Dans le domaine du développement, les chercheurs ont souvent besoin de données comparées qui fournissent des informations précieuses pour guider l’élaboration des politiques publiques et améliorer ainsi leur impact, à tous les niveaux.
Ces comparaisons s'opèrent :
à l'échelle mondiale : les chercheurs et les analystes comparent souvent les valeurs des indicateurs entre différents pays afin de comprendre comment un aspect particulier du développement varie à travers le monde. Cette comparaison peut s’effectuer dans le temps, pour observer les tendances et les évolutions, ou à un moment précis, pour dresser un état des lieux ponctuel. Par exemple, on peut comparer le taux d’alphabétisation d’un pays avec celui d’autres pays dans le monde ou d’une région spécifique, afin de mettre en évidence des tendances, des disparités et des améliorations nécessaires.
à l'échelle nationale : au sein d’un même pays, les comparaisons dans le temps permettent de suivre les progrès réalisés sur divers indicateurs de développement. Par exemple, comparer l’accès aux soins de santé dans un pays il y a dix ans et aujourd’hui peut faire apparaître des améliorations ou mettre en lumière des défis persistants.
à l'échelle infranationale : des comparaisons plus fines peuvent être faites entre différentes zones d’un même pays. Cela est essentiel pour faire ressortir les disparités régionales et favoriser un développement équitable. Par exemple, comparer le développement économique de deux régions d’un même pays peut aider à cibler les zones nécessitant davantage d’attention et de ressources.
Toutes les données ne sont pas comparables
Toutes les données ne sont pas comparables, et les comparaisons ne sont pas toujours possibles à chaque échelon. Pour tirer des conclusions statistiques valides et formuler des recommandations politiques pertinentes, il est essentiel de veiller à ce que les données comparées soient mesurées de manière cohérente, dans le temps et selon les contextes. Autrement dit, il faut comparer ce qui est comparable. Cela ne signifie pas que la méthodologie doit rester identique, mais qu’il est souvent nécessaire de faire des compromis entre comparabilité et qualité. Les méthodes évoluent constamment, et s’en tenir à des approches dépassées au nom de la cohérence peut, à terme, nuire à la qualité des estimations. Ainsi, des ajustements méthodologiques peuvent s’avérer nécessaires pour améliorer la qualité de la mesure, mais il est important de reconnaître que de tels changements peuvent réduire la comparabilité avec les estimations antérieures.
Quelques exemples illustrant différents niveaux de comparabilité :
les chiffres de pauvreté nationaux : il peut être difficile de comparer les chiffres de la pauvreté entre deux pays en raison de l’utilisation de méthodes de mesure différentes pour les produire. En revanche, au sein d’un même pays, ces chiffres sont comparables au fil du temps dès lors que les mêmes seuils de pauvreté et méthodes de collecte sont utilisés dans la durée.
le revenu national brut (RNB) : le RNB d’un pays est calculé selon un cadre international appelé le Système de comptabilité nationale (SCN), ce qui rend possibles des comparaisons dans le temps au sein d’un même pays et entre pays. Ce cadre faisant l’objet de révisions régulières (1994, 2008, 2025), les estimations établies en utilisant différentes versions du SCN peuvent ne pas être directement comparables. En outre, même lorsque les pays utilisent les mêmes normes internationales, les cycles de mise à jour et de révision varient d’un organisme statistique national à l’autre, ce qui a une incidence sur la comparabilité des données.
les données sur la population active : les données sur la population active recueillies dans un pays ne sont pas toujours directement comparables à celles d’un autre, en raison de différences dans les méthodes de collecte et les définitions utilisées. Toutefois, l’Organisation internationale du travail (OIT) harmonise ou modélise ces données afin de produire des estimations comparables entre pays et dans le temps.
Les instituts nationaux de statistique, qui produisent des estimations locales permettant de suivre les progrès, doivent veiller à ce que la méthodologie et les outils de mesure restent cohérents dans le temps. Mais qu’en est-il des producteurs de bases de données mondiales, qui ne contrôlent pas la manière dont les données sont collectées dans chaque pays ?
Une base de données mondiale comme celle des Indicateurs du développement dans le monde (WDI) joue un rôle essentiel en fournissant des données comparables. Elle propose des données harmonisées, compilées selon des critères précis (a), permettant ainsi des comparaisons fiables entre pays et au fil du temps. L'utilité de ces bases de données réside tout particulièrement dans la possibilité de comparer des estimations — sur les comptes nationaux, les taux de pauvreté ou les indicateurs du marché du travail... — à la fois dans le temps au sein d’un même pays et entre différents pays.
Comment produire une base de données comparables à l'échelle mondiale ?
Pour que les comparaisons soient pertinentes et fiables, les données doivent être recueillies de manière uniforme. La production de données comparables nécessite un effort de collaboration. Des bases de données comme les WDI s’appuient sur les organisations internationales, les autorités nationales et d’autres acteurs clés pour normaliser la collecte des données et les harmoniser. L’utilisation de méthodes de mesure cohérentes et de définitions standardisées est essentielle pour garantir la fiabilité des données, que ce soit au niveau mondial, national ou régional.
Sachant que les pays utilisent souvent des approches différentes pour mesurer un même indicateur, avec des niveaux de qualité variables dans la collecte des données, comment parvenir à une base de données réellement comparables à l’échelle mondiale ?
La démarche consiste à intégrer uniquement les données qui respectent les normes internationales de collecte, qui sont conformes aux cadres mondiaux de référence ou qui ont été harmonisées afin de les rendre comparables entre pays.
Bien que ces stratégies ne permettent pas de résoudre entièrement toutes les difficultés ou limites liées à la collecte de données — comme les lacunes de la mesure des revenus dans certaines enquêtes auprès des ménages, ou le fait que tous les pays ne participent pas aux programmes internationaux de calcul des PPA — les bases de données mondiales comme les Indicateurs du développement dans le monde jouent un rôle essentiel. Elles fournissent aux chercheurs et aux responsables politiques des données harmonisées dans un format accessible, facilitant ainsi les comparaisons entre pays et dans le temps. Parce qu’elles reposent sur des normes internationales, s’alignent sur des cadres mondiaux et harmonisent les données nationales, ces bases de données rendent possible une prise de décision éclairée, fondée sur des informations fiables et cohérentes. Elles permettent ainsi de mettre au jour des tendances, d’évaluer l’impact des politiques publiques et d’allouer les ressources là où elles sont le plus nécessaires. Avec, à la clé, de meilleurs résultats en matière de développement, à tous les niveaux.
Ce billet a bénéficié des échanges avec Daniel Mahler et Christoph Lakner. Graphique interactif : Daniel Boller.
Prenez part au débat