Alors que les dirigeants de la planète se réunissent à Charm el-Cheikh pour la COP27, chacun réfléchit à la manière d'accélérer l'action climatique dans un monde secoué par de multiples crises. Pour y parvenir, il faudra verdir des économies entières et réaliser des investissements transformateurs afin de réduire les émissions, intensifier l'adaptation et renforcer la résilience.
Les femmes et les filles sont au cœur de ce processus. La transition climatique est un enjeu avant tout humain. Et faire en sorte qu'elle bénéficie à tous est fondamentalement un enjeu d'égalité entre les sexes. Loin d'être des objectifs dissociables, le développement durable et l'égalité hommes-femmes sont intrinsèquement liés.
Pourquoi ? Le changement climatique affecte différemment les hommes et les femmes, en particulier au sein des groupes de population pauvres et vulnérables qui sont souvent plus exposés et moins résistants aux aléas, aux perturbations et aux chocs climatiques. Les canicules, les incendies de forêt, les inondations, les sécheresses et les précipitations inhabituelles touchent des millions de personnes dans le monde, mais leurs effets varient profondément selon le sexe. Certaines de ces différences peuvent s'observer dans les domaines de la santé et de l'éducation : par exemple, les vagues de chaleur sont directement corrélées à une augmentation des hospitalisations de femmes enceintes. Cependant, les disparités les plus flagrantes concernent les opportunités économiques. Les moyens de subsistance des femmes reposent plus souvent que ceux des hommes sur des activités tributaires des ressources naturelles ou des secteurs vulnérables au climat comme l'agriculture, l'élevage, l'énergie, la lutte contre les catastrophes naturelles, la sylviculture, l'eau et la santé. Le changement climatique risque de restreindre encore davantage le temps disponible des femmes et des filles, qu'elles pourraient autrement utiliser pour étudier, travailler et gagner leur vie, et de conduire à une augmentation des violences de genre et de l'exploitation sexuelle.
« Les femmes sont aujourd'hui sous-représentées dans les forums sur le climat, y compris à la Conférence des Parties : lors de la COP de l'année dernière, 34 % seulement des membres du comité étaient des femmes. »
De plus en plus d'éléments probants montrent que la participation et le leadership des femmes dans l'action climatique sont associés à de meilleurs résultats en matière de gouvernance des ressources, de préservation de l’environnement et de préparation aux catastrophes. Les femmes sont efficaces lorsqu'elles sont à l'avant-garde de la résilience communautaire, lorsqu'elles dirigent des groupes de gestion locaux, lorsqu'elles protègent leurs communautés contre les catastrophes naturelles et lorsqu'elles occupent des fonctions ministérielles. Cela vaut également pour le secteur privé, puisqu’il a été démontré que la féminisation des conseils d'administration et des directions d'entreprises conduit à des politiques plus respectueuses du climat : une augmentation de 1 % de la proportion de femmes à la tête d'une entreprise entraîne une diminution de 0,5 % des émissions de CO2. Pourtant, les femmes sont aujourd'hui sous-représentées dans les forums sur le climat, y compris à la Conférence des Parties : lors de la COP de l'année dernière, 34 % seulement des membres du comité étaient des femmes.
Alors que nous réfléchissons à la manière de renforcer l'action climatique, il est important de reconnaître ces disparités entre les sexes et d'exploiter le pouvoir d'entraînement des femmes. Pour assurer une transition juste, il faut tenir compte de certaines réalités. Les trajectoires de neutralité carbone feront des gagnants et des perdants. La transition verte ouvre de nouvelles perspectives, mais la transformation des régions et des secteurs à forte intensité de carbone peut entraîner des pertes d'emploi et de moyens de subsistance et affecter les modes de vie. Ces conséquences sont vécues différemment par les hommes, les femmes et les groupes vulnérables qui, sans soutien, peuvent avoir un accès inégal aux nouvelles opportunités offertes par une économie verte. Assurer une transition juste suppose de veiller à ce que les politiques et les investissements climatiques tiennent compte de ces disparités entre les sexes. Mais cela signifie également qu'il faut les dépasser en faisant en sorte que la transition climatique soit un moyen de surmonter les inégalités, de progresser en écoutant la parole des femmes, des communautés autochtones et des populations locales, et de libérer le potentiel des femmes pour le verdissement des économies.
