfants ont dû soit poursuivre leur scolarité dans l’un des pays voisins où ils avaient trouvé refuge, soit fréquenter des écoles de fortune soit encore mettre en parenthèses leurs études. C’est la raison pour laquelle les établissements, et tout particulièrement ceux du secondaire, comptent encore de nombreux élèves plus âgés que l’âge officiel correspondant à leur année d’études.

Cependant, cet aspect est passager, contrairement à d’autres difficultés plus chroniques et fondamentales qui sont liées, elles, à l’éducation de la petite enfance. Si l’enseignement primaire est gratuit dans les établissements publics, l’école maternelle ne l’est pas. Les établissements sont donc incités à maintenir dans des programmes d’éducation de la petite enfance des élèves en âge d’aller au primaire, et ce d’autant plus qu’ils peuvent justifier cette décision par le fait que les retards de croissance et la malnutrition dont souffrent de nombreux enfants risquent effectivement de les empêcher de suivre correctement les programmes de première année. 

Certains facteurs économiques et sociaux jouent également. Les parents doivent économiser un certain temps avant de pouvoir réunir l’argent nécessaire pour payer les frais d’inscription à l’école maternelle (35 dollars par an environ) ainsi que le transport et les uniformes.

L’enquête sur les revenus et les dépenses des ménages de 2014-15 (a) montre que si les écoles sont éloignées du domicile familial, les parents redoutent le trajet que leurs enfants auront à effectuer à pied, préférant attendre quelques années de plus avant de les scolariser. De même, les enfants d’âge scolaire sont parfois tenus de garder leurs cadets ou d’accomplir des tâches ménagères. Dans tous les cas, ce sont les filles qui en pâtissent le plus, les parents étant beaucoup plus enclins à les retenir au foyer que les garçons.

 

Des progrès
 
Comme le montre le tableau ci-dessous, la situation s’est améliorée au cours des dix dernières années : en 2008, les élèves étaient en moyenne âgés de plus de 10 ans à leur entrée en primaire et de 16 ans en sixième année. L’amélioration est progressive mais continue, l’impact de la guerre civile s’estompant.


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Pourtant, le problème de la scolarisation tardive va continuer de se poser en raison des difficultés fondamentales que présente le secteur éducatif libérien. Voilà pourquoi cette question reste prioritaire aux yeux du ministère de l’Éducation et de ses partenaires de développement.

Cette catégorie d’enfants plus vulnérable court un risque accru de déscolarisation, soit par découragement soit parce qu’ils basculent dans le marché du travail pour contribuer aux revenus de leur famille. Les filles, en particulier, sont les plus exposées en raison de grossesses ou de mariages précoces ou parce qu’elles sont confrontées à des demandes de faveurs sexuelles en échange de bonnes notes.

Par ailleurs, les approches pédagogiques diffèrent selon que l’on a affaire à des adolescents et ou des jeunes enfants, ce qui ajoute à la difficulté d’enseigner dans des salles de classe déjà surchargées.

 
Les angles d’attaque
 
Il n’en reste pas moins qu’il vaut toujours mieux scolariser les enfants, même s’ils sont âgés. Les bénéfices de cette scolarisation se mesurent tant sur le plan du niveau d’instruction et de l’alphabétisation que sur celui de l’acquisition d’autres types de compétences qui favorisent notamment une meilleure santé familiale et une meilleure disposition vis-à-vis de l’éducation de ses propres enfants.

Du côté de la demande, il est essentiel de faire évoluer la manière dont les parents perçoivent l’éducation. Les éléments factuels recueillis au Libéria et plus généralement dans le monde montrent que des parents éduqués et formés (tout spécialement les mères) consentent plus largement à scolariser leurs enfants. À ce titre, le Programme d’émancipation économique des adolescentes et des jeunes femmes, un projet de la Banque mondiale au Libéria qui met l’accent sur l’amélioration des revenus des adolescentes, a fait plus qu’augmenter le revenu des filles : il a changé l’attitude des jeunes mères vis-à-vis de la scolarisation de leurs enfants.

La mise en place d’autres types de dispositifs incitatifs individuels ou familiaux, à l’instar de transferts conditionnels en espèces, est difficile en raison des contraintes budgétaires qui pèsent sur ce pays en situation d’après-conflit. Le ministère de l’Éducation et la Banque mondiale, sous l’égide du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), ont commencé à recenser les solutions qui permettraient, avec un bon rapport coût-efficacité, de diminuer ou supprimer les frais d’éducation pour la petite enfance, notamment au profit des populations défavorisées et rurales. Sachant cependant que la réduction ou la disparition soudaine de ces frais pourrait entraîner un accroissement considérable de la demande à laquelle les établissements publics ne seraient peut-être pas en mesure de répondre.

Du côté de l’offre, l’État a privilégié la mise en place de programmes éducatifs alternatifs afin d’absorber les élèves scolarisés tardivement et d’accélérer leur apprentissage par le biais de ces cursus parallèles. Des initiatives destinées à améliorer les conditions sanitaires en milieu scolaire ainsi que l’hygiène et la sécurité des élèves sont également en cours et doivent demeurer prioritaires.

L’exemple de l’Inde (avec Pratham) et du Ghana (Teacher Community Assistant Initiative) montre que des expériences novatrices comme l’organisation de cours de rattrapage destinés aux élèves âgés et à d’autres catégories d’élèves vulnérables ne sont pas nécessairement onéreux ou complexes. Une autre piste que nous poursuivons consiste à mieux accompagner les enseignants et les établissements afin qu’ils puissent s’adresser à tous les enfants d’une même classe malgré les différences d’âge et de niveau.

Il n’y a pas de solution miracle. Pour le bien de Leah et du million de jeunes Libériens comme elle, la lutte contre l’entrée tardive à l’école doit figurer au cœur des efforts déployés conjointement par le Libéria et la Banque mondiale.

Suivez les activités du Groupe de la Banque mondiale dans le secteur de l’éducation sur Twitter (a) et Flipboard (a).
 


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