Malgré son fort potentiel agricole, avec plus de 6 millions d’hectares de terres cultivables et 300 000 hectares de terres irrigables, mon pays, la Guinée n’arrive pas à profiter pleinement de cette richesse qui pourrait pourtant favoriser l'emploi des jeunes et des femmes. Aujourd’hui, seules 25 % des terres cultivables et 10 % de celles irrigables sont exploitées. On enregistre également un taux de chômage important de 75 % chez les jeunes qui représentent plus de 60 % de nos 13 millions d’habitants. C’est l’une des causes principales de leur exode rural et de leur migration vers les grandes villes et l’Occident.
En faisant quelques recherches, j’ai constaté que malgré les efforts consentis par le gouvernement et les acteurs au développement pour améliorer la production agricole, la Guinée enregistre des pertes de 40 à 55 % après récolte et plus de 10 % à la commercialisation. Des chiffres inquiétants compte tenu des pénibles conditions de travail des producteurs.Je suis guinéenne et africaine : jeune, remplie de potentiel, et prête à travailler. Je suis également passionnée par l’agriculture et issue d’une famille d'entrepreneurs. En 2011, à la fin de mes études en comptabilité, j’ai donc décidé d’apporter ma modeste contribution dans ce secteur en créant ma propre entreprise qui emploie aujourd’hui une dizaine de femmes et de jeunes et contribue à réduire les pertes post récoltes. Ça n’a pas toujours été facile, d’autant qu’en milieu rural, ce secteur est dominé par les hommes qui n'associent que très peu les jeunes et les femmes dans la prise de décision. Mais j’ai décidé de convertir ce défi en opportunité et me suis positionnée dans le secteur de la transformation agroalimentaire.
J’ai commencé avec seulement 3 millions de francs guinéens (environ 260 dollars)et l'appui du Programme italien de sécurité alimentaire (PISA) pour l'installation d’une unité solaire de séchage de fruits de construction locale. En 2014, les choses ont commencé à prendre une tournure positive lorsque j'ai eu l’opportunité de participer à un salon au Maroc où nos produits ont été très appréciés par les visiteurs. Ce qui a abouti à un partenariat d'export d'ananas séchés. Cette réussite m'a donné le courage de continuer.
Depuis le début de mes activités, j’ai acheté plus de 320 tonnes d'ananas frais et créé une économie locale en travaillant avec les producteurs locaux et les coopératives de femmes. Je produis environ 16 tonnes d'ananas séchés par an et j’ai également ouvert un restaurant bio qui me permet de compléter la chaîne de production. Nos produits sont présents dans de nombreuses stations-services, boutiques et supermarchés de la capitale, Conakry, et des villes à l’intérieur du pays. Nous avons participé à plusieurs foires et expositions nationales et internationales. Nos produits étant très appréciés, nous sommes en phase d’extension pour augmenter la capacité de production et l’exportation sur le marché international.Récemment, le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) m’a fait don d’un séchoir électrique d’une capacité de production de dix tonnes par mois. Ce qui nous permettra d’augmenter notre capacité de production de fruits séchés de 6 à 80 kg par semaine, d’employer directement 15 femmes et d’être compétitifs sur les marchés régionaux et internationaux.
Mais les défis de l'entreprenariat restent énormes avec entre autres les difficultés d’accès au financement, le manque de qualifications adaptées des jeunes dans les filières porteuses et la nécessité de développer davantage les compétences locales afin de devenir plus compétitifs et continuer à offrir des produits de qualité supérieure sur les marchés de plus en plus exigeants.
Malgré tout, je suis convaincue que la jeunesse guinéenne peut réussir et être autonome en misant sur l’entreprenariat et exploitant le potentiel de la Guinée pour y créer de l’emploi et améliorer les conditions de vie.
L’entreprenariat dans l’agroalimentaire représente une grande opportunité à saisir pour les jeunes, avec beaucoup de débouchés professionnels en perspective vue les importants investissements étrangers attendus en Guinée, notamment dans le secteur minier, qui sont estimés à plus de sept milliards de dollars.
On m’a toujours dit que l’agriculture et l’entreprenariat sont réservés aux hommes. Aujourd’hui, je peux fièrement dire que ce n’est pas le cas. Mon entreprise permet de fournir un emploi à plus d’une centaine de femmes organisées en coopératives, je valorise et vends des produits guinéens de qualité au niveau régional. Ce n’est que le début et j’espère pouvoir inspirer d’autres jeunes à se lancer dans l’entreprenariat afin de contribuer au développement de notre nation.
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