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À Madagascar, l'engagement citoyen apporte des solutions pratiques aux problèmes liés au Covid-19

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In Madagascar, citizen engagement brings practical solutions to issues related to Covid-19 In Madagascar, citizen engagement brings practical solutions to issues related to Covid-19

Je suis toujours fier d'entendre de jeunes Africains prendre des initiatives pour résoudre les problèmes de développement sur notre continent. Je suis particulièrement enthousiaste lorsque de brillantes idées et activités voient le jour dans mon propre pays, Madagascar.

Récemment, j'ai pu prendre connaissance par le biais des médias sociaux des activités de Solidarité Madagascar, une organisation citoyenne qui soutient les personnes vulnérables dans la capitale, Antananarivo. L'équipe s'est réunie à l'initiative de Dominique Rasanjison, un designer social de 31 ans, qui a été rejoint par Joan Razafimaharo, Yolène Roth Hanitriniaina Miora et Bakoly Ravoniarisoa.

Ces cinq jeunes Malgaches ont donné vie, à travers leur travail, à cette belle définition donnée par le romancier américain Nathaniel Hawthorne : « la générosité est la fleur de la justice ».

Ils ont trouvé une réponse à une question qui est aujourd'hui au centre des préoccupations de milliards de personnes dans le monde : comment transformer en opportunité la menace que représente le coronavirus ? Toutefois, contrairement aux hommes d'affaires qui essaient de trouver des opportunités commerciales pour se faire de l’argent, ces jeunes ont consacré leur temps et leurs ressources à servir les personnes les plus vulnérables du pays.

Comme dans plusieurs pays du monde, la politique de confinement à domicile a été l'une des premières décisions prises par les autorités de Madagascar pour protéger les citoyens. Cependant, sa mise en œuvre s'est avérée difficile dès les premiers jours, pour une raison très simple : des millions de personnes vivent au jour le jour. Par conséquent, rester à la maison implique ne pas avoir d’argent à la fin de la journée, et pas d'argent implique ne pas avoir de nourriture. Dans ce cas, comment pourrait-on demander aux gens de rester chez eux, sachant que cela signifie les condamner à mourir de faim ?

Le gouvernement était conscient de ce problème et a fait de son mieux pour fournir des filets de sécurité sociale avec le soutien de ses partenaires, dont la Banque mondiale. Mais malheureusement, le système existant a rapidement montré certaines limites en raison de l'immensité de la tâche, et l'organisation des aides pour autant de personnes en si peu de temps s'est révélée être un défi difficile. Malgré tous les efforts déployés, de nombreuses personnes ont été laissées en dehors du système de distribution.

C'est là que Dominique et ses amis sont intervenus. Le 23 mars 2020, ils ont lancé un groupe sur Facebook pour agir comme un réseau d'entraide, dans l’objectif de fournir de la nourriture aux personnes vulnérables pendant la période de confinement.  Le réseau était basé sur un concept très pragmatique : collecter des dons provenant de parents ou de connaissances, et les transférer directement à des associations/individus en relation avec les personnes vulnérables.

Internet a joué un rôle clé dans la sensibilisation, la mobilisation des bénévoles et l'organisation du financement par le public. Mi-mai, 3 900 personnes, principalement de Madagascar, d'Europe et d'Amérique du Nord, étaient devenues membres de ce groupe, qui s’est rapidement étendu à d'autres villes. À ce jour, plus de 3 600 kits alimentaires ont été livrés aux habitants de cinq villes de Madagascar.

Très vite, d'autres besoins sont apparus. Un autre groupe, Solidarité Soignants, a été créé dans le sillage des actions de Solidarité Madagascar. Les besoins matériels ont été rapidement identifiés dans les hôpitaux et les centres de santé situés à Antananarivo et Toamasina, deux villes touchées par le COVID-19. Solidarité Soignants a pu mobiliser de petits ateliers ainsi que des designers disposant d'imprimantes 3D, afin de produire des masques de protection et d'autres matériels nécessaires aux soignants.

Le réseau s'est développé spontanément grâce à des liens d'amitié et de convivialité « virtuelle », en utilisant les médias sociaux pour mettre en pratique les idéaux de la compassion. Entre la plupart des membres qui ne se connaissaient pas avant la crise de COVID-19, des liens solides se sont tissés et, de manière plus pragmatique, des projets communs sont en cours de préparation lorsque la crise sera, espérons-le, terminée. Le caractère multidisciplinaire de l’équipe, composée de professionnels dans différents domaines d'expertise, a beaucoup aidé.

Joan Razafimaharo, un architecte de 38 ans, a déclaré que « le collectif est avant tout une expérience humaine où le "ticket d'entrée" est une forte envie d'aider les autres de manière désintéressée, car ils ne sont pas en mesure de vous rembourser. »

Je ne pourrais qu’abonder dans ce sens, mais ce qui rend leur action admirable ne s'arrête pas là. Au-delà de la volonté d'aider les autres, Solidarité Madagascar est également fondée sur des principes tels que le respect de la dignité humaine, l'interdiction de prendre des selfies avec les bénéficiaires lors de la distribution de l'aide, et le ciblage des groupes vulnérables qui ne sont pas atteints par l'aide gouvernementale. Le plus grand mérite de Solidarité Madagascar réside dans une conviction : il a été possible de renforcer la capacité de résilience de Madagascar en mobilisant ses propres ressources.

Je suis fier de voir que les valeurs traditionnelles de solidarité et d'entraide que je croyais en voie de disparition du fait de l'urbanisation de la société malgache sont toujours vivantes. Et c'est un fait important que le message vienne de la jeunesse ; il est possible d'agir en tant que communauté afin de veiller sur les plus vulnérables.

Les jeunes à l'origine de ces initiatives citoyennes ont dépensé leur argent, leur temps, leur créativité et leur énergie au service d'autres personnes qui ne pourront jamais les rembourser. Leur exemple nous interpelle : « Et moi, qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que je pourrais faire de mieux en tant que citoyen ? ».

Parce qu'il y a une vérité : il y a tant à faire dans le présent contexte, et personne ne peut prétendre en avoir fait assez. 


Auteurs

Erick Rabemananoro

Chargé des relations extérieures

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