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Assurer une éducation à tous les réfugiés est un défi à notre portée

Niños refugiados sirios aprenden a pintar con los dedos. Niños refugiados sirios aprenden a pintar con los dedos.

Fin 2019, on comptait 79,5 millions de personnes ayant fait l’objet de déplacements forcés, soit 1 % de la population mondiale. Parmi eux figuraient 26 millions de réfugiés, dont la moitié avait moins de 18 ans. Bon nombre de ces enfants se retrouvent dans des situations de crises prolongées, de sorte qu’ils passent souvent une partie importante, quand ce n’est pas la totalité, de leur scolarité loin de leur foyer initial. Il est crucial pour leur autonomie future de permettre à ces enfants réfugiés de bénéficier d’un enseignement de qualité. L’éducation peut en outre aider à dépasser les traumatismes engendrés par les conflits et les déplacements forcés en favorisant des mécanismes d’adaptation et en contribuant à donner une sensation de stabilité. Elle a des retombées positives pour le renforcement de l’État et la consolidation de la paix et réduit les risques que ces jeunes constituent une « génération perdue ».  

Cependant, des millions d’enfants n’ont pas accès à l’éducation. Les réfugiés sont concentrés dans des pays en développement qui éprouvent déjà des difficultés pour assurer l’enseignement de leur population. Les systèmes éducatifs de ces pays d’accueil ne disposent pas des ressources appropriées pour améliorer les acquis d’apprentissage de leurs enfants ni pour faire face aux afflux importants de jeunes réfugiés et à leurs besoins éducatifs spécifiques. On constate souvent des difficultés supplémentaires au niveau infranational, car les réfugiés se retrouvent dans des communautés pauvres et vulnérables où les services éducatifs sont de faible qualité. Il est en outre probable que les inégalités d’apprentissage augmentent sous l’effet de la pandémie de COVID-19. Assurer un enseignement de qualité à l’égard des enfants réfugiés nécessitera des efforts concertés de la part de tous : communauté internationale, autorités et populations des pays d’accueil, réfugiés.   

Le Pacte mondial sur les réfugiés a placé le renforcement du partage des responsabilités au cœur du programme international de protection des réfugiés. Les parties prenantes sont censées adopter des mesures spécifiques, notamment en matière d’évaluation de leurs contributions, afin d’atteindre cet objectif. À cet effet, la Banque mondiale et le HCR ont élaboré, en consultation avec les autorités des pays d’accueil, une méthodologie transparente et standardisée d’estimation des coûts relatifs à l’éducation de l’ensemble des réfugiés à travers le monde.   

Le rapport Global Cost of Inclusive Refugee Education (a) fournit cette estimation, établie dans un cadre d’action qui promeut la mise en place de systèmes éducatifs nationaux inclusifs. Il est accompagné de tableaux de données permettant aux pays d’accueil de connaître les projections des effectifs d’élèves réfugiés et des coûts annuels correspondants. 

Selon le rapport, assurer l’éducation de l’ensemble des jeunes réfugiés dans les pays d’accueil à revenu faible et intermédiaire représente un coût moyen annuel de 4,8 milliards de dollars. Une analyse de sensibilité, assouplissant les hypothèses du modèle, suggère une fourchette entre 4,4 et 5,1 milliards de dollars. Le coût annuel de la fourniture d’un enseignement aux enfants palestiniens réfugiés sous mandat de l’UNRWA est estimé à 443 millions de dollars supplémentaires. Ces montants peuvent certes sembler élevés, mais dans plus de la moitié des pays étudiés, le coût de l’éducation des réfugiés serait inférieur à 1 % des dépenses publiques annuelles pour l’enseignement primaire et secondaire. Quelques pays présentent des valeurs extrêmes (61 % au Soudan du Sud, 58 % au Liban, 16 % en Jordanie) qui reflètent les afflux massifs de réfugiés et/ou les faibles dépenses publiques en matière d’éducation. Outre les financements, le rapport invite à renforcer les capacités des autorités des pays d’accueil à élaborer et mettre en place des plans éducatifs nationaux efficaces et inclusifs. Ceux-ci devront tenir compte des besoins particuliers des autorités locales qui doivent gérer les afflux de réfugiés. 

Il convient de noter que ces estimations ont été établies avant la pandémie de COVID-19. Les coûts pourraient donc s’avérer plus élevés, sans qu’on sache dans quelles proportions, car les effets de la crise se font encore ressentir.  

Comment ces chiffres sont-ils obtenus ? Le rapport utilise une méthode de calcul des coûts partant du principe que l’éducation des réfugiés est intégrée au système éducatif du pays d’accueil — avec les mêmes éléments de coûts, et les mêmes contraintes en termes d’efficacité et de qualité. Le résultat est calculé en prenant le coût unitaire de l’enseignement public dans chaque pays, auquel est appliquée une majoration correspondant aux besoins éducatifs spécifiques des jeunes réfugiés. Le rapport comprend des précisions quant à la méthodologie, y compris les hypothèses et les approches convenues, les approximations, les omissions, et les difficultés liées à des ensembles de données incomplets.    

Enfin, le rapport transmet un message d’espoir : assurer l’accès à l’éducation pour tous les enfants réfugiés est certes un défi immense, mais l’estimation globale des efforts nécessaires montre qu’il peut être relevé par la communauté internationale et les autorités des pays d’accueil.  Ce rapport est une étape fondamentale pour la compréhension des besoins des réfugiés et des pays d’accueil, l’élaboration d’un cadre approprié permettant d’y répondre, et l’encouragement à reprendre les discussions concernant le partage des responsabilités. 


Auteurs

Mamta Murthi

Vice-présidente de la Banque mondiale pour le Développement humain

Raouf Mazou

Haut-Commissaire assistant chargé des opérations du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR)

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