Il y a près de sept ans, une révolution éclatait en Tunisie, déclenchée par un jeune chômeur tunisien d’une ville secondaire qui cherchait désespérément à se faire entendre. Cette révolution a entraîné une refonte du programme de développement du pays et enclenché un processus de décentralisation visant à donner plus de poids aux collectivités locales dans l’élaboration des politiques publiques. Depuis, l’action de la Banque mondiale en matière de gouvernance locale en Tunisie a été étendue, et couvre l’équipement des municipalités en services publics de base et le règlement des nombreux défis posés par la décentralisation : réforme institutionnelle, processus participatif, transparence et responsabilité, renforcement des capacités et évaluation de la performance.
De l’autre côté du Sahara, au Sénégal, nous avons été directement témoins de l’importance d’accorder plus de poids aux collectivités locales pour améliorer la gouvernance. Depuis plus d’une décennie, les collectivités locales s’efforcent de donner voix au chapitre à leurs administrés dans les processus d’élaboration des politiques. Comme en Tunisie, le gouvernement sénégalais prépare un programme pour renforcer la gouvernance locale et améliorer les revenus des populations urbaines. En novembre 2016, nous avons réuni des responsables gouvernementaux tunisiens et sénégalais dans le cadre d’un voyage d’étude à Tunis afin de réfléchir à la manière dont les décisions et actions de l’après-révolution en Tunisie pourraient inspirer les initiatives en matière de décentralisation et de réforme de la gouvernance au Sénégal et soutenues par l’instrument de financement de la Banque mondiale baptisé Programme pour les résultats (PforR).
Quels sont les enseignements tirés de cette expérience ? Voici ce que nous avons retenu :
Programme de décentralisation au Sénégal et en Tunisie
Le voyage d’étude a permis aux responsables sénégalais de mieux comprendre le contexte institutionnel et juridique de la décentralisation en Tunisie, pays engagé dans la voie de la démocratie locale. Si l’histoire de la décentralisation est plus ancienne au Sénégal (la décentralisation a été introduite par l’Acte I de 1972), la Tunisie a fait des progrès rapides pour adopter et appliquer les lois relatives à la décentralisation. Parmi les exemples récents, on citera la création en janvier 2016 du ministère tunisien des Affaires locales et le transfert de pouvoirs et de ressources du gouvernement central à des organes locaux.
Processus participatifs dans la gouvernance locale
Le Sénégal a une longue tradition de participation citoyenne dans l’élaboration des budgets municipaux et dans d’autres affaires locales. À l’inverse, la participation des citoyens à la gouvernance locale n’a été introduite dans la Constitution tunisienne qu’en 2014 et n’est mise en œuvre de manière embryonnaire dans la vie des municipalités. Un expert sénégalais a donc formé des responsables tunisiens dans ce domaine et a aidé le Gouvernement tunisien à élaborer une approche participative de la gouvernance locale. Malgré des années de gouvernance hautement centralisée, les citoyens tunisiens se sont adaptés à cette évolution avec beaucoup d’enthousiasme et d’engagement. Au cours du voyage d’étude, les délégués sénégalais ont été particulièrement frappés par la rigueur de la méthode tunisienne ainsi que par les moyens humains et financiers déployés pour traduire dans les faits la participation citoyenne au niveau local, une approche plus viable que celle plus informelle appliquée au Sénégal.
Transparence et redevabilité
Grâce à la participation citoyenne, les Tunisiens sont désormais fortement impliqués dans les programmes de renforcement de la responsabilité et la transparence au niveau local. Les délégués sénégalais étaient particulièrement inspirés par le nouveau portail électronique tunisien sur les collectivités locales qui vise à i) assurer la reddition des comptes des collectivités locales aux citoyens, notamment à travers un mécanisme de règlement des griefs, ii) assurer la transparence des données financières et de gestion dans toutes les municipalités, en particulier à travers les notes d’évaluation de la performance de chaque municipalité, et iii) permettre aux collectivités locales et aux organismes de l’État de collaborer par voie électronique. Les délégués sénégalais ont jugé que la création d’un tel portail au Sénégal est réalisable et prioritaire.
Assistance technique, renforcement des capacités et évaluation de la performance
Les collectivités locales tunisiennes bénéficieront d’une assistance technique et de formations afin d’exercer leurs nouvelles responsabilités. Ces appuis seront fournis par la CPSCL et le CFAD, des organismes soutenus par l’État. En particulier, l’assistance technique de la CPSCL est devenue une source d’inspiration pour la délégation sénégalaise : les diverses activités d’assistance technique sont en effet liées à des indicateurs d’évaluation de la performance, ce qui crée un cycle vertueux entre la formation et l’évaluation.
Les efforts pour renforcer le partenariat entre la Tunisie et le Sénégal en matière de réforme de la gouvernance locale ne se sont pas limités au voyage d’étude. Avant de quitter la Tunisie, la municipalité sénégalaise de N’Diob a signé une convention de jumelage avec la municipalité tunisienne de Soukra — une invitation à une collaboration plus poussée entre les deux pays.
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