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Repenser le développement des compétences dans un monde aux mutations rapides

Repenser le développement des compétences dans un monde aux mutations rapides Les systèmes modernes de formation professionnelle doivent permettre de développer des compétences qui répondent à l’évolution des attentes des employeurs et du marché local du travail. Copyright : Arne Hoel/Banque mondiale

Sous l’effet de l’automatisation, de la transition climatique, de la transformation numérique et de l’évolution des marchés du travail, 1,1 milliard de travailleurs devront se recycler (a) au cours de la prochaine décennie. Une grande partie de la main-d'œuvre devra changer d'emploi fréquemment (a), être prête à affronter le marché mondial du travail et réinventer constamment son parcours professionnel.

Face à cette évolution des marchés du travail, les systèmes de développement des compétences et de formation professionnelle devront apporter une offre plus personnalisée, accessible (avec des options d’apprentissage à distance ou hybride) et continue tout au long de la vie. Ils devront pour cela promouvoir une approche centrée sur les compétences, qui s’inscrive au cœur des grandes transitions mondiales (figure 1).

Figure 1 : Les systèmes d’éducation et de formation doivent évoluer pour répondre aux grandes tendances mondiales

Figure 1 : Les systèmes d’éducation et de formation doivent évoluer pour répondre aux grandes tendances mondiales


Les paradigmes du développement des compétences et professionnel évoluent

Les « mégatendances » qui façonnent le monde vont redéfinir les paradigmes des systèmes de développement des compétences et de formation professionnelle :

1.       La rentabilité des investissements consacrés aux jeunes sera plus élevée. Des analyses empiriques récentes montrent que les investissements dans le capital humain (a) ont des rendements économiques élevés tout au long de l’enfance et jusqu’au début de l’âge adulte. Étant donné qu’une proportion significative des jeunes sans qualification est déjà exclue du système éducatif formel et qu'elle représentera une part importante de la main-d’œuvre dans les prochaines décennies, les investissements dans l’acquisition et le développement de compétences chez les jeunes généreront des rendements économiques élevés. 

2.       Le nombre d’années d’études sera moins représentatif de l’acquisition de compétences, car cet indicateur ne rend pas compte de la qualité et de la pertinence (a) des compétences acquises.

3.       Les compétences pourraient devenir plus importantes que certains diplômes. L’enseignement supérieur reste très valorisé, comme en témoigne son important retour sur investissement. Toutefois, à l’échelle mondiale, certaines entreprises, en particulier dans le secteur des TIC, abandonnent certaines exigences en matière de diplômes pour privilégier les compétences et élargir ainsi leur vivier de talents.

4.       L’éducation non formelle va jouer un rôle essentiel dans le développement professionnel. Le développement des compétences aura plus souvent lieu en dehors des systèmes éducatifs formels, principalement en cours d'emploi et dans le cadre de programmes de formation professionnelle de courte durée.

5.       Les entreprises joueront un rôle plus important dans la formation et la reconversion de la main-d'œuvre. Les employeurs sont à la fois les utilisateurs des compétences des travailleurs et une source de nouvelles compétences. Le monde de l’entreprise devra jouer un rôle plus important dans la formation professionnelle et offrir plus d'opportunités de développement à la main-d’œuvre.

6.       Les compétences techniques et spécialisées se déprécieront plus rapidement. Le rythme rapide des progrès technologiques et l’évolution des marchés du travail risquent d'accélérer l’obsolescence des compétences techniques et spécialisées. En revanche, les compétences transversales, comme la pensée critique, la résolution de problèmes et l’adaptabilité, deviendront plus transférables et résilientes face à l’évolution du marché du travail.

7.       Les transitions professionnelles deviendront plus fréquentes. Dans le monde entier, les individus occuperont plusieurs emplois tout au long de leur vie professionnelle. Selon le Forum économique mondial (a), les jeunes qui entrent sur le marché du travail aujourd’hui occuperont en moyenne entre 12 et 15 emplois au cours de leur vie active (ce qui signifie qu’ils changeront de travail tous les trois ou quatre ans environ).

8.       Les travailleurs devront apprendre à évoluer dans un marché du travail informel plus complexe. Une part importante de la main-d’œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire travaille dans le secteur informel, et beaucoup de ces travailleurs n’auront peut-être jamais accès à un emploi formel.

9.       Les compétences numériques apporteront une plus grande valeur ajoutée.  Les compétences numériques deviendront la pierre angulaire de l'efficacité des systèmes d’éducation et de formation professionnelle. Les technologies numériques peuvent offrir de nouvelles possibilités d’accès à la formation, en permettant ainsi à un plus grand nombre de personnes de développer leurs compétences, indépendamment du lieu où elles vivent ou de leur milieu socioéconomique. Ces opportunités ne sont toutefois pas accessibles à toutes celles et ceux qui, en particulier dans les pays en développement, ne sont pas connectés, n’ont qu’un accès limité aux ordinateurs ou aux smartphones ou ne possèdent pas les compétences numériques suffisantes.

Les individus doivent se doter d’un bagage complet de compétences pour progresser dans leur carrière

Pour réussir dans ce nouvel environnement mondial, les individus devront se constituer un bagage de compétences plus sophistiqué, qui allie compétences cognitives et non cognitives. Les capacités d’apprentissage autonome — à savoir notamment les compétences fondamentales, numériques et socio-affectives nécessaires pour se former sur le tas et tout au long de la vie — seront des objectifs essentiels des programmes d’éducation formelle.

Au cours des trois dernières décennies, on a assisté à une hausse relative de la demande de compétences non cognitives chez les employeurs, en partie parce que la technologie a entraîné la substitution de nombreuses tâches cognitives routinières, au profit de tâches qui nécessitent de la créativité et des capacités de résolution de problèmes et d’analyse. Selon les données issues d’une enquête récente (a), la pensée créative, la réflexion analytique, l’empathie, la curiosité et la résilience figurent parmi les 15 compétences les plus demandées par les employeurs à travers le monde (figure 2).  

 

Figure 2. Pourcentage des entreprises interrogées pour lesquelles une compétence donnée gagne ou perd en importance (par ordre décroissant de l’écart net)

Figure 2. Pourcentage des entreprises interrogées pour lesquelles une compétence donnée gagne ou perd en importance

Source : The Future of Jobs Report 2023

 

Soutenir la réussite des transitions professionnelles

Enfin, il est essentiel de moderniser les systèmes de développement des compétences en faisant en sorte qu’ils répondent aux attentes des employeurs et aux besoins du marché local du travail et qu’ils favorisent ainsi l’obtention d’un emploi. L’accompagnement lors du passage des études au monde du travail ou de la transition entre deux emplois est devenu un élément clé de l'efficacité des systèmes de formation. Ces processus de transition sont souvent intimidants et éprouvants, mais avec le soutien, les informations (a) et les orientations (a) appropriés, il est possible de mieux les gérer et d’accélérer et améliorer ainsi l’insertion sur le marché du travail.

En résumé, les systèmes d’éducation et de formation devront veiller à leur pertinence économique, valoriser les compétences dans leur globalité, favoriser la participation à la vie économique et soutenir les individus dans leur insertion et transitions professionnelles. Ces fonctions fondamentales seront cruciales pour permettre aux travailleurs de s’adapter à de nouveaux environnements, d’acquérir de nouvelles compétences et de rester compétitifs sur le marché du travail. Il est de la plus haute importance de veiller à ce que les systèmes de formation apportent des compétences axées sur la demande, appropriées aux besoins des employeurs et adaptées aux marchés locaux du travail.


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