Publié sur Opinions

Comment le commerce international peut aider les pays en développement à faire face au changement climatique

Cargo ships entering one of the busiest ports in the world, Singapore. Photo credit: Shutterstock.com Cargo ships entering one of the busiest ports in the world, Singapore. Photo credit: Shutterstock.com

Le rôle du commerce international dans le changement climatique est évident. Les navires, camions et avions qui transportent des marchandises à travers le monde sont autant de sources d’émissions de gaz à effet de serre (GES), qui viennent s'ajouter à celles générées par la production de ces marchandises, qu’il s’agisse d’aliments comme le blé et le maïs ou de matériaux comme l’acier et le ciment. Au total, les flux commerciaux mondiaux sont responsables d’un quart des émissions de GES. 

Le commerce constitue cependant un maillon essentiel de la solution au changement climatique. Après une tempête ou une inondation, ce sont les rouages des échanges internationaux qui permettent d’acheminer les denrées alimentaires et les médicaments d’urgence, ainsi que les matériaux nécessaires à la reconstruction. Et c'est également grâce au commerce que sont déployés des services, des technologies et des biens capables de réduire les émissions de carbone, comme les panneaux solaires et les éoliennes.

Comme l’a montré un rapport (a) récent de la Banque mondiale, les pays à revenu faible ou intermédiaire se trouvent au cœur des liens entre commerce et climat.  Les émissions annuelles combinées de ces pays ont augmenté plus rapidement que la moyenne mondiale sur la période 2010-2018. Une hausse qui s’explique principalement par leur processus de développement au cours des dernières décennies. Néanmoins, le total combiné de leurs émissions reste inférieur à celles des pays les plus gros émetteurs, à savoir la Chine et les États-Unis, et ne représente qu’une infime partie des émissions historiques. Ces économies sont pourtant celles qui sont les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Nombre d’entre elles dépendent largement de l’agriculture et du tourisme, des secteurs touchés par la hausse des températures et du niveau des mers. De surcroît, beaucoup disposent de ressources limitées pour s’adapter au changement climatique.

Meeting with a Vietnamese cooperative that sells compost made from rice straw. An abundant agricultural byproduct, rice straw is otherwise typically burned.
Meeting with a Vietnamese cooperative that sells compost made from rice straw. An abundant agricultural byproduct, rice straw is otherwise typically burned.

Rencontre avec une coopérative vietnamienne qui commercialise du compost fabriqué à partir de paille de riz, un sous-produit agricole abondant qui est généralement brûlé.

J’ai récemment eu l’occasion de rencontrer des communautés au Vietnam et de constater les efforts qu’elles déploient en vue de mettre en place une production alimentaire plus verte et plus efficace en utilisant moins d’eau et d’engrais. Les deux secteurs économiques les plus importants du pays, l’agriculture et l’industrie, sont concentrés dans les plaines côtières et les deltas et sont vulnérables aux tempêtes tropicales et à l’élévation du niveau de la mer. L’Éthiopie, quant à elle, est sujette à des sécheresses qui représentent un risque majeur pour le bétail, source de revenus importante pour une grande partie de ses 115 millions d’habitants.

La hausse des températures mondiales réduit le rendement des cultures et la productivité de la main-d’œuvre agricole dans les économies à faible revenu. D’après une étude, une augmentation d’un degré Celsius fait baisser les exportations agricoles de ces pays de 39 %, contre moins de 6 % dans les pays à revenu élevé. D’ici à 2030, 70 millions de personnes supplémentaires, vivant pour la plupart en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, risquent de souffrir de la faim à cause du changement climatique. 

Il ressort de ces projections que le commerce jouera un rôle de plus en plus important dans la sécurité alimentaire (a). Les mesures commerciales prises par les gouvernements peuvent promouvoir une agriculture durable en favorisant la diffusion de nouvelles technologies susceptibles d’augmenter les rendements, comme de nouveaux types d’engrais et des variétés de semences résistantes au climat. L’amélioration de l’accès au numérique et aux données peut aider les agriculteurs à réduire le gaspillage.

