Publié sur Opinions

Changement climatique et alignement sur l'accord de Paris : « Le climat change, et nous aussi »

A farmer and his wife in Cambodia, where agriculture is a key sector due to the predominance of the rural population and its contribution to the national economy. Photo: Chhor Sokunthea/World Bank A farmer and his wife in Cambodia, where agriculture is a key sector due to the predominance of the rural population and its contribution to the national economy. Photo: Chhor Sokunthea/World Bank

« Redéfinir une nouvelle ère du développement » : ce thème sera le fil directeur de nos prochaines Réunions de printemps. Celles-ci seront une excellente occasion de faire le point sur les progrès accomplis pour relever les nombreux défis du développement mondial, au premier rang desquels figure le changement climatique.

La Banque mondiale a commencé à intégrer la question climatique dans ses programmes de développement il y a plusieurs décennies  et elle a évolué pour aider les pays en développement à faire face à l'intensification des effets du dérèglement du climat. Qu'il s'agisse de l'élimination progressive des combustibles fossiles, de la production de nouveaux diagnostics qui encouragent l'action climatique au niveau national, de l'émission d'obligations de développement durable innovantes ou de l'alignement de nos opérations sur les objectifs de Paris, notre ambition est de répondre à une double exigence : nous concentrer sur notre mandat principal, à savoir la réduction de la pauvreté, et nous attaquer en même temps aux défis mondiaux les plus urgents dont le climat est peut-être le plus prégnant. Tout cela nécessite des collaborations efficaces avec les pays concernés, le secteur privé et les partenaires de développement.  

Nous n'avons cessé d'intensifier notre action climatique : la Banque mondiale (la BIRD et l'IDA) a apporté environ 29 milliards de dollars de financements pour le climat en 2022. Premier bailleur de fonds mondial pour les investissements climatiques, elle a plus que triplé son soutien au cours des six dernières années.  

Parallèlement à ces financements, nous avons évolué pour nous attacher non pas tant à « verdir » nos projets que les économies tout entières. Cela passe par le développement des énergies renouvelables, le soutien à l'abandon des subventions aux combustibles fossiles, l'investissement dans des programmes de gestion forestière à grande échelle, la diminution du méthane dans l'assainissement et les déchets, l'élargissement de l'accès à des modes de cuisson propre, la promotion de pratiques agricoles climato-intelligentes et l'intégration dans des chaînes de valeur respectueuses de l’environnement. Nous contribuons aussi à transformer les villes pour qu'elles soient plus propres et leurs infrastructures plus vertes, à renforcer la résilience des zones côtières et à aider nos clients à accroître la contribution du système financier à la transition écologique et à tirer parti de marchés du carbone en plein essor.

Parallèlement, nous avons modifié notre approche en matière d'investissement en contribuant à la fermeture de centrales au charbon, à l'image du projet Komati (a). Nous avons aussi soutenu les plans de développement du renouvelable : ces sources d'énergie sont désormais la première option retenue par la Banque mondiale lorsqu'elle envisage des investissements dans le domaine énergétique. Ces dernières années, l'institution a investi plus de 8 milliards de dollars dans les énergies propres, l'accès aux énergies renouvelables et les infrastructures connexes , et a mobilisé plus de 20 milliards de dollars de fonds privés dans les capacités de production d'énergies renouvelables. Dans le même temps, nous aidons environ 48 millions de personnes à disposer de moyens de cuisson et de chauffage plus propres et plus performants. Nous évaluons les investissements dans le gaz naturel au cas par cas, mais ceux-ci ont été rares et n'ont été décidés que face à des arguments de développement convaincants et en l'absence d'options plus propres  pour fournir de l'énergie aux foyers, aux hôpitaux et aux écoles. 

En tant qu'emprunteur, nous avons émis la première obligation verte au monde en 2008 (a), ancrant ainsi le développement durable sur les marchés financiers. Aujourd'hui, nous sommes le plus grand émetteur d'obligations de développement durable au monde, mobilisant chaque année environ 50 milliards de dollars auprès d'investisseurs privés pour financer des activités qui soutiennent les ODD. Nous continuons à innover sur les marchés de capitaux, avec la première obligation mondiale pour la conservation de la vie sauvage lancée en 2022 (a), qui associe directement les investisseurs aux résultats de la protection de faune sauvage en Afrique du Sud. Nous avons aussi émis en 2023 une obligation liée à la réduction des émissions (a) qui a contribué au financement de purificateurs d'eau pour les écoles au Viet Nam. Enfin, nos « obligations catastrophe » fournissent une assurance contre les catastrophes naturelles afin de renforcer la résilience financière dans des pays comme la Jamaïque (a), les Philippines (a) et le Mexique (a). 

