Publié sur Opinions

Des logements dignes pour des populations en bonne santé

Sumaiya lit chez lui dans le bidonville de Sujat Nagar, au Bangladesh. © Dominic Chavez / Banque mondiale Sumaiya lit chez lui dans le bidonville de Sujat Nagar, au Bangladesh. © Dominic Chavez / Banque mondiale

Parasite, Palme d’or du Festival de Cannes et Oscar du meilleur film 2019, est une comédie noire sur une famille sans le sou qui vivote dans un entresol exigu, sombre et humide de Séoul, à l’image de centaines de milliers d’habitants pauvres de la capitale coréenne (a). Pour améliorer son quotidien, la famille échafaude un plan audacieux et souvent hilarant, mais qui aboutit à un véritable désastre, tandis que les inégalités de logement perdurent.

Toutefois, la situation ne prête pas à rire pour les milliards de personnes dans le monde qui vivent dans des conditions similaires ou pires. Alors que le monde lutte contre la pandémie sans précédent de Covid-19, plus de deux milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à des toilettes et des centaines de millions de personnes ne peuvent même pas se laver les mains chez elles. Parallèlement, les catastrophes naturelles et les dérèglements climatiques détruisent un nombre croissant d’habitations, avec le risque, à terme, de laisser sans abri quelque 14 millions de personnes chaque année (a).

Dans le monde entier, les pouvoirs publics s’efforcent de combler le manque de logements en construisant de nouveaux immeubles, en partenariat avec le secteur privé. Mais dans la plupart des pays en développement, deux familles sur trois n’ont pas tant besoin d’un nouvel appartement que d’un foyer plus digne .

De mauvaises conditions d’habitat ne mettent pas seulement en danger la santé et la vie des familles pauvres, elles se répercutent également sur leur état mental — un aspect négligé des politiques de logement, tant sur le plan de la réflexion que des financements. Or, des études ont montré qu’un logement inadapté, précaire et surpeuplé affecte la santé mentale dans au moins trois dimensions :

  1. Les mauvaises conditions de logement sapent la confiance en soi. Dans bien des cultures, l’identité personnelle est intimement liée à la qualité de vie. Le foyer est devenu un moyen de l’expression et de la présentation de soi. Vivre dans des conditions d'habitat précaire a non seulement des conséquences néfastes sur la santé physique, mais a aussi pour effet de miner l’estime de soi (a), tandis que l’amélioration de l’habitat (a) peut au contraire renforcer la confiance en soi.
  2. Les mauvaises conditions de logement augmentent les risques de dépression et de stress, ce qui favorise les violences familiales. La promiscuité limite non seulement l’intimité, mais risque également d’envenimer les relations familiales, jusqu’à la violence. Des études (a) sur le surpeuplement des logements révèlent une hausse des conflits au sein des couples et entre les enfants. Le coût est également un problème majeur : un adulte sur quatre (a) souffre de stress lié au paiement de son loyer ou de son crédit immobilier.
  3. Les mauvaises conditions de logement aggravent les risques de syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Les familles ayant survécu à une catastrophe souffrent souvent d’un grave trouble de ce type, non seulement en raison du traumatisme lié à l’événement, mais aussi du déplacement (a) qui en découle fréquemment. Ainsi, près d’un quart des survivants de tremblements de terre (a) souffrent de SSPT. On parle de « l’autre désastre invisible » (a) pour rendre compte des répercussions de séismes particulièrement dévastateurs sur l’état mental et émotionnel des sinistrés. C’est ce que beaucoup ont vécu après le tremblement de terre de 2010 en Haïti qui a tué plus de 200 000 personnes, et du séisme de 2019 au Népal qui a fait 700 000 sans-abri. La reconstruction à elle seule ne peut reconstruire ce qui a été perdu.

Investir dans des logements abordables et de qualité avant la prochaine catastrophe peut sauver des vies et préserver le bien-être physique, mental et financier des familles. 

Que peuvent faire les villes pour améliorer les conditions de logement et préserver la bonne santé de leurs habitants ?  

Voici trois pistes d’action :

Tout d’abord, soutenir l’amélioration de l’habitat pour de meilleurs résultats sanitaires. Des solutions simples et relativement peu coûteuses peuvent faire une grande différence, comme l’installation de moustiquaires aux fenêtres pour lutter contre le paludisme et des travaux d’isolation contre le froid et la chaleur. Des études (a) ont démontré que l’élimination des sols en terre battue réduit considérablement les diarrhées et les infections parasitaires infantiles, tout en diminuant l’inquiétude des mères. Des entreprises se créent pour répondre à ces besoins. Au Rwanda par exemple, des start-up (a) sont déjà à l’œuvre pour carreler les sols afin de freiner la propagation de maladies. 

Deuxièmement, renforcer la solidité et la résistance des bâtiments. N’oublions pas que ce sont les bâtiments qui tuent les gens, pas les tremblements de terre. Les programmes d’amélioration de l’habitat doivent immédiatement remédier aux déficiences structurelles des édifices avant la survenue d’une prochaine catastrophe. De nouvelles technologies abordables sont disponibles pour détecter les bâtiments à risque et mettre en œuvre des mesures préventives. Si les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent aider les oncologues à détecter des tumeurs cancéreuses, ils sont certainement capables d’accélérer les travaux des meilleurs ingénieurs pour repérer les structures vulnérables.

Troisièmement, rénover les quartiers pour que la ville soit un lieu de vie plus digne pour tous. On sait que l’amélioration des infrastructures dans les quartiers pauvres a des effets positifs sur la santé (a). Au-delà de simples remises en état, les urbanistes devraient favoriser l’accès des populations démunies à des espaces verts publics, dont il a été démontré qu’ils ont un impact significatif sur la santé mentale. (a). Même si les budgets consacrés au logement sont limités, les pouvoirs publics devraient prendre en compte le coût social des mauvaises conditions de vie chez les enfants, dont le potentiel peut être entravé par le surpeuplement, la violence domestique et la dépression. Pour améliorer le bien-être des populations, il serait utile de suivre l’exemple de pays comme le Mexique et la Colombie (a), où des programmes sont en cours pour intégrer et autonomiser les groupes marginalisés, notamment les migrants et les réfugiés.

Disposer d’un logement sûr et abordable est un droit universel. C’est également primordial pour résoudre la crise mondiale de la santé mentale qui s’aggrave : selon les experts (a), elle pourrait coûter 16 000 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030. Alors que Covid-19 se répand dans le monde entier, nos foyers peuvent nous offrir la protection cruciale dont nous avons besoin pour notre santé physique et mentale, à condition qu’ils soient sûrs et confortables.  Que ce soit à court ou plus long terme, il est impératif que les décideurs politiques adoptent des stratégies globales pour non seulement remédier à la pénurie de logements, mais aussi améliorer la qualité du parc d’habitations existant.

LIENS UTILES :


Auteurs

Luis Triveno

Spécialiste principal du développement urbain

Olivia Nielsen

Directrice associée à Miyamoto International

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