Le plan de développement national de Djibouti, "Vision Djibouti 2035 : Inclusion, Connectivité, Institutions", fixe des objectifs ambitieux pour accélérer l'autonomisation des femmes en réduisant les écarts entre les genres dans les domaines de l'éducation, de la santé, des opportunités économiques et de la prise de décision. Pour mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs, il est urgent de disposer de données sur le genre.
Afin d'améliorer la disponibilité des statistiques sur le genre, l'Institut djiboutien de la statistique (INSTAD) a récemment lancé l'ouvrage Femmes et hommes à Djibouti : le livret genre 2024. Le premier livre d'information sur le genre du pays documente les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de pauvreté monétaire, de santé, d'éducation, d'emploi, de prise de décision et dans bien d'autres domaines. Il a été produit dans le cadre du projet de renforcement des capacités statistiques de la Banque mondiale, avec l'assistance technique du projet de renforcement des statistiques sur le genre (SGS), qui vise à combler les lacunes en matière de données sur le genre pour 12 pays partenaires1 en fournissant une assistance technique aux bureaux nationaux de statistiques sur leurs systèmes de production de données.
Voici trois points essentiels à retenir de l'étude Les femmes et les hommes à Djibouti : le livret genre 2024.
1. Malgré les progrès réalisés dans la réduction des écarts de scolarisation entre les genres au cours de la dernière décennie, les femmes continuent d'être désavantagées dans l'accès à l'éducation : 2 filles sur 10 en âge d'être scolarisées ne le sont pas "parce qu'elles sont des filles", selon les données de la quatrième Enquête Djiboutienne Auprès des Ménages (EDAM-4), 2017. Le taux d'alphabétisation des adultes est de 44% chez les femmes et de 63% chez les hommes. En outre, plus de 70% des femmes de 25 ans et plus n'ont pas reçu d'éducation formelle, contre 50% des hommes dans la même situation. Une proportion importante de jeunes de 15 à 24 ans n’est ni en éducation, en emploi ou en formation (NEET), mais cette proportion est plus importante chez les jeunes femmes que chez les hommes (53 % contre 47 %). Cet accès limité des femmes à l'éducation formelle pourrait les empêcher de profiter d'opportunités économiques plus tard dans leur vie et de réaliser pleinement leur potentiel.
2. Les femmes ont moins de chances que les hommes d'entrer sur le marché du travail et d'occuper des emplois de meilleure qualité. Selon les données de l'EDAM-4, moins de deux femmes sur dix en âge de travailler participent à la population active, soit 18 %, contre 47 % pour les hommes. L'écart entre les sexes en matière de taux d’activité varie en fonction du lieu de résidence, ainsi que du niveau d'éducation et de la situation matrimoniale. L'écart est plus prononcé dans les zones urbaines et parmi les personnes ayant un faible niveau d'éducation.
En outre, seulement 17% des femmes mariées font partie de la population active de Djibouti, contre 65% des hommes mariés. En lien avec ce dernier point, une femme sur quatre cite les tâches et responsabilités domestiques comme principal obstacle à l'entrée sur le marché du travail. Lorsqu'elles sont employées, les femmes djiboutiennes sont plus susceptibles que les hommes d'occuper des emplois vulnérables (45% contre 19%, respectivement), des emplois informels non agricoles (58% contre 34%), et de travailler à temps partiel (63% contre 47%). En revanche, les femmes actives sont moins susceptibles que les hommes d'être employeurs (14 % contre 23 %) et seulement 12 % d'entre elles occupent des postes de direction.
3. Si les multiples formes de violences basées sur le genre restent un défi à Djibouti, des progrès notables ont été réalisés dans la réduction de leur prévalence au cours des dernières décennies. La prévalence des mutilations génitales féminines reste élevée, bien que leur pratique ait connu une baisse remarquable de près de 30 points de pourcentage, passant de 98 % en 2000 à 71 % en 2018. Selon l'enquête nationale djiboutienne sur les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre, 2019, les mariages de filles de 10 à 14 ans représentent un quart de l'ensemble des mariages d'enfants, et un tiers en milieu rural.
Aller de l'avant
L'ouvrage Femmes et hommes à Djibouti : le livret genre 2024 constitue une étape importante vers l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes, mais il faut aller plus loin pour combler les écarts entre les femmes et les hommes dans le pays. Deux mesures essentielles doivent être prises dès à présent :
Combler les lacunes persistantes en matière de données sur le genre. Avec le livret genre 2024, le nombre d'indicateurs correctement calculés à partir de l'Ensemble minimal d'indicateurs de genre de la Division de statistique des Nations unies (DSNU) est passé de 15 à 30, sur un total de 48. Cependant, le pays reste confronté à de nombreux défis liés aux données sur le genre, car de nombreux indicateurs clés ne sont pas du tout collectés, et ceux qui sont disponibles sont obsolètes. La prochaine enquête sur les ménages EDAM-5 est l'occasion d'améliorer le questionnaire de l'enquête afin de collecter des données pour les indicateurs manquants et de mettre à jour les indicateurs existants. Le projet SGS et l'INSTAD collaborent déjà à cet effort.
Traduire les nouvelles données en politiques. Les données constituent la première étape vers l'élaboration de politiques pertinentes, mais des actions concrètes sont également nécessaires. Il faut notamment veiller à ce que les décideurs politiques utilisent activement les données pour éclairer leurs décisions, allouer des ressources et mettre en œuvre des interventions ciblées. L'Observatoire djiboutien du genre, qui a participé à la production de l'ouvrage, est bien placé pour jouer un rôle essentiel dans ce processus de "traduction", en collaboration avec la société civile et la communauté des donateurs, ainsi qu'avec les ministères concernés. Le projet SGS reste déterminé à faire des données sur le genre un puissant outil politique en renforçant le dialogue entre les producteurs de données et les décideurs.
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