Publié sur Nasikiliza

Améliorer la surveillance épidémiologique dans la région des Grands Lacs et propager la paix

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À l’ombre d’un imposant volcan, sur la rive nord du lac Kivu, Gisenyi et Goma se font face, de part et d’autre de la frontière qui sépare le Rwanda de la RDC. Chaque matin, les deux villes s’animent au rythme des marchands qui franchissent, en un flux ininterrompu, le poste frontière, matérialisé par de hauts panneaux. Les uns charrient d’énormes régimes de bananes vertes, les autres des piles de chaises en plastique, car tout se vend. Certains traversent aussi la frontière pour aller travailler de l’autre côté. Toutes ces allées-venues accroissent le risque de propagation des maladies.

Si nous nous sommes rendus à Gisenyi, du côté rwandais de la frontière, c’est pour observer in situ le fonctionnement d’un projet conçu pour déceler des maladies dangereuses comme la fièvre Ébola, la tuberculose ou le choléra et endiguer leur propagation. Ces zones frontalières vulnérables manquaient jusqu’à présent de moyens pour poser un diagnostic rapide et éviter le risque épidémique.
 
Or, comme nous allons nous en rendre compte quelques heures plus tard à Busasamana, un village à environ 40 kilomètres de Gisenyi, les choses évoluent. Nous sommes dans le laboratoire du dispensaire local, qui participe à un projet entre le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Soutenu par la Banque mondiale, ce projet de réseau couvrant l’Afrique de l’Est cherche à améliorer les diagnostics en laboratoire, un maillon vital mais qui a longtemps été le parent pauvre des systèmes de santé publique.
 
C’est là que nous rencontrons Jean-Claude Iyakaremye, un journalier tombé gravement malade alors qu’il travaillait dans une ferme de l’autre côté de la frontière, en RDC. Au dispensaire, les équipes ont rapidement diagnostiqué un cas de choléra et Jean-Claude a été immédiatement pris en charge. Une opération de sensibilisation des communautés environnantes, organisée dans la foulée, a permis d’identifier d’autres cas et d’éviter que des gens ne succombent à une maladie que l’on sait soigner.
 
Les prélèvements nécessitant des analyses plus fines — lors d’une suspicion de tuberculose par exemple — sont expédiés, dans un récipient réfrigéré, à l’hôpital de district de Gisenyi, lequel est en train de se doter d’un grand laboratoire dernier cri. En attendant la fin des travaux, les techniciens sont installés dans des locaux temporaires mais respectent déjà les protocoles qui leur permettront de décrocher une accréditation. Les capacités de diagnostic ont été nettement renforcées, ce qui évite d’avoir à expédier trop de prélèvements à Kigali.
 
Les laborantins de Gisenyi sont visiblement très fiers des progrès accomplis et tout à fait disposés à nous montrer ce qui a changé. Dans cette région de migrants où les risques de co-infection à la tuberculose et au VIH sont élevés, ce nouveau protocole et les équipements modernes en cours d’installation pourraient effectivement faire la différence pour de nombreux malades entre la vie et la mort.
 
Ce projet de laboratoires en réseau a ceci d’intéressant que chaque pays membre maîtrise un domaine particulier et apporte ses connaissances aux autres. Le Rwanda s’est ainsi spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). L’expert informaticien de l’hôpital de Gisenyi nous fait découvrir les nouveaux équipements financés par le projet et qui ont permis de remettre à niveau tout le dispositif TIC de l’hôpital, et pas uniquement le laboratoire.
 
En fin de journée, alors que je repars sur une route de montagne sinueuse, je repense à tous les effets bénéfiques de la pacification dans ce district de Rubavu. Après des années de conflit destructeur, ces institutions, ces infrastructures, ces systèmes et ce capital humain sont autant de dividendes de la paix, au sens propre. Et la pérennisation de la paix passe par un accès à des services de qualité.


Auteurs

Kavita Watsa

Senior Operations Officer

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