Si les ressources que la Banque mondiale consacre aux pays à faible revenu n'ont jamais été aussi importantes, elles sont malgré tout bien insuffisantes par rapport aux besoins de ces pays, dont les gouvernements doivent toujours faire des arbitrages difficiles entre infrastructures indispensables, programmes sociaux et discipline budgétaire. Pourtant, un pays a récemment pu trouver le bon équilibre avec l'appui des garanties de la Banque mondiale : le Bénin.
Lorsque le gouvernement béninois a pris contact avec la Banque mondiale, il avait plusieurs objectifs : obtenir un soutien aux réformes visant à réduire la pauvreté, financer les investissements sociaux et refinancer la dette publique intérieure à court terme. Le Bénin pouvait compter sur un financement de 60 millions de dollars alloué par l'IDA, mais les objectifs du pays exigeaient des solutions innovantes.
Les garanties de la Banque mondiale en action
Le gouvernement du Bénin, ses conseillers financiers (Rothschild), et la Banque mondiale ont analysé la situation et évalué les options possibles. Jusqu'alors, le Bénin s'appuyait exclusivement sur des emprunts intérieurs et sur des prêts concessionnels pour financer son budget. Or le marché obligataire domestique offrait une liquidité limitée, des taux d'intérêt relativement élevés (7 %) et des maturités courtes. Il était évident que le pays devait diversifier ses sources de financement.
Le Bénin n'avait jamais fait appel au marché des prêts bancaires internationaux. Il n'avait d'ailleurs pas de note de crédit internationale et n'était pas connu en tant qu'emprunteur sur ce marché. L'IDA (l'institution de la Banque mondiale qui aide les pays les plus pauvres) a alors proposé de soutenir le Bénin en lui accordant l'équivalent de 180 millions de dollars sous forme de garanties à l'appui de réformes, qui protègent les créanciers commerciaux contre des défauts de paiement du service de la dette par un État souverain.
Le Bénin a pu obtenir cette garantie alors qu’il ne disposait que d’une allocation de 60 millions de dollars auprès de l'IDA. En effet, un mécanisme de la Banque mondiale permet à ses clients à faible revenu de n'imputer que 25 % de la valeur d'une garantie à l'enveloppe allouée au pays concerné. De ce fait, en allouant 45 millions de dollars à la garantie, le Bénin pouvait en réalité recevoir 180 millions de dollars sous forme de garanties et utiliser les 15 millions restants comme un crédit classique de l'IDA.
Le risque principal dans ce type d'opérations est la fluctuation des taux de change. C’est la raison pour laquelle le Bénin et l'IDA souhaitaient s'assurer que de nouvelles dettes n’amplifieraient pas le risque de change pour le Bénin. La monnaie béninoise, le Franc CFA, étant arrimée à l'euro depuis des décennies, le Bénin a donc décidé d'emprunter dans cette devise pour atténuer le risque.
Les garanties Banque mondiale sont toujours partielle, ce qui signifie qu’elles ne couvrent qu'une partie du financement commercial levé par un pays. Dans le cas du Bénin, l'IDA a offert des garanties d’un montant équivalent à 40 % des montants à mobiliser. Pour obtenir les meilleures conditions possibles, le Bénin a lancé un appel d'offres pour trouver des banques internationales susceptibles d'accorder un prêt partiellement couvert par la garantie. Deux banques ont été sélectionnées : la banque japonaise MUFG et la banque suisse Crédit Suisse. Le prêt de la MUFG s'élevait à 260 millions d'euros et celui du Crédit Suisse à 127 millions, soit un total de 387 millions d'euros (environ 450 millions de dollars). C'était la première fois dans l'histoire de la Banque mondiale qu'une garantie à l'appui de réformes permettait à un État d'Afrique d'accéder à des prêts commerciaux internationaux.
Le Bénin a utilisé le premier prêt de 260 millions d'euros pour remplacer une partie de sa dette intérieure à court terme par un financement commercial extérieur à plus long terme (12 ans) et à un taux d'intérêt beaucoup plus bas (environ 4 %). Le pays a ainsi rééquilibré la composition de sa dette, allongé sa maturité moyenne et réduit sa valeur nette, ce qui représente une économie de 0,5 % du PIB sur la durée du prêt (environ 40 millions d'euros). En outre, le reprofilage de la dette a libéré des ressources intérieures et augmenté les liquidités du secteur financier national. Selon le FMI, « cette opération de reprofilage de la dette est un pas dans la bonne direction.
Toute l'opération a été suivie de très près par les plus hautes instances gouvernementales. Le ministre des Finances et de l'Économie du Bénin a ainsi déclaré qu'il s'agissait d'un tournant dans l'histoire du pays.
Pour quelles réformes ?
L'agriculture est un autre secteur qui bénéficie de la garantie. Il emploie environ 50 % de la population béninoise, et le pays dispose des atouts nécessaires pour devenir un exportateur agricole prospère. Toutefois, le manque de fiabilité de l'alimentation électrique décourageait les investissements privés. Cette opération a facilité des évolutions dans le secteur de l'électricité, notamment l'apurement des arriérés et l'introduction de compteurs électriques prépayés et de compteurs intelligents qui aideront la compagnie d'électricité à fournir un service plus fiable et à assurer sa viabilité financière.
Et demain, quel avenir pour le Bénin et pour les garanties à l'appui de réformes ?
Le Bénin souhaite attirer davantage d'investisseurs étrangers. Cette première opération a ouvert la voie à d'autres financements d'infrastructure grâce à l'élargissement de la base d'investisseurs du pays.
Pour la Banque mondiale et ses pays clients, cette utilisation des garanties démontre la flexibilité de l’instrument et son efficacité pour mettre les ressources des banques commerciales et des investisseurs institutionnels au service du développement. Les garanties à l'appui de réformes de l'IDA permettent également d'utiliser très efficacement les ressources de la Banque mondiale.
À la suite de ce succès, plusieurs pays africains examinent la possibilité de conduire une opération de garantie à l'appui de réformes avec la Banque mondiale.
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