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Perspectives du marché mondial du gaz naturel : les difficultés de l’approvisionnement européen et la dynamique de la demande régionale

Perspectives du marché mondial du gaz naturel : les difficultés de l’approvisionnement européen et la dynamique de la demande régionale

Ce billet fait partie d’une série de publications consacrées à la dernière édition du Commodity Market Outlook (octobre 2024), rapport phare de la Banque mondiale sur les perspectives des marchés des matières premières. Dans cette série, nous proposons de brèves synthèses des chapitres du rapport traitant de chaque produit de base. Consulter le rapport complet ici (a).

L’indice des prix du gaz naturel établi par la Banque mondiale a augmenté de près de 4 % en novembre, pour atteindre son plus haut niveau depuis décembre 2023. Cette progression est principalement imputable à une hausse de 8 % du prix de référence européen, elle-même liée à une baisse plus forte que prévu des niveaux de stockage et des incertitudes accrues concernant le transit du gaz russe par l’Ukraine. Aux États-Unis, les cours du gaz naturel ont connu un fort rebond fin novembre, après avoir enregistré des creux records plus tôt dans le mois. Les prix du gaz naturel européen devraient s’inscrire à la hausse en 2025 avant de se tasser en 2026, tandis qu’aux États-Unis, les prévisions indiquent un accroissement considérable des cours pour 2025 et une poursuite de cette tendance l'année suivante. Ces perspectives pourraient être revues à la hausse sous l'effet d’une intensification des conflits au Moyen-Orient et, plus généralement, de l’évolution de la conjoncture géopolitique, d’une concurrence accrue pour les cargaisons de GNL, d’une interruption des livraisons de gaz russe en Europe et de températures plus froides que prévu. Les prix du gaz naturel pourraient au contraire être révisés à la baisse si la croissance en Asie de l’Est s'avère plus faible qu’anticipé.


La consommation mondiale de gaz naturel retrouve son niveau d’avant la pandémie.
Selon les estimations, la demande mondiale de gaz naturel devrait augmenter de 2,5 % en 2024. Après les bouleversements provoqués par la COVID-19 et l’invasion russe de l’Ukraine, la progression de la consommation mondiale de gaz naturel en 2024, 2025 et 2026 devrait renouer avec ses niveaux moyens de 2015-2019. Cette croissance est principalement tirée par la demande en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Eurasie. La hausse de la consommation devrait se stabiliser en 2025 et 2026, alors que la demande va se tasser en Eurasie et stagner en Europe et en Amérique du Nord. Par conséquent, et contrairement à 2022 et 2023, les pays européens ne pourront pas compter sur une chute de la consommation en 2025 et 2026 pour réduire leur exposition aux marchés mondiaux du gaz naturel. Le coût d'arrêt porté aux importations européennes de gaz naturel russe et la nécessité d’y substituer d'autres sources d’approvisionnement ont entraîné une hausse de la concurrence avec l’Asie-Pacifique pour les cargaisons de GNL. Dans ce contexte, la forte augmentation de la demande de gaz naturel dans cette région en 2025 et 2026 risque assurément de faire grimper les prix en Europe.



Les tensions sur l’offre de gaz naturel devraient persister en 2025 et 2026. Selon des tendances similaires à la demande, l’offre mondiale de gaz naturel, qui a augmenté de 1,6 % en 2024, devrait progresser de plus de 2,3 % en 2025 et 2026. Si cette croissance sera alimentée en 2025 par diverses régions (Asie-Pacifique, Eurasie, Moyen-Orient et Amérique du Nord), 60 % de l’offre supplémentaire de gaz naturel en 2026 devrait provenir du Moyen-Orient et de l’Amérique du Nord. Un rééquilibrage des approvisionnements vers l’Europe est également probable. Les importations européennes de gaz naturel hors UE ont déjà diminué de plus de 10 % au troisième trimestre 2024 (en glissement annuel), avec des baisses notables en ce qui concerne les importations en provenance de l’Algérie, du Qatar, de la Tunisie et des États-Unis. Une tendance qui risque fortement de s’accentuer en 2025 si l’accord sur le transit du gaz russe par l’Ukraine n’est pas renouvelé, ce qui est fort probable. Le cas échéant, plus de 5 % des importations européennes de gaz devront provenir d’autres fournisseurs de GNL.


Les stocks de gaz naturel dans l’Union européenne sont sous tension.
À la suite de prélèvements plus importants que prévu au mois de novembre, les installations de stockage européennes étaient remplies à 82 % de leur capacité début décembre, soit une baisse de 15 % par rapport à leur niveau record. Si les prévisions annonçant l’hiver le plus froid en Europe depuis 2020 se confirment, les tensions sur l’offre de gaz vont encore s’accentuer, et ce d’autant plus que se profile l’arrêt de l'approvisionnement en gaz via l'Ukraine. Aux États-Unis, en revanche, à la faveur d’une production soutenue, les stocks de gaz naturel restent solides et ont atteint en novembre leur plus haut niveau depuis huit ans, en s'établissant à près de 10 % au-dessus de la moyenne de 2017-2021.


Paolo Agnolucci

Économiste senior au sein de la division Croissance équitable, finance et institutions (EFI) et de la cellule Perspectives de la Banque mondiale

Nikita Makarenko

Analyste au sein de la cellule Perspectives de la Banque mondiale

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