D’où l’importance de réduire les droits de douane sur les denrées alimentaires ainsi que les barrières non tarifaires, telles que les normes sanitaires et phytosanitaires arbitraires et les lourdeurs des procédures de contrôle aux frontières. Les droits de douane sur les biens et services environnementaux doivent également être revus à la baisse. Par ailleurs, lorsque des événements climatiques extrêmes provoquent une crise, comme c’est de plus en plus le cas, les pays devraient s’abstenir d’imposer des restrictions à l’exportation qui exacerbent les pénuries alimentaires.

Les pays ont commencé à prendre des mesures pour réduire les émissions de carbone dues au transport transfrontalier.  Les efforts menés dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale en sont un exemple : un nouveau plan exige que les compagnies aériennes des pays abritant les plus grandes industries aéronautiques achètent des crédits carbone pour compenser toute augmentation de leurs émissions au-delà des niveaux de 2019.

De façon générale, le rapport suggère de rééquilibrer les droits de douane en faveur des biens à faible intensité de carbone. Pour l’heure, les produits à forte intensité de carbone, comme les briques et les engrais, sont moins protégés par des barrières douanières que les industries plus propres, comme celles des biens de consommation. Cette différence de traitement renforce la demande pour les industries polluantes, relativement moins chères, et représente de fait une subvention implicite au carbone estimée entre 500 et 800 milliards de dollars par an.

Le changement climatique ouvre cependant de nouvelles perspectives aux pays à revenu faible ou intermédiaire. En effet, ces pays sont de grands fabricants de produits écologiques (tels que les résines, les colorants et la laine) qui ont un impact moindre sur l’environnement par rapport aux produits concurrents ayant la même fonction. Les pays dotés de ressources naturelles propices à la production d’énergie éolienne ou hydraulique pourraient devenir des destinations prisées pour la production de solutions, telles que l’hydrogène vert, qui nécessitent de grandes quantités d’électricité.

Le rapport de la Banque mondiale formule deux autres recommandations sur la façon dont les pays pourraient relever les défis commerciaux posés par le changement climatique , notamment à la suite de phénomènes météorologiques extrêmes pouvant entraver l’approvisionnement alimentaire.

La première recommandation préconise de partager plus d’informations sur les marchés des produits de première nécessité tels que les aliments et les médicaments. Grâce à une plus grande transparence, il est possible de prendre des décisions plus éclairées et mieux coordonnées qui permettent d’éviter des restrictions commerciales préjudiciables. Une première étape importante consisterait, par exemple, à collecter et partager des informations sur les stocks alimentaires mondiaux.

La seconde recommandation invite à approfondir la coopération aux niveaux régional et multilatéral sur les questions commerciales qui sont essentielles pour la santé et la sécurité alimentaire. Les pays exportateurs pourraient prendre l’engagement de s’abstenir d’appliquer des restrictions en échange d’une libéralisation des droits de douane de la part des pays importateurs. En acceptant de réduire leurs tarifs douaniers et de ne pas imposer de restrictions à l’exportation sur 124 produits essentiels, la Nouvelle-Zélande et Singapour font figure de proue en la matière.

Le commerce a été un moteur important de la croissance économique, en contribuant à sortir de la pauvreté des centaines de millions de personnes au cours des dernières décennies. L’adaptation au changement climatique et l’adoption d’une trajectoire de croissance sobre en carbone sont des défis majeurs à relever par les pays en développement.  Pour aider les pays à se tourner vers un développement vert, résilient et inclusif, il est impératif de bien saisir les nouvelles possibilités qui permettront de faire du commerce un levier du développement. À cet effet, nous organisons le 14 février 2023, conjointement avec le Peterson Institute for International Economics, une discussion sur le thème « Promouvoir le commerce mondial au profit du développement ». Nous espérons que vous participerez à cet échange.


Auteurs

Mari Elka Pangestu

Directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000