Au Sahel, les températures augmentent une fois et demie plus rapidement que la moyenne mondiale, et environ 80 % des terres cultivables ont déjà perdu une part de leur productivité naturelle. À cause de ces facteurs, les terres disponibles pour la production alimentaire ou le pâturage diminuent et les ressources en eau se tarissent, rendant plus vulnérables les populations vivant dans la région.
La pandémie de COVID-19 est venue s’ajouter à ces difficultés et pourrait faire basculer jusqu’à 40 millions d’Africains dans la pauvreté extrême, effaçant cinq années de progrès dans la lutte contre la pauvreté. Rien qu’au Sahel, plus de 17 millions de personnes souffrent déjà d’insécurité alimentaire.
Malgré ce triste bilan, il y a des raisons de garder espoir. Les terres dégradées peuvent redevenir fertiles, les réserves en eau peuvent être préservées ou se reconstituer, changer la vie des habitants et créer des opportunités d’emploi.
C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale a annoncé aujourd’hui, à l’occasion du One Planet Summit, son intention d’investir plus de 5 milliards de dollars en faveur de 11 pays du Sahel et des régions du lac Tchad et de la Corne de l’Afrique. Couvrant un territoire allant du Sénégal à Djibouti, ces financements serviront à restaurer des paysages dégradés, améliorer la productivité agricole, développer les infrastructures climato-résilientes et accroître les moyens de subsistance et l’emploi. Grâce à ce soutien, nous espérons construire des couloirs de croissance pour transformer la vie de millions de personnes.
En 2012, la Banque mondiale a lancé le Programme du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest à l’appui de l’Initiative de la Grande muraille verte (SAWAP, de son acronyme anglais). Financée à hauteur de 1 milliard de dollars par la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial (GEF), la Grande muraille verte est une initiative régionale africaine en vue de restaurer 100 millions d’hectares de terres et créer dix millions d’emplois verts d’ici 2030. Le programme SAWAP a permis de transformer près d’1,6 million d’hectares de terres en espace de gestion durable et a atteint plus de 19 millions de personnes.
À l’avenir, nos efforts se concentrerons sur des projets qui renforceront les moyens de subsistance et la résilience. Notre expérience au Sahel nous a permis de tirer certaines leçons sur les moyens d’optimiser les résultats.
Il est nécessaire d’étendre les pratiques d’agroforesterie pour améliorer la fertilité des sols, fournir du fourrage au bétail et améliorer les microclimats. Au Niger, les activités gérées par les agriculteurs pour régénérer naturellement les arbres et d’autres plantes indigènes ont permis de développer des exploitations avec une forte densité d’arbres ainsi qu’une production de grain plus importante. Pour les familles, cela représente davantage de nourriture mais aussi des surplus à vendre.
Nous devons protéger et reconstituer les réserves d’eau en récupérant et concentrant les eaux de ruissellement sur les zones cultivées. Au Burkina Faso, par exemple, les efforts de recharge du niveau des eaux souterraines ont permis aux agriculteurs de créer des jardins potagers. Ils ont ainsi pu améliorer la sécurité alimentaire mais aussi vendre ce qu’ils ne consommaient pas.
Il faut aussi lutter contre l’érosion et se préparer aux catastrophes naturelles de plus en plus courantes à mesure que le changement climatique affecte les régimes climatiques. Au Nigéria, près de 2,6 millions de personnes bénéficient du Projet de gestion de l’érosion et des bassins hydrologiques (mieux connu par son acronyme anglais NEWMAP). Doté d’un budget de 900 millions de dollars, il renforce le niveau de préparation face aux catastrophes naturelles et aux risques climatiques et aide à lutter contre l’érosion. Résultat, 16 états ont pu améliorer leurs cartes des risques d’érosion et préparer de meilleurs plans de gestion des bassins versants, 75 stations hydrométéorologiques ont été installées, fournissant des données pour la gestion intégrée des bassins versants, et de vastes zones de ravines érodées ont été restaurées.
Il nous faut renforcer la sécurité foncière, une condition indispensable pour encourager les exploitants à gérer leurs terres de façon durable. En Éthiopie, en plus de la restauration à grande échelle de terres, des titres fonciers ont été distribués à plus de 360 200 foyers, souvent dirigés par des femmes. Les bénéficiaires incluent notamment quelque 10 000 jeunes qui ne possédaient pas de terres et qui ont reçu des titres en échange de la restauration de terres communales dégradées. Cela les a encouragés à investir dans la productivité des sols et la préservation des sols et de l’eau.
Les plus de 5 milliards de dollars que nous comptons investir d’ici 2025 nous permettrons de mettre en œuvre une approche multisectorielle à travers plus de 60 projets. Ils aideront à renforcer l’action climatique des communautés au Burkina Faso ; les compétences des jeunes au Tchad ; l’entrepreneuriat féminin à Djibouti ; l’agriculture et l’élevage en Mauritanie ; la sécurité hydrique au Niger ; l’accès à l’électricité en Éthiopie ; ou encore la sécurité foncière au Sénégal, pour ne citer que quelques exemples.
Restaurer les terres et les moyens de subsistance dans les zones arides de l’Afrique représente un formidable espoir, et c’est en joignant nos forces avec les communautés, les États et nos partenaires qu’elle deviendra réalité.
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