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Dégager 1 000 milliards de dollars pour le développement grâce à une politique de marchés publics plus intelligente

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Le ralentissement économique mondial compromet la capacité des gouvernements à « reconstruire en mieux » face aux formidables défis posés par la pandémie de COVID-19 et le changement climatique. Les États s’efforcent de relancer leurs économies, mais le fléchissement de la croissance bride les capacités budgétaires tandis que l’endettement, les réductions d’impôts et l’accroissement des inégalités atteignent des niveaux record.

Une source de financement inexploitée est pourtant à portée de main. Selon les estimations, les gouvernements consacreraient chaque année 13 000 milliards de dollars à des marchés de biens, services et travaux publics.  Près d’un quart de cette somme est gaspillé en raison de l’inefficacité ou de la courte vue des pratiques de passation des marchés. En arrêtant cette hémorragie, il serait possible de dégager au moins 1 000 milliards de dollars par an qui pourraient être consacrés à un développement vert, résilient et inclusif.  

Ce potentiel a malheureusement été négligé depuis bien trop longtemps. La passation des marchés publics, composante pourtant essentielle de l’activité économique mondiale, est une discipline qui reste sous-développée. Peu d’analyses ont été publiées à l’échelle mondiale sur ce qui constitue les meilleures pratiques dans ce domaine et les décisions de commande publique sont rarement prises sur la base de preuves tangibles, en tenant compte de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. On se contente le plus souvent de veiller au respect des procédures, c’est-à-dire de vérifier la conformité à la règle plutôt que de rechercher plus largement des bénéfices économiques. Par ailleurs, l’influence politique et les relations restent bien trop souvent un élément déterminant de la décision d’octroi d’un marché.

La crise de la COVID a néanmoins servi de signal d’alarme aux gouvernements. Avec la pandémie, la demande de services a explosé, se doublant d’une exigence de qualité. Les gouvernements sont sommés de faire plus avec moins, et plus vite.  Ils se trouvent confrontés à l’urgente nécessité de faire en sorte que les passations de marchés aient une « valeur sociale » ; il leur faut repenser leurs politiques d’économie budgétaire pour intégrer des objectifs politiques tels que la préservation de l’environnement, le soutien aux petites entreprises et la protection des groupes sociaux vulnérables.

Tout cela est possible. La passation de marchés publics ne doit pas se réduire à des transactions commerciales ayant pour principal objectif d’accroître l’efficacité des dépenses pour dégager des capacités budgétaires. Elle doit être un outil de transformation socioéconomique visant une utilisation plus stratégique des décisions gouvernementales et de la technologie : il s’agit de dépasser les considérations d’efficience économique et les calculs purement comptables pour soutenir des objectifs plus larges tels que la bonne gestion de l’environnement, le développement économique résilient et inclusif, et la protection sociale.

En arrêtant cette hémorragie, il serait possible de dégager au moins 1 000 milliards de dollars par an qui pourraient être consacrés à un développement vert, résilient et inclusif.

La Banque mondiale ouvre de nouvelles perspectives en publiant un rapport de synthèse sur les marchés publics (An International Stocktaking of Developments in Public Procurement - Synthesis Report). Ce rapport montre comment l’actuel embrouillamini des pratiques de marchés publics et l’absence de règles communes pourraient être remplacés par un système mondial répondant plus efficacement aux besoins des citoyens. Une telle évolution requiert néanmoins l’établissement d’une coalition internationale, qui englobe à la fois des gouvernements et des entreprises privées et soit capable d’exploiter le plein potentiel des marchés publics pour placer l’économie mondiale sur une trajectoire plus durable.

C’est précisément à cet effet que la Banque mondiale propose la création d’un Partenariat mondial pour les marchés publics. Celui-ci sera principalement chargé d’établir un réseau mondial pour la promotion d’une utilisation stratégique de la commande publique, considérée comme un outil essentiel de planification et de développement de l’économie. Il recensera les bonnes pratiques mises en œuvre dans le monde afin d’encourager le partage de connaissances et la collaboration. Il définira aussi des principes et des critères jouissant d’une reconnaissance mondiale.  

Les gouvernements disposent de nombreux moyens pour développer l'utilité sociale des marchés publics, notamment en favorisant par ce biais l’innovation et le renforcement d’activités ou de secteurs industriels clés des économies nationales. De plus, les mesures favorables aux micros, petites et moyennes entreprises ont souvent un effet stimulant sur la compétitivité à long terme.

Les marchés publics peuvent également servir à promouvoir les politiques de préservation de l’environnement. Les marchés « verts » mettent l’accent sur des biens, services et travaux responsables et durables. Cette préoccupation s’accompagne de méthodes veillant à minimiser les atteintes à l’environnement et à accroître la résilience en luttant contre les effets des dérèglements du climat. Il faut, en outre, que les politiques de marchés publics accordent une plus large place à la préparation et à la gestion des contrats, et ne se préoccupent pas uniquement des appels d’offres et de la sélection des entreprises.

La pandémie de COVID-19 a, par ailleurs, mis en évidence l’importance des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité, de l’accès à l’information et de l’engagement citoyen. Il a fallu transférer les opérations de passation des marchés en ligne, ce qui a supprimé les interactions physiques. De fait, le dépôt de dossiers d'appels d’offres papier apparaîtra bientôt comme une bizarrerie du passé. Avec la montée en puissance des systèmes électroniques de passation des marchés publics, les possibilités de partage d’informations, d’évaluation des options et de gestion des coûts vont se multiplier. Les gouvernements seront à même de réagir plus vite pour mieux répondre aux crises.

La proposition de Partenariat mondial pour les marchés publics arrive donc à point nommé. Sur le plan national, ce partenariat contribuera à faire en sorte que la passation des marchés s’appuie sur des données probantes, et non plus sur des réseaux d’influences et de privilèges. Il aidera à susciter l’innovation dans des domaines essentiels, en resserrant les collaborations entre gouvernements et entreprises privées. Il renforcera la confiance du public en favorisant la prise de responsabilité et l’engagement des citoyens.

Durant la période qui suivra la pandémie, les gouvernements seront soumis à une pression bien compréhensible pour que chaque dollar déboursé soit utilisé au mieux. Les citoyens sont en droit d’exiger que leur argent soit dépensé de manière aussi judicieuse que possible. De fait, une passation judicieuse des marchés publics sera un élément déterminant d’une reprise verte, résiliente et inclusive après la pandémie  : les gouvernements, les entreprises privées et les organismes de développement se doivent de déployer tous les efforts possibles pour tirer profit de cette manne de 1 000 milliards de dollars.


Auteurs

Indermit Gill

Économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et premier vice-président pour l’Économie du développement

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