Le développement économique d’un pays ne se mesure pas uniquement à la taille d’une nouvelle route, ou au nombre d’usines, de centrales électriques et de ports construits. C’est aussi la somme d'histoires individuelles. Cette série de blogs publiée par le Groupe de la Banque mondiale, en partenariat avec Fraternité Matin et la bloggeuse Edith Brou, analyse l’impact des projets mis en œuvre et la manière dont ils changent le quotidien des Ivoiriens.
Jacques Dongo, inspecteur des services d’orientation au ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement technique, exhibe fièrement son certificat de prêt, un sésame qui va lui permettre de réaliser une partie de ses rêves. Devant le guichet du ministère de la fonction publique et de la modernisation de l’administration, où nous l’avons rencontré, il reconnait les bienfaits du nouveau Système intégré de gestion des fonctionnaires et agents de l’État (SIGFAE) : « Avant la mise en place du système, il fallait jouer au chat et à la souris entre les « margouillats », ces fameux intermédiaires, et les services administratifs pour obtenir des documents. La situation a complètement changé depuis. Cela m’a pris tout juste 3 jours pour avoir ce document, après avoir rempli toutes les conditions requises. »
Le SIGFAE, c’est ce système informatique mis en place en 2012 par le gouvernement ivoirien avec l’appui du projet Don de Gouvernance et de Développement Institutionnel (DGDI) pour simplifier la gestion des fonctionnaires. En gros, il centralise l'ensemble des employés de la fonction publique dans un fichier unique de référence (FUR). Un travail colossal qui permet désormais de décloisonner et d’améliorer la communication entre les services du ministère en charge de la Fonction publique et toutes les autres administrations qui interviennent dans la gestion de la carrière des fonctionnaires.
L'objectif initial du SIGFAE il ne faut pas se le cacher, était de mieux surveiller les dépenses publiques qui échappaient au contrôle de l'État. Il a par exemple aidé Albertine Tano et Seka Seka Clément à résoudre la question lancinante des emplois fictifs qui pesaient sur les soldes de l’État lorsqu’ils travaillaient ensemble à la tête de la gestion administrative du personnel civil. En 2015, il a permis de débusquer 2300 faux dossiers et de faire économiser ainsi près de 10 milliards de francs CFA par an au Trésor public.
Autres avantages du système : l’obtention de registres administratifs prend maintenant moins de deux semaines, alors qu’il fallait 6 mois, voire deux années parfois. À quelques exceptions près, les services de Mme Tano peuvent aujourd’hui traiter électroniquement environ 18 000 actes par an, avec une moyenne de 30 par jour, contre à peine 5 auparavant. Cet effort de rationalisation aurait pu rencontrer la résistance des fonctionnaires car elle bousculait les habitudes et pouvait même remettre en question un certain nombre de postes.
Il a au contraire été plutôt bien accueilli par la majorité des fonctionnaires puisqu’il facilite aussi leurs démarches administratives. Pendant de longues années, l’administration ivoirienne a en effet souffert de la lenteur et lourdeur de la gestion manuelle des dossiers des fonctionnaires qui ont fini par s’agacer des éternels « Partez, revenez donc une autre fois ».
Aujourd’hui, le paiement de leurs salaires est pratiquement automatique. Autrefois, comme le rappelle Yao Dago Rosine, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, « de nombreux fonctionnaires, surtout nouvellement recrutés, pouvaient attendre 2 à 3 ans avant de percevoir leurs premiers salaires. Tout comme des retraités devaient attendre des mois avant de toucher leurs pensions.
La leçon du SIGFAE est qu'un fonctionnaire heureux est plus enclin à bien travailler et de fait, à améliorer l'efficacité de l'administration publique.
Globalement, la Côte d’Ivoire semble être en bonne voie dans la gestion informatique et automatisée de la carrière des fonctionnaires. Et ce, du recrutement jusqu’à la retraite. Le pays dispose d’une bonne avance sur la plupart des pays francophones de la région et a entrepris les mêmes efforts d’automatisation dans d’autres secteurs clés de l’économie. Notamment pour la gestion des finances et de la comptabilité publiques (projets SIGFP et ASTER), ou encore celle des marchés publics (SIGMAP)
Malgré ces avancées dans la gestion administrative de l'état, quelques questions subsistent et nous aimerions connaître votre avis :
- La modernisation et dématérialisation des procédures de l’administration publique conduit-elle à diminuer la corruption en réduisant les interactions entre le fonctionnaire et l'usager?
- Au delà de la simplification des procédures et des démarches administrative, pensez vous que les autorités ivoiriennes doivent aussi reformuler leur politique salariale et de formation des fonctionnaires pour devenir un État véritablement à l'écoute de ses citoyens?
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