
Un grand nombre de pays en développement sont pour l’instant moins touchés par les conséquences du coronavirus (Covid-19) que les économies développées. Ils disposent donc encore d’une certaine marge de manœuvre pour préparer leurs systèmes nationaux et anticiper une riposte efficace pour contrôler et réduire la propagation de la maladie.
. Cela implique une coordination des programmes entre les diverses autorités compétentes, dont notamment le ministère de la santé, l’aviation civile, le ministère de l’information et les forces de l’ordre, sans oublier les collectivités locales.Par ailleurs, comme nous l’ont montré les crises sanitaires qui ont frappé les pays en développement par le passé — Ebola, SRAS, grippe porcine... — les pays peuvent être amenés à revoir leurs exigences de redevabilité et de transparence en cas d’urgence, mais pas à s’en affranchir.
. Il existe un certain nombre de mesures de finances publiques que les pays en développement pourraient mettre en œuvre rapidement pour mieux anticiper leur riposte au coronavirus.1. Financer la riposte sans tarder et avec clarté. Une réaffectation des ressources existantes pourra s'avérer nécessaire et s'opérer via des virements budgétaires ou des postes supplémentaires. Les pays qui en sont dotés peuvent aussi puiser dans leurs fonds pour imprévus ou leurs réserves de secours en cas de catastrophe. Contrairement à la création de nouvelles lignes budgétaires, les réallocations s'opèrent souvent, dans certaines limites, selon des procédures administratives relativement légères. Les pays pour lesquels les fonds accordés par des donateurs constituent une source importante de financements peuvent efficacement optimiser ces ressources quand elles parviennent dans leurs systèmes de gestion budgétaire. Les ministères de la santé et des finances devront collaborer pour évaluer rapidement le coût de la riposte et faire en sorte que l’enveloppe financière globale soit dûment identifiée. Dans un grand nombre de pays, les systèmes d’information financière de l’État reposent sur des progiciels de gestion intégrée qui permettent d’introduire des codes d’identification budgétaire et comptable dans les structures existantes, et donc, en l’occurrence, d’identifier les affectations et les dépenses associées à la lutte contre l'épidémie de Covid-19.
2. Recentrer les contrôles sans pour autant les affaiblir. Cette riposte pourra justifier le recentrage d’un certain nombre de contrôles afin de consentir des délégations de pouvoirs et d'accélérer l'exécution de l’enveloppe budgétaire. Un système de gestion financière abouti sera en mesure de s’adapter à cette nécessité en cas d’urgence. En l’absence de tels protocoles, il faudra recentrer les principes directeurs du contrôle budgétaire en s’appuyant sur une évaluation des risques. Dès lors que les contrôles préalables sont réduits, il sera indispensable de leur substituer des exigences de contrôle a posteriori claires, explicites et crédibles.
3. Assurer une gestion efficace de la trésorerie. Dans les pays qui ont déjà mis en place un système de compte unique du Trésor, les pouvoirs publics ont, à tout moment, une vue d’ensemble des liquidités disponibles et seront mieux en mesure de gérer leur trésorerie. Ils seront donc plus à même d’orienter des fonds vers les opérations liées au coronavirus. Si l’État détient de larges montants d’avoirs liquides sur des comptes ouverts auprès de banques commerciales, le ministère des finances pourrait être amené à considérer comme opportun de se mobiliser rapidement pour identifier, rassembler et mettre en place des processus en vue de transférer des fonds vers des comptes bancaires. S’agissant des financements de donateurs, et pour s’assurer que ces fonds soient bien utilisés aux fins prévues et qu’ils ne soient pas confondus avec les ressources publiques allouées à d’autres dépenses, les pays pourront envisager de créer des comptes bancaires distincts et liés au compte unique du Trésor
4. Garantir une passation des marchés efficace et transparente. Les mesures de lutte contre l'épidémie de Covid-19 pourront justifier un recours accru à des ententes directes avec des fournisseurs connus et fiables en vue d'accélérer la passation des marchés publics. Le cas échéant, la prudence voudrait que le ministère des finances et/ou l’autorité de régulation des marchés publics fournisse des directives complémentaires sur la gestion de ce processus, y compris en ce qui concerne une possible modification des contrats. Il pourra ainsi s'avérer utile de surveiller les marchés internationaux et nationaux pour comparer les prix et prendre des mesures en temps opportun. Afin d'atténuer les risques de fraude, il est tout particulièrement important de maintenir les pistes d'audit et les procédures d'acceptation des marchandises/services par les agents compétents. Il pourra s'avérer nécessaire dans certains cas de lever certaines obligations habituelles, comme les garanties d’offre, mais il faudra alors assortir ces mesures des justifications adéquates. Les pays pourront aussi utiliser, dans la mesure du possible, des contrats-cadres déjà disponibles. Enfin, la publication, sur les portails officiels des gouvernements, de toutes les informations relatives aux marchés publics liés à l'épidémie de Covid-19 permettra de renforcer la transparence et de favoriser la confiance.
