Je reste hantée par les images de l’Odisha, l’un de mes États préférés en Inde, dévasté par le cyclone Fani. Mais avant Fani, il y a eu Idai, puis Kenneth… qui a ravagé Beira, au Mozambique, frappant de plein fouet ses habitants. Et cela, en l’espace de quelques semaines à peine. À chaque fois, des villes plus ou moins grandes, des villages, des hameaux sont submergés. Comme s’ils étaient en état de siège climatique.
Mais ces inondations n’ont pas les mêmes effets s’il s’agit d’une ville ou d’un village. D’où la priorité accordée aux phénomènes urbains. La première fois que j’ai vraiment pris conscience de ce que cela représentait, c’est lorsque je travaillais pour le gouvernement du Maharashtra : à chaque épisode de mousson, les basses terres de Mumbai étaient sous les eaux. Depuis, j’ai vu un nombre incalculable de villes noyées par des eaux charriant des immondices. Je parle là de submersions chroniques, souvent provoquées par des égouts obstrués, une piètre gestion des déchets solides ou des infrastructures vétustes.
La quatrième Conférence mondiale sur la reconstruction (WRC4) (a), qui vient de se tenir à Genève autour du thème « L’inclusion pour un relèvement résilient », m’apporte un certain réconfort. Parce que certains individus et certains groupes sont plus touchés par les inondations en milieu urbain que d’autres. Certes, les plus pauvres sont les plus menacés, mais l’exclusion revêt en réalité bien d’autres aspects.
Migrants, habitants des quartiers informels, personnes âgées, handicapés, mais aussi vendeurs de rue et collecteurs de déchets qui exercent des activités particulièrement sensibles aux perturbations provoquées par une catastrophe naturelle : ce sont autant de populations qui, dans les villes du monde entier, font partie des groupes exclus. Sans compter que, comme les autres aléas, les inondations n’ont pas le même impact selon que l’on est un homme ou une femme. De même, la riposte organisée peut aggraver une forme d’exclusion sociale préexistante — liée à l’appartenance ethnique, la race, la caste, le lieu de naissance – qui conduit à « oublier » ces individus lors des processus d’évacuation ou de secours.
La Banque mondiale vient de consacrer une note de politique générale (a) sur les enjeux de l’inclusion sociale en milieu urbain, en axant l’analyse sur les inondations. Voici les trois points à retenir.
Des capacités de gouvernance à l’échelon municipal sont une condition préalable indispensable pour assurer la résilience des villes. Les causes de ces phénomènes de submersion doivent être traitées en amont. Autrement dit, les mesures d’atténuation sont parfois encore plus importantes que les mesures d’adaptation. Ainsi, les autorités municipales doivent veiller à organiser correctement la gestion des déchets solides, accorder des mandats précis pour la délivrance des services et mettre en place des réglementations adaptées appliquées de manière transparente et effectivement respectées. Elles doivent par ailleurs s’emparer du problème des distorsions sur les marchés fonciers et immobiliers.
Pour être durable, et cela fait partie intrinsèque de la gouvernance municipale, la résilience des villes doit résulter d’une action responsable des autorités de la ville, des prestataires de services et du secteur privé, qui rendent des comptes aux citadins. Ce constat s’inscrit dans la lignée du Rapport sur le développement dans le monde 2004, qui mettait en exergue trois leviers d’action : permettre aux habitants de se faire entendre, grâce à des mécanismes structurés ; mettre en place des mécanismes de remontée de l’information entre fournisseurs des services et usagers ; et assurer un échange d’informations systématique entre acteurs étatiques et non étatiques. De manière corollaire, les autorités municipales doivent considérer l’adaptation au quotidien à l’échelle des communautés comme un volet à part entière des mesures d’atténuation et d’adaptation qu’elles engagent, au lieu de n’y voir que des réponses distinctes, parallèles, locales et d’ampleur limitée.
Les autorités municipales doivent connaître les groupes de population potentiellement ignorés par les mesures de renforcement de la résilience urbaine et savoir comment les atteindre et de quelle manière procéder. Le cadre pour l’inclusion sociale (a) de la Banque mondiale part du principe que les interventions sont d’autant mieux adaptées que les bonnes questions auront été posées. L’outil d’évaluation de l’inclusion sociale (SiAT)(a) propose quatre questions directrices simples pour effectuer une analyse ex-ante lors de la riposte à une catastrophe (dans le cadre de l’évaluation des besoins post-catastrophe) et, plus important, pendant les périodes de stabilité, afin de planifier les risques d’inondations chroniques et extrêmes.
Je vous invite à consulter le billet de mes collègues de la Région Asie, qui évoquent une initiative pilote pour élaborer des plans d’action dans le cadre de projets spécifiques visant à garantir une gestion des risques de catastrophe ne faisant pas d’exclus.
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