En ce qui concerne les projets, nous avons travaillé d'arrache-pied pour affiner nos outils climatiques. Nous disposons d'une série d’outils d'évaluation des risques climatiques et de catastrophe (a) qui nous aident à intégrer ces aléas dans chaque projet : en tenant mieux compte des conditions futures, nous faisons en sorte que notre soutien aux pays demeure résilient dans le temps. Nous comptabilisons systématiquement les émissions de gaz à effet de serre (a) dans tous les secteurs pertinents, ce qui nous aide à concevoir des projets sobres en carbone et à quantifier les émissions des opérations financées par la Banque mondiale. Nous mesurons également le prix virtuel du carbone dans les analyses économiques (a) de ces projets afin de mieux comprendre les coûts et les avantages des investissements et des autres options. Chaque jour, des centaines de collaborateurs de la Banque mondiale à travers le monde utilisent ces outils pour aider nos clients à concilier développement et lutte contre le changement climatique sur le terrain.

Grâce à ces initiatives, nous entendons rester à la pointe des connaissances et de l'innovation et jouer notre rôle dans les efforts mondiaux de lutte contre les effets catastrophiques du changement climatique.

La dernière étape de notre démarche a été le lancement des rapports sur le climat et le développement dans les pays, ou CCDR (a) selon l'acronyme anglais. Nous avons mis au point ces nouveaux outils de diagnostic en 2021 afin de rassembler les dernières données et analyses disponibles et nécessaires pour prioriser les actions qui permettront, dans chaque pays, de faire avancer le développement dans le contexte du changement climatique. À ce jour, nous avons réalisé des CCDR pour plus de 25 pays et travaillons avec nos clients pour mettre en œuvre les recommandations correspondantes.  Le FMI utilise également les CCDR comme base d'analyse pour ses propres prêts du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, de même que d'autres partenaires de développement, ce qui témoigne déjà de leur utilité pour façonner l'action climatique dans le monde entier. Nous travaillons actuellement sur des CCDR pour 20 autres pays.

La prochaine étape de notre évolution est l'alignement sur l'accord de Paris (a). Nous sommes de longue date engagés en faveur des objectifs portés par cet accord. Et comme nous l'avons prévu dans notre Plan d'action sur le changement climatique (a), à partir du 1er juillet prochain nous vérifierons que chaque nouvelle opération de la Banque mondiale est alignée sur les objectifs de l'accord de Paris. Même si je suis convaincu que la grande majorité de nos opérations le sont déjà, cette étape a pour but de garantir la mise en place de processus et de systèmes internes pour évaluer et démontrer que chaque flux de financement est aligné sur l’accord.

Cet alignement est important, car il nous permet de rester concentrés sur la nécessité de limiter le réchauffement de la planète à bien moins de 2 degrés Celsius — et de préférence à 1,5 degré —,  tout en contribuant à un développement durable et en mettant fin à la pauvreté. Pour y parvenir, tout le monde et y compris le Groupe de la Banque mondiale doit s'aligner et faire sa part du travail. Et à cet égard, les grands pays émetteurs ont une responsabilité particulière dans l'intensification de leurs efforts de décarbonation.

Pour notre part, nous avons travaillé avec d'autres banques multilatérales de développement pour mettre au point une méthodologie commune d'alignement (a) qui sera bientôt rendue publique. Nous avons transposé ces principes dans nos activités et avons en outre élaboré des méthodes applicables à chacun de nos instruments de financement. Par ailleurs, nous avons préparé des notes sectorielles pour guider nos équipes sur la manière de mener des évaluations dans chaque secteur où nous intervenons. Nous avons dispensé des milliers d'heures de formation à notre personnel dans le monde entier, car c'est la condition indispensable pour ancrer l’enjeu du climat dans tout ce que nous faisons.

Aujourd'hui, nous avons dévoilé nos méthodes d'évaluation des instruments de financement (a) et nous en ferons bientôt de même pour les notes sectorielles. À l'avenir, nous documenterons soigneusement les résultats de ce travail et continuerons à partager ce que nous avons appris. Notre site web nous permettra également de recueillir des retours d'information. Et à terme, nous actualiserons nos systèmes et nos processus et ferons part des enseignements tirés au groupe des banques multilatérales de développement. 

En résumé, l'alignement sur l’accord de Paris doit être une réalité et, par conséquent, nous devons l'envisager comme un moyen dynamique d'apprendre, de nous adapter et d'améliorer notre travail sur le climat et le développement.  C'est cet état d'esprit qui nous guidera dans nos opérations, dans nos partenariats et, en fin de compte, dans notre ambition de mettre fin à la pauvreté et de rendre le monde plus vert. Le climat change, et nous aussi.


Auteurs

Axel van Trotsenburg

Directeur général senior de la Banque mondiale, Politiques de développement et partenariats

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000