5. Optimiser la gestion des paiements. La situation d’urgence entraînera probablement des problèmes de liquidité. D’où la nécessité, plus que jamais, d’assurer une utilisation optimale des fonds de roulement et des lignes de crédit. Le ministère d'exécution concerné et le ministère des finances pourront revoir les processus de facturation, de réception des marchandises/services et de paiement habituellement en vigueur afin d’exploiter au mieux les délais de règlement consentis par les créanciers. Dans d’autres cas, les fournisseurs pourront exiger des avances supplémentaires ou plus élevées, pour lesquelles il faudra fixer des limites. Les unités de prestation de services, qui sont en première ligne, peuvent utiliser des systèmes de paiement par téléphonie mobile pour assurer un règlement rapide des sommes de faible montant. Mais tous les paiements effectués en dehors du système de gestion financière intégré devront faire l’objet d’un enregistrement a posteriori, dans un délai le plus bref possible.
6. Procéder à des audits internes pour suppléer certains contrôles préalables. Les pouvoirs publics pourraient recourir à des audits internes pour mettre en place des contrôles a posteriori qui viendraient compenser les éventuels aménagements apportés aux exigences de vérification préalable. La fonction d’audit interne peut temporairement réduire sa mission de surveillance des systèmes pour se consacrer à la vérification a posteriori de transactions, dans un délai réduit.
7. Établir des rapports financiers plus fréquents pour agir en temps voulu. En cas de ligne budgétaire distincte pour la lutte Covid-19, celle-ci devra être créée en se conformant aux normes comptables en vigueur pour le secteur public (nationales ou internationales). L’établissement de rapports plus fréquents pour ces lignes budgétaires spécifiques pourra faciliter la prise de décision publique.
8. Mobiliser l’institution supérieure de contrôle. L’audit des transactions effectuées en situation d’urgence par l’institution supérieure de contrôle des finances publiques apportera une meilleure garantie de l’efficacité de ces dépenses et permettra de mettre en évidence les actions nécessaires pour renforcer les systèmes à l’avenir. Les auditeurs devront se prononcer, de manière indépendante, sur la nature, l’ampleur et l’approche de la riposte, et mener leurs travaux le plus rapidement possible après le retour à la normale. Ils devront, pour ce faire, être informés des aménagements apportés au système de gestion financière et identifier les risques potentiels.
VOIR AUSSI : L'actualité du Groupe de la Banque mondiale face à la pandémie de COVID-19
C'est une très bonne initiative que les autorités publiques plus principalement celles des Finances publiques soient interpellées dans la résistance contre la propagation de cette pandémie de corona. Parce qu'elle peut entraîner d'énormes pertes qu'elle soit humaine ou financière. En RCA, la gestion des Finances publiques a elle seule se confronte à d'énormes difficultés jusqu'à lors. Ceci crée des problèmes liés à cette résistance. À savoir entre et autre : les crédits budgétaires alloués pour la lutte contre les pandémies sont généralement insuffisants ; les acteurs du secteur de santé sont parfois (incapables) de défendre ces points en vue d'obtenir de crédits suffisants lors des conférences budgétaires ; la mauvaise gestion des fonds alloués ; les ressources sont mal orientées (les missions à l'étranger puisent plus de fonds 1/3 du budget national) ; le paiement des fonds au trésor public est corrompu (le principe de 10-15 % du montant qui doit être remis au DT ou au DGTCP ; l'ouverture des enveloppes dans les commissions est corrompu (les agents de la direction du contrôle financier même l'autorité financière monnayent le marché avant la sélection (malheureusement c'est une stricte vérité)) ; les contrôleurs financiers affectés dans d'autres départements ministériels et institutions manquent d'outils efficace de contrôle et de gestion de ces fonds des fois , ils sont en conflit avec l'autorité ; des mauvaises manipulations au niveau de l'engagement et de l'ordonnancement des crédits budgétaires dans le système informatique ; des fonds sont payés desfois en double au trésor alors qu'il ya qu'une seule imputation dans la bannette des engagements ; mauvaise imputation des crédits budgétaires (les marchés de fournitures sont engagés sur les dons projets ; ce qui est contraire à la nomenclature budgétaire) ; le système informatique obsolète(on espère qu'avec la venu nouveau (SIMBA) des progrès seront réalisés) ; la non implication totale des autorités publiques ; sans parler du manque des matériels techniques de dépistage et du personnel compétent dans des hôpitaux et centre de santé. À cet effet les autorités publiques centrafricaines ainsi que tous les acteurs des Finances publiques doivent être conscients de cette pandémie et s'engager à fond dans cette résistance.
C'est une lutte que tout le monde doit mettre la main dans la pâte, car cette pandémie n'épargne personne
Article très intéressant. Effectivement, les pays en développement doivent profiter du fait qu'ils ne sont pas encore touchés massivement par la pandémie pour prendre des mesures urgentes allant dans le sens d'une adaptation des dispositifs de gestion budgétaire et de trésorerie. L'urgence peut amener à déroger aux règles d'où la nécessité de mettre en place des procédures adaptées à la situation.
L'adoption des normes IPSAS par les gouvernements doit s'accélérer dans les années à venir et la Banque Mondiale peut accompagner ce processus. Ces normes en préconisant notamment la comptabilité d'engagement apportent plus de transparence dans la gestion des finances publiques et facilitent les prises de décisions.
Je partage l'analyse de l'article.je m'interroge davantage sur la gestion de la dette, notamment de la dette interne des pays du Sud. Lorsque l'on sait que l'Etat reste encore le principal client de la PME assurant près de 70 % du Chiffre d'affaires. Cela implique donc que le paiement des factures en instances devrait être inscrit au rang des priorités de concert avec les autres mécanismes , notamment les subventions directes et autres exonérations fiscales.
Article fort pertinent par ces temps de pandémie et de forte sollicitation des fonds publics.
Merci
Serge