Pendant de nombreuses décennies, les jeunes filles enceintes au Cameroun n'étaient pas été autorisées à poursuivre leur scolarité. Les administrateurs scolaires et autres membres de la communauté les considéraient comme de mauvais exemples, et ces jeunes filles étaient souvent définitivement renvoyées de l'école. Ce qui sans surprise a eu pour résultat des taux d'abandon élevés et de moindres opportunités de vie saine et productive pour ces jeunes filles.
Cependant, en avril 2022, le sort de milliers d’entre elles a changé lorsque le gouvernement - en collaboration avec le Mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents (GFF), la Banque mondiale et d'autres partenaires - a modifié une réglementation nationale pour permettre aux filles enceintes de rester à l'école.
Tout au long du processus de réforme juridique, trois enseignements clés ont émergé, dont l'importance d'un leadership fort, l'alignement des efforts entre les partenaires ainsi que la compréhension des besoins de la communauté pour permettre le changement social.
1. La réforme dépend d'un leadership et d'un engagement forts de la part du gouvernement pour des sociétés inclusives dont les femmes sont au centre
Au Cameroun, une adolescente sur quatre tombe enceinte — principalement en raison du faible niveau d'éducation ainsi que du manque d'accès aux contraceptifs et aux informations sur la santé sexuelle et reproductive. Et ceci est particulièrement vrai pour les jeunes filles des communautés rurales les plus vulnérables. Notamment, le taux de 24 % de grossesses chez les adolescentes au Cameroun est le plus élevé d'Afrique centrale, ce qui a un impact sur la croissance économique et le capital humain du pays.
La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation. Au cours des deux dernières années, les fermetures prolongées d'écoles, le manque généralisé d'options d'apprentissage à distance et l'accès limité à des espaces sûrs pour les jeunes ont exacerbé la violence sexuelle et basée sur le genre - perturbant considérablement l'accès aux services clés de santé reproductive et contribuant potentiellement à l'augmentation des grossesses chez les adolescentes.
Déterminé à inverser cette tendance, le gouvernement a commencé à chercher comment regagner le terrain perdu et à donner la priorité au droit à l'éducation, en particulier pour les adolescentes vulnérables. Le droit à l'éducation pour tous étant protégé par la constitution du Cameroun, le gouvernement en a fait une priorité, s'engageant à promouvoir l'égalité de genre et à créer une société plus inclusive, avec les femmes et les filles au centre. En avril 2022, avec le soutien du GFF et de la Banque mondiale, le gouvernement a pris l’audacieuse décision de révoquer une circulaire de 1980 refusant aux filles enceintes le droit à l'éducation. La nouvelle circulaire leur permet de rester inscrites dans les écoles primaires et secondaires, tout en disposant de l'option protectrice d'un congé de maternité à partir de la 26ème semaine de grossesse. En outre, la nouvelle réglementation s'accompagne de réformes complémentaires visant à promouvoir un accès élargi aux services et informations de santé sexuelle et reproductive.
Grâce à ce programme de réformes, le gouvernement vise à réduire les écarts entre les genres dans l'éducation et à protéger la santé et le bien-être des adolescentes, en protégeant spécifiquement les jeunes filles enceintes contre la discrimination et la stigmatisation sociale.
2. Pour favoriser le changement social, les lois doivent répondre aux besoins de la population et être socialisées au sein des communautés
Changer des lois nationales profondément ancrées dans les sociétés n'est jamais aisé. Cela nécessite des années de recherche et une compréhension approfondie des normes et des comportements sociaux, ainsi que des stratégies pour atteindre les communautés avec les bonnes informations pour changer les mentalités.
Au cours du processus d'amendement, nous avons organisé des groupes de discussion, financés par le projet SWEDD (Projet sur l'autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel), avec de jeunes filles enceintes, des garçons, des parents et des directeurs d'école pour mieux comprendre leurs besoins et la manière dont l'ancienne circulaire était appliquée dans les écoles. L'une des principales conclusions du groupe de discussion a été la nécessité de sensibiliser davantage les membres de la communauté aux protections prévues par la nouvelle réglementation, par une campagne de sensibilisation solide et culturellement appropriée pour partager des messages adaptés et intégrer une approche centrée sur le comportement afin de lutter contre la stigmatisation et la discrimination.
Le projet SWEDD financera également des campagnes de mobilisation communautaire, de sensibilisation juridique et d'alphabétisation destinées aux enfants et à leurs communautés, y compris ceux issus de familles à faible revenu ou vivant dans des zones rurales et mal desservies - ainsi qu’aux influenceurs clés, tels que les chefs traditionnels et religieux. Les efforts de sensibilisation cibleront également les jeunes filles - en particulier celles qui sont enceintes ou qui apprennent à devenir mères - afin de s'assurer qu'elles connaissent leurs droits en vertu de la nouvelle circulaire.
3. La réforme juridique nécessite des partenariats solides et un alignement sur les priorités gouvernementales
Bien que le Cameroun soit signataire des conventions internationales protégeant le droit à l'éducation et l'inclue comme un droit fondamental dans sa constitution, la circulaire de 1980 excluant les jeunes filles enceintes de l'école existait toujours - ce qui rendait la coordination entre plusieurs niveaux de gouvernement et partenaires dans le pays, essentielle au succès de la réforme.
Sous la direction du gouvernement, une plateforme juridique régionale composée d'experts juridiques, établie dans le cadre du SWEDD, a permis de suivre le processus de réforme. La plateforme nationale du GFF au Cameroun a permis de tirer parti des partenariats et de rassembler les partenaires techniques, tels que l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et les organisations de la société civile. Ces partenaires ont aligné leurs efforts pour soutenir la mise en œuvre de la nouvelle réglementation et ont aidé le gouvernement à veiller à ce que les communautés les plus vulnérables du Cameroun soient conscientes de leurs droits et puissent les exercer.
Comme le Cameroun, d'autres pays d'Afrique ont fait preuve de leadership pour supprimer les restrictions et les lois discriminatoires. Alors que les pays font face à de multiples crises mondiales, y compris la pandémie de COVID-19, il est essentiel de promouvoir davantage de réformes pour accélérer l'égalité et établir des communautés plus inclusives avec les femmes et les jeunes filles en leur centre.
Prenez part au débat