Afin de répondre à ces questions, le Groupe de la Banque mondiale a publié un rapport intitulé East Asia’s Urban Changing Landscape: Measuring a Decade of Urban Expansion (lire le communiqué), qui présente les conclusions d’une grande étude sur l’urbanisation en Asie de l’Est. Dans le cadre de cette parution, le Groupe de la Banque mondiale a également lancé la plateforme PUMA, un logiciel libre et gratuit qui permet à ses utilisateurs d’accéder aux données spatiales urbaines, de les analyser et de les partager.
Afin de réaliser cette étude et de mesurer l’urbanisation dans cette région du monde, notre équipe a eu recours à des images satellite des années 2000 et 2010. Cette approche nous a permis pour la première fois de pouvoir comparer l’évolution des différents pays d’une manière cohérente. Cela n’était jusqu’à maintenant pas possible parce que, comme nous l’avons vu précédemment, chaque pays possède sa propre définition de l’urbanisation mais aussi parce que les statistiques urbaines ne rendent souvent pas compte des territoires et des habitants qui débordent les frontières de la ville.
Avec l’aide de chercheurs de l’université du Wisconsin à Madison, nous avons cartographié toutes les zones construites en Asie de l’Est puis nous les avons associées aux données démographiques et spatiales issues du projet WorldPop (a). C’est ainsi que nous avons pu identifier les 869 zones urbaines de plus de 100 000 habitants de la région. Toutes les données et les cartes peuvent être consultées ici (a).
Un outil open source avec des données en libre accès couvrant plus de 869 zones urbaines de l’Asie de l’Est
PUMA repose sur la plateforme open source GeoNode, un système de gestion de contenu pour les données géospatiales. À partir d’images satellite prises par le radiomètre MODIS (avec une résolution spatiale de 250 m), il fournit des données comparables sur le rythme, l’ampleur et le type d’urbanisation dans plus de 870 villes de la région.
Sauf indication contraire, les données et leurs représentations graphiques peuvent être utilisées sous la licence Creative Commons CC-BY 3.0 IGO (a). Les données provenant de sources multiples, nous avons fait de notre mieux pour que les conditions d’utilisation expliquent clairement les modalités d’emploi des données et de citation des sources. Merci donc de bien vouloir prendre le temps de les lire !
Cette étude nous a permis de quantifier et de localiser l’expansion urbaine et la croissance démographique rapides que connaît l’Asie de l’Est. Alors que plus de 28 000 kilomètres carrés de nouvelles zones urbaines ont été construits en dix ans, la population urbaine a augmenté encore plus rapidement que l’espace urbain. La population totale de la région habitant dans ces zones urbaines a augmenté de 200 millions en dix ans, atteignant près de 780 millions en 2010. Or ce chiffre ne représente qu’un tiers de la population totale de la région, ce qui laisse à penser que l’on assistera à une urbanisation encore plus forte dans les prochaines décennies.
Le delta de la rivière des Perles, en Chine, abrite désormais plus d’habitants que Tokyo
Si l’on considère, comme notre carte tend à le montrer, que le delta de la rivière des Perles (qui compte des villes comme Shenzhen, Canton, Foshan et Dongguan) forme désormais une zone urbaine interconnectée unique, Tokyo n’est plus la plus grande mégapole au monde. En 2010, l’agglomération chinoise comptait 42 millions d’habitants, plus que le Canada ou la Malaisie.
Cependant, malgré la grande visibilité de ces mégapoles, il y a davantage d’espaces urbains et d’habitants dans les centaines de zones urbaines petites et moyennes de la région. Ces dernières sont pourtant souvent ignorées et les pouvoirs publics manquent de moyens pour faire face à leur croissance rapide.
Les populations nouvellement urbanisées d’Asie de l’Est deviennent plus denses que la moyenne
L’un des enseignements inattendus de cette étude est que les densités de population urbaine dans la région ne sont pas seulement élevées (plus de 50 fois la densité de population des zones métropolitaines aux États-Unis par exemple), mais qu’elles sont également en augmentation, quel que soit le type de pays (en fonction de son revenu ou de la taille de sa population), et ce dans presque tous les pays. Pour le dire autrement, si tous les espaces urbains construits entre 2000 et 2010 en Asie de l’Est formaient un pays, celui-ci se placerait environ au 143e rang mondial sur le plan de sa superficie ; mais si l’on créait un pays à partir de la population qui s’est urbanisée pendant cette même période, celui-ci serait le 6e pays le plus peuplé du monde !.
On compte néanmoins quelques centaines de zones urbaines devenues moins denses, presque toutes en Chine. Comme le montre une étude récente sur l’urbanisation chinoise (a), il semblerait qu’il existe un décalage entre l’offre et la demande de développement urbain, ce qui a mené dans certains cas à l’apparition de « villes fantômes » (a).
L’étude nous a également permis de quantifier la fragmentation des zones urbaines par rapport aux frontières administratives locales. Ce problème ne concerne pas seulement les mégapoles puisque ce sont environ 350 zones urbaines qui, en Asie de l’Est, débordent des frontières administratives locales. Dans 135 d’entre elles, le territoire administratif ne représente même pas la moitié de la totalité de la zone urbaine.
Aider les pouvoirs publics à rendre l’urbanisation plus efficace, durable et inclusive
Le rapport propose des pistes de solution afin d’aider les pouvoirs publics de la région à rendre l’urbanisation plus efficace, durable et inclusive. Ces derniers peuvent encourager l’accès aux espaces urbains grâce à des programmes d’aménagement contrôlé du territoire ou de réajustement des terres, coordonner la croissance au sein des systèmes urbains tout entiers et favoriser la coopération dans les zones métropolitaines. Afin de rendre l’urbanisation plus inclusive, ils peuvent veiller à garantir un accès physique aux emplois et aux services, en particulier pour le grand nombre de migrants récents qui ne bénéficient souvent pas des systèmes d’aide sociale et économique existants.
Si les fortes densités de population dans les villes d’Asie de l’Est peuvent représenter un atout économique et écologique, elles ne suffiront pas à elles seules à rendre les zones urbaines durables et vivables. Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que la hausse de la densité de population soit permise là où il y a une demande correspondante, qu’elle soit canalisée loin des zones à risque et qu’elle soit dirigée vers des zones accessibles où existent des emplois et des transports, et où il est facile de se déplacer à pied.
Deux concours autour de ces nouvelles données
À l’occasion de la publication de ce nouveau jeu de données, nous invitons le public à participer à deux concours. Le premier consiste à créer des visualisations de ces données (a), et le deuxième à proposer des idées de recherche (a). Nous sommes impatients de connaître vos réactions à ce rapport et nous espérons que ces nouvelles données participeront à éclairer le débat sur l’urbanisation et ses transformations en Asie de l’Est.
Prenez part au débat