Travaillant depuis près de 20 ans sur la Guinée comme chargé des projets relatifs à la santé, j’’ai connu et eu à gérer presque toutes les grandes crises sanitaires que le pays a traversées.
En 2015, nous avons tous été surpris par la virulence de l’épidémie d’Ebola et n’avions pas d’expérience de riposte face à une maladie de cette envergure . A l’époque, le système de santé guinéen s’est retrouvé confronté à plusieurs difficultés, notamment à la faiblesse de son système de surveillance et de ses capacités logistiques, au manque de financement du secteur et de ressources humaines qualifiées, ainsi qu’à l’inexistence d’unités de prise en charge des maladies très contagieuses à tous les niveaux des structures de soins.
Pour y remédier, la Guinée a mis en place un centre de coordination qui a rapidement élaboré une stratégie de prévention et de riposte. Cela a permis à tous les partenaires de se mobiliser. À l’époque, la Banque mondiale n’avait pas d’outils adaptés pour intervenir en cas d’urgence mais nous avons pu développer en trois mois des appuis pour les trois pays touchés par la pandémie (Guinée, Libéria et Sierra Leone). La Guinée a bénéficié de deux dons de 25 et de 75 millions de dollars et d’un appui budgétaire de 50 millions de dollars. Le virus Ebola a ainsi été vaincu grâce au travail conjugué du gouvernement et de tous les partenaires, y compris les ONG et les associations.
La grande différence entre la riposte contre Ebola et celle contre le coronavirus (Covid-19), réside essentiellement dans le niveau de préparation des pays. Pendant l’épidémie d’Ebola, les pays, l’Organisation mondiale de la santé et tous les acteurs impliqués ont marqué un temps de latence avant de réagir. En revanche, bien avant que les premiers cas de COVID-19 n’apparaissent en Guinée, le pays disposait d’une stratégie de riposte , d’un budget dont les fonds étaient déjà mobilisés ainsi que d’un savoir-faire acquis pendant la lutte contre Ebola. Tous ces facteurs ont été déterminants.
Pendant que des pays de la sous-région se battaient pour envoyer leurs échantillons à l’Institut Pasteur de Dakar, la Guinée disposait de trois laboratoires capables de faire le test de dépistage. Parallèlement, la réaction des partenaires a été beaucoup plus rapide que pendant la crise sanitaire liée à Ebola. Sans attendre l’apparition des premiers cas en Guinée, la Banque a mis 12,5 millions de dollars à la disposition du pays par le biais de son Programme de renforcement des systèmes régionaux de surveillance des maladies (REDISSE) afin de financer les premières mesures de riposte. L’institution a également débloquer un financement d’urgence de 10,7 millions de dollars pour le projet de lutte contre la pandémie de COVID-19. Cela a permis de prendre en charge les premières dépenses notamment l’acquisition de matériel de protection individuel pour le personnel soignant, les équipements de laboratoires et de réanimation, les intrants, les véhicules y compris des ambulances, ainsi le coût des campagnes de communication et l’ouverture de centres de prise en charge.
Même si nous avons beaucoup appris de l’expérience de la lutte contre Ebola, il reste de nombreux défis à relever, notamment la fatigue des populations et le non-respect des gestes barrières et des mesures de distanciation sociale, ainsi que le manque de formation et d’équipement du personnel hors des centres de traitement épidémiologique au fur et à mesure que le virus se diffuse dans l’ensemble du pays. Relever ces obstacles nécessite d’intensifier les campagnes de sensibilisation, d’acquérir du matériel de protection individuel pour tout le personnel médical et de mettre en place une formation continue.
Mais nous avons aussi le savoir-faire et les ressources nécessaires pour les surmonter. Sensibiliser et éduquer une population peut prendre du temps mais j’espère que nous y parviendrons parce que la victoire est à ce prix.
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