Alors comment faire ? Premièrement, il faut renforcer la résilience et la capacité d'adaptation des populations en tenant compte de la dimension de genre. Cela implique de combiner les programmes de transferts monétaires avec des mesures d'inclusion productive et la mise en place de chantiers de travaux publics écologiques et attentifs à l'égalité des sexes, de promouvoir l'accès des femmes à la formation agricole et aux pratiques climato-intelligentes, de renforcer les actifs des femmes, d'améliorer leur mobilité et leur sécurité, et de les impliquer dans la gestion des risques de catastrophe. Le Groupe de la Banque mondiale soutient ces objectifs à travers des projets de protection sociale adaptative et de diversification des moyens de subsistance, tels que le projet de filets sociaux adaptatifs au Niger.
Deuxièmement, il faut aider les femmes à prospérer dans des économies plus vertes. Les investissements verts dans 21 grandes économies émergentes pourraient générer 213 millions de nouveaux emplois entre 2020 et 2030. Des bras seront nécessaires pour décarboner les réseaux électriques avec des énergies renouvelables, rénover les bâtiments, mettre en place des systèmes municipaux de gestion des déchets et de l'eau sobres en carbone, développer les transports urbains écologiques, les infrastructures urbaines fondées sur la nature et l'agriculture climato-intelligente. Toutefois, la ségrégation professionnelle entre les sexes (les femmes et les hommes effectuent des tâches différentes), les lacunes en matière de compétences et les écarts dans la participation des femmes au marché du travail signifient que les femmes risquent d'être désavantagées. Entre 2015 et 2021, 66 % des requalifications pour occuper des emplois verts ont concerné des hommes. Pour accéder à des emplois verts, les individus devront avoir acquis les connaissances et les compétences adaptées, notamment dans les sciences, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques (STIM) où les femmes sont sous-représentées. Les femmes auront également besoin d'aide pour surmonter les obstacles aux opportunités économiques. En effet, elles ne peuvent pas créer d'entreprises ou accéder aux emplois de l'économie verte si elles continuent d’assumer la plupart des tâches ménagères, si elles n'ont pas accès à des services de garde d'enfants abordables et si elles sont confrontées à des inégalités en matière d'accès à la propriété et aux financements. Le Groupe de la Banque mondiale soutient l'autonomisation économique des femmes dans la transition verte avec des projets tels que l’initiative WEPOWER, qui vise à intégrer les femmes dans la chaîne de valeur des énergies renouvelables, ou encore des programmes destinés à développer leurs compétences dans les filières STIM de l'enseignement supérieur.
« Les femmes ne peuvent pas créer d'entreprises ou accéder aux emplois de l'économie verte si elles continuent d’assumer la plupart des tâches ménagères, si elles n'ont pas accès à des services de garde d'enfants abordables et si elles sont confrontées à des inégalités en matière d'accès à la propriété et aux financements. »
Troisièmement, il faut intégrer les avis et la capacité de leadership des femmes dans la gouvernance climatique, tant aux échelons locaux et nationaux que dans les instances multilatérales et au sein du secteur privé. La Banque mondiale contribue à cette démarche grâce à des initiatives telles que les projets du Mécanisme spécial de dons (DGM), soutenu par les Fonds d'investissement climatiques, qui favorisent le leadership des femmes au sein des populations autochtones et locales et leur participation à la prise de décision pour améliorer la préservation de l'environnement et les résultats de l'action climatique.
Enfin, il faut intégrer l'égalité hommes-femmes dans les investissements climatiques dans tous les secteurs et développer les financements climatiques avec le souci des questions de genre. Le Groupe de la Banque mondiale est le plus grand bailleur de fonds multilatéral pour les investissements climatiques dans les pays en développement. Il aide les pays à intégrer l'égalité des sexes dans ces opérations, en veillant à ce que les transitions clés dans les secteurs de l'énergie, de l'agriculture, de l'alimentation, de l'eau et des terres, des villes, des transports et de l'industrie manufacturière profitent aux femmes et aux hommes, et accroît les financements pour soutenir les objectifs en matière d'égalité et de climat. Au Kenya par exemple, IFC travaille avec des entreprises spécialisées dans l'énergie solaire hors réseau pour former et créer des groupes de femmes entrepreneures qui vendront des équipements solaires dans leurs communautés. Et en Afrique du Sud, la Banque mondiale applique différentes mesures destinées à garantir la prise en compte de la dimension de genre dans ses programmes en faveur de l'emploi, de la reconversion et de la requalification des ouvriers à la centrale électrique de Komati. Que ce soit en Afrique ou en Asie du Sud, les projets de la Banque mondiale s'attachent à promouvoir des pratiques durables dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, de la foresterie et de la gestion des bassins hydrographiques, tout en visant une participation égale des femmes aux actions de renforcement des capacités et en favorisant leur accès à des fonctions de direction.
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