Publié sur Nasikiliza

L’Afrique doit profiter de ses atouts naturels pour développer un tourisme durable

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Photo: Magda Lovei/Banque mondiale

Faune emblématique et espèces d’oiseaux rares, sommets enneigés, chutes d’eau et forêts majestueuses, mais aussi plages immaculées et récifs coralliens : les ressources naturelles de l’Afrique sont sublimes et d’une valeur inestimable. Le Kilimandjaro, le mont Kenya, les chutes Victoria, les plages de sable blanc de Zanzibar comme la grande migration des gnous à travers le parc Massaï Mara et le Seregenti sont autant de miracles de la nature qui font partie des attractions touristiques les plus célèbres au monde.

Le tourisme, en particulier le tourisme durable en Afrique de l’Est et en Afrique australe, alimente largement l’économie des pays, procurant des emplois et des moyens de subsistance aux populations. Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme, la contribution totale de ces secteurs d’activité au PIB régional et à l’emploi s’élevait respectivement à 7,8 % et 6,5 % en 2016 en tenant compte de leurs retombées en termes d’investissements, de chaînes d’approvisionnement et de revenus.

Dans certains pays, cette contribution est nettement supérieure : en Namibie, 19 % des emplois sont liés de manière directe ou indirecte au tourisme tandis qu’en Tanzanie, le tourisme l’emporte de peu sur l’or comme principal pourvoyeur de devises. Surtout, le phénomène de ruissellement dans l’économie entière peut être significatif. Sans oublier la forte féminisation de ce secteur : à l’échelle internationale, la moitié des employés dans la restauration et l’hôtellerie sont des femmes.

Selon l’Organisation mondiale du tourisme des Nations Unies, l’essor du tourisme est plus rapide dans les régions émergentes et en développement que dans le reste du monde, surtout lorsqu’il bénéficie du soutien actif des autorités nationales. Cet essor concerne tout particulièrement l’Afrique, puisque la place et la valeur du tourisme vert sont appelées à augmenter encore plus vite que la moyenne mondiale, étant donné la raréfaction du patrimoine naturelle et de la faune sauvage.

Il n’y a qu’en Afrique que la rencontre avec des animaux sauvages peut procurer un tel frisson aux touristes : vous pouvez randonner aux côtés des gorilles au Rwanda, vous promener avec des guépards en Zambie, découvrir des lions dans les arbres en Ouganda ou admirer la faune de la réserve naturelle de Maputo, au Mozambique, tout en vous prélassant sur des plages sublimes… Pour vivre cette expérience, les gens sont prêts à payer le prix fort, ce que certains pays africains ont bien compris en développant des niches lucratives.

Comment l’Afrique doit-elle procéder pour exploiter durablement cet extraordinaire capital ?

Avant tout, le continent doit protéger ce patrimoine et en assurer une gestion pérenne. Le braconnage d’espèces sauvages, la déforestation et la pollution des plages font partie des menaces latentes qui préoccupent les défenseurs de l’environnement mais devraient également mobiliser les ministres des finances, de la planification et du tourisme — sans oublier le secteur privé et les collectivités locales, qui risquent sinon d’être privés de certains débouchés. C’est en comprenant mieux la valeur de ce patrimoine naturel et les recettes connexes que l’on pourra susciter un large soutien en faveur des efforts de protection et de conservation. La protection des richesses naturelles d’un pays est aussi un investissement crucial pour les biens locaux et mondiaux.

La protection de la biodiversité

La Banque mondiale, qui œuvre depuis longtemps à la protection de la diversité biologique, a constitué ces dix dernières années un portefeuille mondial d’une valeur de 2 milliards de dollars et permis de lever des ressources supplémentaires considérables. Mais le braconnage et le trafic des espèces sauvages à grande échelle exigent une réaction rapide pour aider les populations locales à combattre ces pratiques illégales.

En plus des programmes anti-braconnage, de nombreux pays ont redoublé d’efforts pour contrer l’activité de réseaux internationaux qui s’adonnent au commerce illégal de défenses d’éléphants et de cornes de rhinocéros notamment. Le Programme mondial pour la vie sauvage, financé par le Fonds pour l’environnement mondial et placé sous la direction de la Banque mondiale, tout comme des partenariats tels que le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, ont permis de mobiliser la CITES, l’ONUDC, Interpol et l’Organisation mondiale des douanes en soutien à ces initiatives.

La conception de stratégies, d’objectifs et de plans durables pour le tourisme peut y participer. Les décideurs doivent comprendre que la hausse du nombre de touristes n’est pas forcément l’objectif le plus judicieux. D’autres éléments entrent en ligne de compte, comme la capacité d'absorption des écosystèmes et la nécessité de préserver le caractère unique de l’expérience touristique : car ce sont ces facteurs qui attireront un tourisme rentable et respectueux de l’environnement, surtout dans les endroits les plus exceptionnels. Le succès doit se mesurer en fonction des revenus par touriste plutôt que du volume d’entrées. Les autorités doivent par ailleurs construire et promouvoir une image de leur pays qui soit en lien avec cette vision.

L’économie locale comme les communautés sur place doivent bénéficier des retombées du tourisme. Les solutions sont nombreuses, ne serait-ce qu’à travers les activités d’approvisionnement et le travail, accompagnées par des formations ciblées et des opérations de renforcement des capacités pour accroître la valeur ajoutée locale. L’exemple d’un petit institut de formation soutenu par la Banque mondiale au Botswana, qui forme les jeunes au tourisme, prouve (je l’ai constaté de visu) que l’on peut obtenir beaucoup avec peu de moyens. Une formation professionnelle plus systématique pourrait produire nettement plus de résultats.

De la Namibie au Kenya, les conservatoires locaux ont aussi évolué et parviennent à sensibiliser et impliquer durablement les communautés dans les activités de conservation et le tourisme. Au-delà de ces aspects et pour s’assurer un large soutien des populations locales, il faut introduire une gestion transparente et équitable des recettes touristiques.

Le cadre réglementaire pour démarrer une activité et la faire fructifier doit être simple et favorable. Trop souvent, des réglementations tatillonnes découragent le développement des entreprises locales quand elles ne les évincent pas. Des réformes politiques peuvent améliorer l’environnement des affaires et favoriser la prospérité des entreprises locales.

L’attractivité touristique d’une destination dépendra des investissements dans les services (santé, finance, accueil, sécurité et visas) et les infrastructures (transport, logement, salubrité de l’eau et assainissement). Le rôle des partenariats public-privé doit être renforcé pour veiller à ce que les rares ressources publiques soient allouées aux biens publics hautement prioritaires et contribuent également à déclencher des investissements privés.

Pour l’Afrique, le tourisme de nature offre de belles perspectives d’avenir. La Banque mondiale en est partie prenante : le 28 septembre 2017, elle a approuvé un nouveau projet pour la croissance et le tourisme en Tanzanie doté de 150 millions de dollars, soit le plus grand projet jamais entrepris dans ce secteur.


Auteurs

Magda Lovei

Practice Manager, Environment and Natural Resources Global Practice, World Bank

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