Publié sur Opinions

Dette publique : assurer la transparence pour réaliser les objectifs de développement

La semaine prochaine, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du monde entier seront à Washington pour participer aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Ils aborderont à cette occasion de nombreux enjeux critiques en matière de développement, lors d'événements publics et de réunions à huis clos. Les difficultés rencontrées par les économies émergentes et en développement sont multiples et complexes. Comment, par exemple, créer plus d'emplois et de meilleure qualité ? Comment lutter contre le changement climatique ? Comment garantir aux citoyens de bons services publics, tels que l'éducation, la santé, l'électricité, l'eau, l'assainissement et bien d'autres encore ?

Les besoins sont colossaux, à l'instar du coût pour les satisfaire : de 640 à 2 700 milliards de dollars par an (a), selon les estimations de la Banque mondiale. Par conséquent, le recours à la dette et son financement constituent un aspect crucial pour le développement. Or, les niveaux d'endettement atteignent déjà des niveaux record dans les économies émergentes et en développement, ce qui risque de limiter leur capacité à emprunter davantage. Comme l'ont démontré les crises financières passées, la dette doit être utilisée avec prudence et de manière transparente.

La dette publique a considérablement augmenté dans les pays émergents et en développement , pour atteindre 50 % du PIB en 2018, soit une hausse de 15 points de pourcentage en moyenne depuis 2007 (a). L’encours de la dette extérieure (a) des pays les plus pauvres du monde s'élevait à 387 milliards de dollars fin 2018, soit plus du double du niveau d'endettement de la décennie précédente. Ce doublement de la dette publique concerne plus de la moitié des pays d'Afrique subsaharienne, sachant que l'augmentation est encore plus prononcée dans certains pays : 885 % en Éthiopie, 521 % en Zambie, 437 % en Ouganda et 395 % au Ghana.

La dette publique a considérablement augmenté dans les pays émergents et en développement y compris les pays à faible revenu, ce qui accroît le risque de surendettement. Crédit : Perspectives économiques mondiales de la Banque mondiale

La dette publique accumulée ces dernières années est en outre assortie de taux d'intérêt de plus en plus élevés et elle a été contractée auprès de créanciers plus diversifiés, en dehors des mécanismes internationaux de surveillance existants. Le manque de transparence entourant certaines transactions ajoute à l’incertitude et au risque. Bon nombre des pays qui se sont endettés auprès de nouveaux créanciers courent un risque élevé de surendettement ou se trouvent déjà dans cette situation difficile.

Par ailleurs, l'endettement du secteur privé a fortement augmenté lui aussi. La dette totale des économies émergentes et en développement atteint donc un niveau record de 168 % du PIB en moyenne en 2018, contre 96 % du PIB en 2007.

Les conséquences d'un endettement excessif, en particulier par la dette extérieure, peuvent être désastreuses . D'une part, cela aggrave la vulnérabilité face aux crises financières et, d'autre part, la capacité des gouvernements à réagir à de telles crises s'en trouve limitée. Une dette excessive peut aussi entraîner un ralentissement de l'investissement et de la croissance.

La gestion et la transparence de la dette s’imposent donc, à nouveau, comme des enjeux critiques pour le développement . Avec une transparence et une gestion de la dette renforcées, il est possible d'atténuer les coûts liés au gonflement de l’endettement, de même que certaines pressions politico-économiques favorisant une accumulation rapide de la dette.

La transparence a de nombreux bienfaits. Elle aide les autorités à prendre des décisions éclairées en matière d'emprunt ; elle aide les créanciers et les agences de notation à évaluer la solvabilité des dettes souveraines et contribue, par conséquent, à renforcer les bases qui déterminent les conditions d'emprunt ; enfin, elle informe les citoyens sur la manière dont les gouvernements dépensent les deniers publics.

La transparence est également un facteur de prospérité : des travaux montrent que les pays plus « transparents » tendent à obtenir de meilleures cotes de crédit, à bénéficier de coûts d'emprunt moins élevés et à attirer plus facilement les investissements directs étrangers.

Hélas, la dette est encore loin d'être à la hauteur du niveau de transparence souhaitable. Les évaluations de la Banque mondiale portant sur 62 pays à faible revenu ont révélé que moins de la moitié d'entre eux satisfait aux exigences minimales en matière d'enregistrement, de suivi et de notification de la dette . Nous redoublons d'efforts pour promouvoir la transparence de la dette en tant qu'élément essentiel de la démarche multidimensionnelle conjointe de la Banque mondiale et du FMI. Ces efforts donnent lieu à une assistance technique et des échanges sur l’action à mener dans les pays pour faire progresser un programme de réformes destiné à renforcer les politiques macro-budgétaires, stimuler la croissance et réduire les risques budgétaires. La Banque mondiale travaille également à la création d'une base de données sur la dette détenue par les entreprises d'État et collabore à des initiatives de réforme de la transparence de la dette dans plusieurs pays.

La gestion et la transparence de la dette sont de grandes priorités dans le contexte actuel du développement, et je me réjouis à la perspective d’aborder ces enjeux avec les dirigeants de haut niveau qui se rendront à Washington la semaine prochaine. Nous organiserons notamment un événement public, Améliorer la transparence pour mieux appréhender la dette (a), qui permettra d'analyser en profondeur pourquoi la transparence de la dette fait défaut dans tant de pays et de réfléchir à ce que nous pouvons faire, collectivement, pour créer les incitations nécessaires à cette transparence. Cet événement sera retransmis en direct sur le web. J'invite tous ceux qui s'intéressent au rôle de la dette dans les finances publiques à suivre cette rencontre et à se joindre à la discussion.


Auteurs

Ceyla Pazarbasioglu

Vice-présidente chargée de la croissance équitable, de la finance et des institutions, Groupe de la Banque mondiale

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