Publié sur Opinions

Changement climatique : pour réduire réellement les émissions, il faut des normes et des processus de vérification et de standardisation

Dusty sandstorm in Africa. Photo credit: Shutterstock Dusty sandstorm in Africa. Photo credit: Shutterstock

Les besoins conjugués de l’action climatique et du développement nécessitent de mobiliser des sommes impressionnantes. Ils sont particulièrement élevés dans les pays en développement , qui sont confrontés à un fort accroissement démographique et des décennies de sous-investissement. Ces pays doivent accomplir des progrès considérables dans les domaines de l’éducation, de la production d’énergie, de l’accès à l’électricité, de la santé, des infrastructures et de la nutrition, ne serait-ce que pour compenser les pertes de ces dernières années. Les coûts climatiques nécessitent des ressources supplémentaires importantes, tout comme l’alourdissement du service de la dette.

La principale source de ces investissements devrait résider dans la croissance et l’épargne locales, mais ces dernières sont fragiles. Les apports de capitaux provenant des envois de fonds et des investisseurs étrangers peuvent augmenter rapidement dès lors qu’un pays parvient à instaurer un cadre porteur et à mobiliser la communauté mondiale. Il est cependant très difficile de faire en sorte que ces promesses de contributions financent des projets concrets.

Alors que nous sommes à la recherche de solutions de long terme pour financer l’action climatique, l'ampleur des ressources nécessaires exige de développer une catégorie d’actifs climatiques mondiaux reposant sur : 1) des normes reconnues de comptabilisation et de vérification des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) effectives et durables ; et 2) un processus de normalisation pour augmenter considérablement le volume des flux de ressources. Ces éléments sont extrêmement  importants et le Groupe de la Banque mondiale peut aider à les réaliser.

Pour garantir l'efficacité de l’action climatique, il faut premièrement que les résultats soient vérifiables : c’est la condition pour renforcer la confiance et rendre les projets attrayants  aux yeux des donateurs et des investisseurs. Dans les premiers temps, les contrats et engagements seront isolés et spécifiques, c’est-à-dire qu’ils mettront en relation directe un investisseur ou un donateur soucieux de produire un impact positif et un projet dans un pays ou une région en développement. Puis, progressivement, des normes seront fixées pour mesurer la réalité de cet impact, ce qui permettra de susciter l'intérêt des investisseurs et de négocier et reproduire les contrats. 

La Banque mondiale a récemment émis une obligation qui illustre ce processus. L’objectif de cette obligation assortie d’un rendement lié aux résultats est de financer un projet au Vietnam qui prévoit d’installer des purificateurs d'eau afin d'éviter de brûler de la biomasse pour faire bouillir et assainir l’eau. Comme je l’ai expliqué dans une tribune publiée dans le magazine Barron’s, les investisseurs qui ont souscrit à cette obligation reçoivent des paiements liés aux crédits carbone générés par le projet au titre de la réduction des émissions de GES. Plus le projet génère de crédits carbone, plus les paiements versés aux investisseurs sont élevés. 

Afin d’aider à financer la part de la réduction vérifiable des émissions qui relève de biens publics mondiaux, la Banque a lancé un nouveau fonds fiduciaire multidonateurs, baptisé « SCALE » (a). L’objectif est de fournir des ressources concessionnelles en faveur de projets qui réduisent réellement les émissions de GES dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Il s’agit d’aider les pays à justifier d’un historique de projets de grande qualité, avec à la clé la possibilité future de mobiliser des capitaux privés via les marchés du carbone. À l’instar de l’obligation mentionnée précédemment et du fonds SCALE, cette approche par les résultats permet de garantir la transparence financière et d'éviter les risques d’écoblanchiment.

Le second élément d’une action « impactante », c'est d'accroître la taille, le nombre et la négociabilité des interventions qui obtiennent des résultats vérifiés à grande échelle avec une multitude de projets efficaces. L'extensibilité des interventions passe par une standardisation qui permet leur reproductibilité et efficacité. L’objectif que nous poursuivons avec le projet mené au Vietnam, par exemple, est de donner naissance à une centaine voire un millier d'opérations du même type. Les exigences de qualité et les principes de transparence en matière d'infrastructures qui mènent à la standardisation des contrats peuvent permettre de diversifier les risques et de créer une solide classe d’actifs d’infrastructure climatique. La réussite de nos programmes dédiés au développement du solaire et des mini-réseaux témoigne de la manière dont on peut être efficace et avoir de l'impact en amplifiant et uniformisant les processus. De même, grâce à notre Partenariat pour l’investissement dans des infrastructures de qualité (QII) (a), mis en place avec le concours du Japon, nous avons pu intégrer ces principes (a) dans des projets s'élevant à un montant total de plus de 22 milliards de dollars.

Face à l’augmentation rapide des coûts climatiques, le Groupe de la Banque mondiale a réagi rapidement et efficacement. La discussion actuelle sur la manière de financer une réduction des émissions qui soit fondée sur des résultats et vérifiable s'appuie sur notre Plan d’action sur le changement climatique 2021-2025, qui met non seulement l’accent sur les moyens dépensés, mais aussi sur l’intégration du climat et du développement ainsi que sur la nécessité de mesurer l’impact des projets. L’émergence de normes et la standardisation offrent la possibilité d'une nouvelle catégorie d’actifs. Le montant de nos financements climatiques en direction des pays en développement est inégalé : près de 90 milliards de dollars au cours des trois derniers exercices. Nous avons en outre lancé de nouveaux rapports nationaux sur le climat et le développement (CCDR) (a), conçus pour fournir des diagnostics approfondis sur l'intégration de ces deux enjeux. Vingt-cinq pays en ont déjà bénéficié, tandis que 20 autres rapports sont en préparation. Nous nous employons aussi à aligner nos opérations et nos flux de financement sur l’accord de Paris (a), ce qui nous amène à prendre en compte de manière encore plus poussée les questions climatiques dans les activités du Groupe de la Banque mondiale. 

Mais il reste encore beaucoup à faire. Pour parvenir à mobiliser, auprès de la communauté mondiale, un volume bien plus important de ressources concessionnelles en faveur de la fourniture de biens publics mondiaux, il faudra développer, au sein de chaque pays et par-delà les frontières nationales, des activités qui généreront des résultats vérifiables, instaureront la confiance et déboucheront sur une standardisation par laquelle il sera possible de produire et reproduire le plus grand impact.


Auteurs

David Malpass

Ancien président du Groupe de la Banque mondiale

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