Si l’urbanisation a déjà permis de réduire la pauvreté au Rwanda, le pays pourrait exploiter davantage le potentiel que recèle le développement urbain en améliorant les liaisons routières et de transport. Tel est le principal constat d’un tout nouveau rapport intitulé Reshaping Urbanization in Rwanda: Economic and Spatial Trends and Proposals.
La baisse de la pauvreté monétaire au Rwanda entre 2002 et 2012 s’est accompagnée d’un recul de la pauvreté « multidimensionnelle » (a), un indice qui rend compte des privations dont souffrent les ménages sur le plan de la santé, de l’éducation et du niveau de vie — un ménage est considéré en situation de pauvreté multidimensionnelle s’il n’a pas accès à l’électricité, s’il a perdu un enfant né d’une mère âgée de 15 à 35 ans ou si un enfant ne fréquente pas l’école jusqu’à la 8e année de scolarité.
La réduction de la pauvreté multidimensionnelle a été relativement uniforme dans l’ensemble du pays, même s’il apparaît clairement que les régions situées autour de la capitale, Kigali, et celles plus proches ou limitrophes d’autres pays sont celles qui ont connu les progrès les plus importants (figure 1), certaines zones bordant la frontière ougandaise et la plupart des régions frontalières de la République démocratique du Congo (RDC) le long du lac Kivu affichant les améliorations les plus nettes.
Figure 1. Carte de l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) en 2002 et 2012
L’analyse géographique de la baisse de la pauvreté multidimensionnelle révèle le rôle important qu’a joué l’urbanisation rapide du pays. Globalement, on observe qu’une augmentation de 10 % de la densité de population (un indicateur de l’urbanisation) à l’échelon de l’umurenge (petite entité administrative du Rwanda) s’est accompagnée d’une baisse de 1,2 % de la pauvreté multidimensionnelle.
Cette incidence moyenne cache cependant de grandes variations : l’urbanisation a davantage favorisé la réduction de la pauvreté dans des localités qui bénéficiaient déjà d’une meilleure desserte vers les centres urbains. À une hausse de la densité de population de 10 % dans les localités situées dans un rayon de 20 kilomètres du centre-ville de Kigali correspond une baisse de 2 % de la pauvreté multidimensionnelle. L’impact est encore plus manifeste dans un rayon de 5 kilomètres autour des six villes secondaires étudiées — Muhanga, Rubavu, Nyagatare, Huye, Rusizi et Musanze —, où une augmentation de 10 % de la densité démographique entraîne une baisse de 6 % de la pauvreté multidimensionnelle (figure 2). Cette incidence peut s’expliquer par l’augmentation des emplois non agricoles et l’amélioration de la productivité de la main-d'œuvre (c’est-à-dire ce que l’on appelle les « effets d’agglomération »), l’augmentation de la production/productivité agricole tirée par une hausse de la demande et un meilleur accès aux marchés, et, enfin, l’amélioration de l’accès aux infrastructures.
Figure 2. Estimation de la corrélation entre la hausse de la densité de population et la réduction de la pauvreté par zone géographique
Les effets positifs de la densité de population urbaine sur le recul de la pauvreté s’étiolent toutefois rapidement à mesure que l’on s’éloigne des centres-villes. Ils tendent même à disparaître totalement dans le cas des villes secondaires dès que l’on s’en écarte de 5 à 10 kilomètres, comme le montre la figure 2 — soulignons que la Stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté 2013-2018 (a) du Rwanda s’est notamment fixé pour objectif de développer ces six villes secondaires pour en faire des pôles de croissance.
Étant donné qu’un tiers de la population nationale en situation de pauvreté multidimensionnelle vit à 20 kilomètres de l’un de ces centres urbains, le pays rate là une occasion de réduire la pauvreté en même temps qu’il s’urbanise.
De fait, l’étude souligne qu’il est important pour le Rwanda d’assurer une meilleure desserte entre les centres urbains et les zones rurales qui les entourent, en mettant en évidence le rôle fondamental qui incombe aux zones périurbaines pour étendre les retombées de l’urbanisation.
Les zones rurales éloignées des centres urbains pourraient en effet en tirer elles aussi profit, à condition qu’elles soient reliées aux centres-villes aussi bien sur le plan physique qu’économique : c’est là que réside tout particulièrement le potentiel de l’urbanisation du point de vue de la réduction de la pauvreté. Cet aspect est d’autant plus important que, comme le montrent également nos travaux, l’augmentation de la part des emplois non agricoles qui sont étroitement liés à l’urbanisation (activités indépendantes ou salariées dans les secteurs de la vente en gros et au détail, de la construction, du transport et de la transformation, par exemple) tend à faire reculer les taux de pauvreté chez les ménages strictement agricoles vivant dans la même zone.
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