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Autonomisez-la ! Soutenir les réformes en matière d’égalité des sexes au Bénin avec le financement à l’appui des politiques de développement

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Jeune femme apprenant les rudiments de l'électricité. Jeune femme apprenant les rudiments de l'électricité.

Les écarts entre les sexes commencent tôt et ont de multiples facettes

Dans un espace confidentiel et sécurisé, créé par l'association "Club des Jeunes Béninois acteurs du changement", de jeunes adultes (18-30 ans) ont accepté de partager avec la Banque mondiale leurs préoccupations concernant l'accès à la santé sexuelle et reproductive (SSR) au Bénin : "L'éducation est centrale, car même si certaines filles savent ce qu'il faut faire, elles n'y sont pas autorisées par la société", a déclaré un jeune participant. "Beaucoup ne peuvent pas accéder à la contraception parce qu'elle est coûteuse et qu'il y a beaucoup d'idées fausses, en particulier dans les communes rurales", a déclaré un autre. 

Au Bénin, les écarts entre les femmes et les hommes (a) proviennent de disparités sociales structurelles qui commencent plus tôt dans la vie. Seule une fille sur dix âgée de 21 à 24 ans a terminé ses études secondaires. En outre, un tiers des 20-24 ans sont mariées avant l'âge de 18 ans, et 15 % sont déjà mères à l'âge de 15-19 ans. La grossesse chez les adolescentes a de graves répercussions sur la capacité des filles à accumuler du capital humain et à participer activement à la vie économique et sociale. Le taux élevé de grossesse chez les adolescentes ralentit également la transition démographique et ses avantages potentiels (a). Actuellement, avec 4,8 enfants par femme, l'indice synthétique de fécondité est sensiblement plus élevé au Bénin que chez ses pairs comme le Togo (4,3) ou le Rwanda (4,0). La violence basée sur le genre (VBG) est un autre obstacle. Lors d'un forum de l'UNFPA sur l'égalité des sexes, les femmes et les filles béninoises ont identifié l'accès à l'éducation et la lutte contre la VBG comme des domaines d'action clés. Environ la moitié des élèves du primaire et du secondaire au Bénin ont été témoins ou victimes d'attouchements inappropriés, de pressions ou de plaisanteries à connotation sexuelle. Or il est prouvé que la violence perpétrée à l'encontre des filles à l'école compromet gravement leurs performances et leur maintien à l'école, et crée des impacts négatifs sur la participation des femmes à l'éducation, à l'emploi et à la vie civique.

Comment le financement à l’appui des politiques de développement a contribué à soutenir l'agenda en matière d'égalité des sexes

Il est indispensable de mieux protéger et investir dans le potentiel que représentent les filles et les femmes pour des sociétés plus productives et plus inclusives, mais les réformes - en particulier de politiques publiques, institutionnelles et règlementaires - prennent du temps, et sont entravées d'obstacles sociétaux et d’économie politique. Combinées aux projets d’investissements nécessaires, ces réformes restent toutefois cruciales pour faire progresser l'égalité des sexes. En 2022, les enquêtes sur les opinions publiques ont révélé que plus des trois quarts des Béninois estimaient qu'il fallait faire davantage pour promouvoir l'égalité des genres.

Grâce à son expertise multisectorielle et à son pouvoir de mobilisation, la Banque mondiale et son instrument de financement à l’appui des politiques de développement (DPF) peuvent contribuer à accélérer les réformes et la construction du dialogue national. Au Bénin, la première (a) et la deuxième série de DPF Libérer le potentiel humain et productif (a) en 2021-22 ont profité de l'élan créé par un ensemble de diagnostics de base - l'évaluation du genre et le mémorandum économique du pays - pour soutenir le gouvernement au moment où il lançait un programme de réformes visant à autonomiser les femmes et les filles. 

Trois éléments ont été cruciaux pour le succès de l'opération :

  1. En plus de solides fondements analytiques, l'équipe a créé des synergies entre les réformes réglementaires soutenues par le DPF et d'autres projets d'investissement. Les réformes sur la SSR se sont appuyées sur les connaissances issues du projet d'Autonomisation des Femmes et du Dividende Démographique au Sahel (SWEDD) et sur l'expérience du laboratoire d’innovation pour l’égalité des sexes, et elles ont été planifiées de façon à accompagner les investissements du côté de l’offre, comme le programme de renforcement du système sanitaire du Benin (a)
  2. Un atelier de consultation organisé avec les parties prenantes du gouvernement a permis d'identifier les principales contraintes à l'autonomisation des femmes et des filles ainsi qu'une série de réformes, et l'opération a bénéficié des discussions avec les partenaires du développement1 et les représentants de la jeunesse.
  3. Une planification minutieuse et un dialogue étroit avec les autorités dans le cadre de l'engagement continu en matière de prêt de politique de développement depuis 2018 ont permis de créer un environnement de dialogue constructif, étant entendu que les réformes soutenues devraient être proposées localement. 

Ouvrir la voie à l'égalité des sexes 

Si les normes sociales restent un facteur déterminant pour l'égalité des sexes, l'introduction de lois et de règlementations dans le cadre de cette opération a constitué une avancée majeure. Les évolutions des normes et des lois peuvent également se renforcer mutuellement et les réformes juridiques peuvent contribuer à orienter les normes sociales dans la même direction au fil du temps. Le gouvernement a introduit des réglementations élargissant le champ d'application de la SSR à un large éventail de services allant de l’information à la contraception moderne, la santé prénatale et postnatale, l'accès à des avortements médicalisés dans des conditions spécifiques, au conseil sur la fertilité et la sexualité. Il a également supprimé le coût de la contraception dans les structures pour jeunes. 

À l'avenir, l'adoption d'un programme de compétences de vie dans les écoles secondaires vise à améliorer la sensibilisation des garçons et des filles à la SSR. Sur le front de l'éducation, des efforts plus importants ont été déployés pour augmenter la scolarisation des filles : le gouvernement a rendu l'enseignement secondaire supérieur gratuit pour les filles, en commençant par les communes prioritaires en 2022/23, avant une extension nationale prévue en 2023/24.

Le Bénin a également adopté des réformes novatrices en matière de VBG, en révisant le Code pénal pour élargir la définition des crimes sexistes et les peines pour harcèlement sexuel, viol, mariage d'enfants et mariage forcé, et mutilations génitales féminines. Il a créé et renforcé le rôle de l'Institut National de la Femme, amélioré les procédures de traitement des VBG grâce à un système d'orientation élargi et facilité la fourniture gratuite du certificat médical requis pour poursuivre les crimes de VBG. 

Ces réformes, ainsi que les efforts soutenus pour promouvoir l'égalité des sexes au Bénin, devraient améliorer la capacité des femmes et des filles à contribuer de leur plein potentiel à la société et à la croissance économique.

 

1 Des discussions ont eu lieu avec USAID, l’UNFPA, l'UNICEF, Médecins du Monde et l'UE.


Auteurs

Miriam Muller

Spécialiste des sciences sociales, pôle Pauvreté et équité, Banque mondiale

Emelyne Calimoutou

Senior Legal and Gender Specialist

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