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Systèmes de santé dans la région MENA : l'implication du secteur privé passe par le renforcement des institutions et des capacités

La participation du secteur privé dans le domaine de la santé est indispensable, car elle offre de précieuses possibilités d’avancer sur la voie de la couverture sanitaire universelle. Le secteur privé de la santé englobe l’ensemble des entités (à but lucratif et non lucratif) non étatiques, c'est-à-dire les prestataires, les organismes d’assurance et les entreprises. La croissance et les investissements du secteur privé peuvent conduire à une amélioration de l'efficacité, une réduction des coûts, une plus grande équité dans la prestation des services et une meilleure protection financière. Cependant, si l’environnement n’est pas propice, et en l’absence de systèmes adaptés, il est plus difficile pour les systèmes de santé de répondre aux besoins en temps de crise . Et c'est particulièrement vrai dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA).
 
Pourquoi mettre sur la table la question de la participation du secteur privé à la santé dans la région MENA ?

Une protection financière limitée. La protection financière de la population n'a guère évolué au fil du temps dans la région MENA. Dans beaucoup de pays, il n'existe pas de système national d'assurance maladie et certains États encouragent le développement des assurances privées, qui ne concernent que les plus riches et les personnes qui travaillent dans le secteur formel. Dans l’ensemble de la région, les paiements directs des particuliers représentent en moyenne 40 % des dépenses totales de santé, mais cette proportion varie de 80 % dans un pays comme le Yémen à moins de 20 % dans les pays du Golfe. Les États en situation de fragilité, de conflit et de violence sont parmi les moins bien lotis.

Des soins de santé en hausse et en mutation. La région MENA est confrontée à une transition démographique et épidémiologique . Si elle doit toujours faire face à la prévalence de maladies transmissibles et à la persistance de problèmes de santé maternelle et infantile, elle connaît aussi des taux croissants de morbidité, d'incapacité et de mortalité dus à des maladies non transmissibles : diabète, maladies cardiovasculaires, troubles mentaux, etc. Ainsi, les pays du Golfe enregistrent l'un des taux les plus élevés au monde de décès prématurés imputables à ces pathologies. 

Dans les situations de fragilité, de conflit et de violence, et notamment parmi les personnes déplacées (par exemple en Libye, au Yémen ou en Syrie), la paralysie des programmes de santé publique et des services de prévention entraîne une résurgence de certaines maladies transmissibles et un recul des résultats en matière de santé, maternelle et infantile notamment. Par ailleurs, d'autres pathologies apparaissent, comme les traumatismes psychologiques et les blessures consécutives aux violences.

Un acteur déjà présent dans les services de santé. Le secteur privé est déjà un prestataire de services de santé majeur dans certaines régions et sa place devient encore plus cruciale dans les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence. C'est un acteur prépondérant des services de santé maternelle et infantile dans toute la région. Les pharmacies ont en outre un rôle considérable en tant qu’importants fournisseurs de médicaments et de contraceptifs. Et de nombreux ménages, y compris les pauvres, dépendent fortement du secteur privé de la santé. 

Une implication nécessaire du secteur privé. L'essor récent du secteur privé de la santé et son potentiel d'intervention dans la région résultent de plusieurs facteurs : tendances et transitions régionales, fragilité, évolution du secteur de la santé, réformes (ou absence de réforme) du secteur public. Le secteur privé de la santé évolue. On peut citer par exemple la création de partenariats public-privé pour la prestation de soins médicaux et non médicaux, l'externalisation des soins de santé primaires, le développement de systèmes privés d'assurance maladie, l'implantation d'établissements de santé privés dans les pays en situation de fragilité, de conflit et de violence. La région MENA pourrait grandement bénéficier d'une approche globale et « inclusive » des systèmes de santé.

Une participation du secteur privé insuffisamment encadrée. Plusieurs pays de la région MENA reconsidèrent leurs modèles de financement et de prestation des soins de santé dans le but d'en améliorer l'efficacité, de réduire les coûts, d’accroître l'équité des services et de renforcer la protection financière. Toutefois, les réformes du secteur de la santé ne sont ni suffisamment abouties ni assez solides pour s'adapter aux évolutions et le secteur public ne peut pas, à lui seul, faire face à ces changements et supporter la couverture sanitaire universelle. La croissance du secteur privé de la santé devrait servir les besoins des politiques nationales et devrait être mieux exploitée (et coordonnée) pour contribuer à l'atteinte des objectifs généraux des systèmes de santé.
 
Que faut-il faire pour favoriser l'implication du secteur privé de la santé ?

Quel est le rôle du secteur public ?

Des évolutions législatives. Il est indispensable d'engager des réformes et de mettre en place des politiques, des cadres réglementaires et des structures de gouvernance adaptés. Ces réformes politiques ne doivent pas être menées de façon cloisonnée. Certaines d’entre elles sont nécessaires au niveau sectoriel, tandis que d'autres supposent des politiques gouvernementales plus larges ainsi que des cadres institutionnels d'ensemble. Enfin, les politiques publiques doivent être coordonnées avec la participation du secteur privé pour garantir une mise en œuvre efficace.

Un changement institutionnel. Introduire des réformes est une démarche complexe. Tout en tenant compte des objectifs et du contexte national, il faut également prendre en considération le degré de confiance, de coopération et de préparation des secteurs public et privé, car tous deux subiront l'impact des réformes. Par conséquent, il est nécessaire de renforcer les capacités du secteur public pour prendre en charge et gérer l'élaboration et l’application des politiques et des règlements, la négociation et la gestion des contrats, la mobilisation des financements, l'apport de capitaux privés, la proposition d'incitations crédibles et le suivi des résultats. 

L'importance des outils d'aide à la décision. Le secteur public a un rôle important à jouer dans la gestion et le contrôle des résultats du système de santé, tant public que privé. Les pays doivent renforcer leurs mécanismes de responsabilisation ainsi que les systèmes d'information, aujourd'hui insuffisants, afin de pouvoir disposer de l'information nécessaire pour orienter les politiques, les réglementations, les directives ou pour suivre les résultats et mesurer l'efficacité du système de santé. 

Quel est le rôle du secteur privé ?

Des rôles multiples. Le secteur privé peut jouer un rôle à la fois spécifique et complémentaire dans la création d'emplois, l’apport de compétences entrepreneuriales et la mobilisation de capitaux privés. Néanmoins, l'efficacité de son action est liée à l'existence de conditions et d'incitations plus claires pour favoriser sa participation. Le secteur privé a besoin de comprendre les objectifs du secteur public et comment il peut agir pour contribuer à leur réalisation. 
Il entrera ou sortira du marché en fonction des signaux qu'il perçoit, des incitations offertes par le secteur public et de l'existence d'un environnement favorable à l'investissement privé et à la croissance. Le secteur privé doit pouvoir bien cerner son segment de marché et pouvoir opérer dans un contexte propice aux affaires, avec un accès facile aux financements, des crédits abordables, des garanties de risque et des possibilités de réduction ou d'atténuation des risques pour les investisseurs.

En résumé :

Le secteur privé, tout comme le secteur public, a un rôle spécifique et complémentaire à jouer. Pour cela, il est essentiel que ses acteurs évoluent dans un environnement qui dispose de structures de gouvernance adaptées, qui favorise les investissements, qui laisse s'exprimer les compétences et qui ouvre des perspectives pour l'implication du secteur privé. S'il est correctement piloté, ce renforcement de la participation du secteur privé de la santé contribuera à dynamiser la croissance économique des pays et à progresser sur la voie de la couverture sanitaire universelle. 


Auteurs

Karima Saleh

Economiste Santé, Banque mondiale

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