Publié sur Nasikiliza

La garde d’enfants, un catalyseur pour libérer le potentiel économique des femmes en Afrique

Cette page en:
La garde d’enfants, un catalyseur pour libérer le potentiel économique des femmes en Afrique Programme de développement de la petite enfance dans le district de Munini Ngororero, au Rwanda. Photo : Jean Paul Nyandwi, Agence nationale pour le développement de l’enfant

Bien que la participation des femmes au marché du travail soit généralement élevée dans la plupart des pays d’Afrique, le travail non rémunéré — en particulier la garde des enfants et la gestion du foyer — occupe encore une grande partie de leur journée et leur laisse peu de temps pour étudier ou occuper un emploi rémunéré. Dans ce contexte, bon nombre d’entre elles optent pour des emplois peu productifs qui leur permettent d’assumer la double responsabilité du travail et de la garde d’enfants : il est ainsi courant de les voir se consacrer à l’agriculture de subsistance ou au commerce informel avec leurs enfants à leurs côtés. L’accès à des services de garde d’enfants abordables et de qualité peut libérer le potentiel économique des filles et des femmes et favoriser un changement des normes de genre.

Afin de mieux appréhender cette question cruciale, nous avons réuni des dirigeants africains par l’intermédiaire de l’Union africaine, du Programme d’autonomisation et de résilience des filles en Afrique de l’Est de la Banque mondiale, ainsi que de la Société financière internationale (IFC), à l’occasion d’un échange de connaissances à l’échelle régionale. Ce dialogue, intitulé Faire progresser l’autonomisation économique des femmes grâce à la garde d’enfants : Opportunités pour l’Afrique, et organisé avec le soutien de l’initiative « Investir dans la garde d’enfants », s’est tenu sous la forme d’un atelier virtuel au cours duquel 300 acteurs issus des gouvernements, du secteur privé, des ONG, des OSC et d’autres partenaires ont présenté les innovations prometteuses actuellement mises en œuvre et testées à travers le continent.

Voici ce que nous avons retenu de ces échanges.

Les services de garde d’enfants fondés sur un modèle communautaire sont de plus en plus répandus dans les pays africains. Le Laboratoire d’innovation sur le genre de la Banque mondiale a examiné l’impact d’un programme communautaire de garde d’enfants dans les zones rurales à faibles revenus de la République démocratique du Congo : selon ses observations, l’amélioration de l’accès aux services de garde d’enfants a entraîné une augmentation significative de la participation des femmes à l’agriculture commerciale, de leur productivité agricole et de leurs revenus mensuels. Le programme a également révélé une forte demande de services de garde dans les zones rurales, dans un contexte de manque de soutien de la part des membres de la famille ou du personnel d’accompagnement. Ce constat réfute le mythe selon lequel les femmes trouvent facilement de l’aide en matière de garde d’enfants auprès de leur famille.

Les représentants du ministère de l’Éducation et du Développement humain du Mozambique ont quant à eux décrit le lancement de leur premier programme public d’enseignement préscolaire communautaire. Ce modèle repose sur de solides partenariats multipartites : le gouvernement assure la coordination générale, le contrôle de la qualité et les investissements en infrastructures ; les organisations locales se chargent de la mise en œuvre ; enfin, les communautés participent à la conception, au suivi et à la cogestion de l’ensemble. Au Mozambique, cette politique publique progressiste a permis d’augmenter le temps de travail des mères et d’améliorer les résultats cognitifs des enfants fréquentant les écoles maternelles.

En outre, les interventions en provenance du secteur privé ont mis en évidence les gains économiques substantiels que les entreprises, les employés et les enfants peuvent retirer des investissements dans des politiques favorables à la famille et dans des services de garde d’enfants abordables et de qualité. Depuis la Tanzanie, la banque NMB a présenté l’impact positif des améliorations apportées à sa politique axée sur les employés et a fourni des suggestions concrètes à d’autres représentants du secteur privé désireux d’accroître leurs investissements dans les services de garde d’enfants. Le Nigeria2Equal, un programme multipartite mené par l'IFC en partenariat avec le Nigerian Exchange, a révélé que seuls 5 % des employeurs du secteur privé nigérian investissent dans les services de garde d’enfants, alors que 67 % des parents qui travaillent déclarent être plus productifs lorsqu’ils ont facilement accès à des services de garde d’enfants.

L'IFC a souligné que l’amélioration de l’accès au capital pour les entrepreneurs du secteur de la garde d’enfants offre un énorme potentiel de création d’emplois, en particulier pour les femmes. Par exemple, le concept innovant de « mamapreneures » lancé par Kidogo, une entreprise à visée sociale basée au Kenya, constitue un modèle du genre : il favorise la création d’emplois et l’esprit d’entreprise chez les femmes vulnérables tout en augmentant l’offre de services de garde d’enfants à des prix abordables. Pour se développer, ces entreprises ont toutefois besoin d’un cadre juridique adéquat. L’atelier a mis en lumière un exemple de bonne pratique issu du ministère de la Famille et de l’Inclusion sociale du Cap-Vert, lequel a introduit une nouvelle politique visant à augmenter les subventions et à accréditer les prestataires de services de garde d’enfants à domicile et en centre.

Toutes les études le montrent : investir dans la garde d’enfants constitue non seulement une avancée sociale, mais aussi un investissement stratégique dans l’avenir économique des communautés, ainsi qu’un catalyseur qui libère le potentiel économique des filles et des femmes, comme le souligne également la nouvelle stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière de genre pour la période 2024-2030. Par exemple, conformément à l’objectif stratégique visant à développer les services de soins, l'IFC s’apprête à lancer un premier programme dans la région Afrique avec pour objectif de renforcer la qualité et l’accessibilité des services de garde d’enfants dans le secteur privé au Nigéria.

Le chemin à parcourir reste long. Toutefois, grâce aux efforts combinés des gouvernements, du secteur privé, des organisations issues de la société civile, des organisations internationales et des parents, ainsi qu’à l’amélioration des cadres juridiques et aux initiatives locales dont l’impact profite directement aux filles et aux femmes, il est possible que l’autonomisation des femmes connaisse des avancées considérables en Afrique au cours des années à venir.


Irene Fernandez Gorostidi

Knowledge Management Associate, Social Protection and Jobs Global Practice

Sara Troiano

Senior Economist, World Bank Social Protection and Jobs Global Practice

Adaorie Felicia Osademey Udechukwu

Senior Gender and Economic Inclusion Advisor, IFC Africa

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000