Publié sur Opinions

En mouvement : les communautés pastorales au Sahel s'adaptent au changement climatique

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Hanassa Hamadou Diallo, une éleveuse du village de Tagha, au Burkina Faso. © Dicko Hama Hanassa Hamadou Diallo, une éleveuse du village de Tagha, au Burkina Faso. © Dicko Hama

Alors que le changement climatique, la crise migratoire et la recherche de substituts à la viande font la une des journaux, il est important de revenir sur ce que vivent les populations transhumantes du Sahel, mais aussi sur les perspectives que peuvent ouvrir des interventions relativement simples.

Rappelons que 75 % du territoire sahélien est aride et semi-aride, ce qui signifie que la terre est trop sèche pour permettre des cultures classiques. L'élevage est donc la principale activité que peuvent y exercer les familles, sachant qu’une partie importante des 20 millions d'éleveurs se déplacent avec leur bétail pendant la saison sèche. Les populations pastorales du Sahel « s’adaptent au climat » depuis toujours : elles vont vers le sud et les pays du littoral en quête d’humidité et remontent vers le nord pendant la saison des pluies, tandis que leurs animaux transforment des plantes non comestibles en lait et viande nourrissants, tout en fournissant de nombreux services environnementaux et économiques dans une région où il n'existe que peu ou pas d'autres sources de protéines abordables.

Mais les dérèglements climatiques, les conflits et la croissance démographique bouleversent ces modalités traditionnelles de déplacement et font peser de lourdes menaces sur les moyens de subsistance pastoraux.  Exacerbés par d'autres facteurs d'instabilité dans la région du Sahel, les conflits entre éleveurs transhumants et populations sédentaires autour des ressources naturelles se sont multipliés depuis une quinzaine d'années. 

Dans ce contexte, le projet régional d'appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS), financé par la Banque mondiale, fournit des approches et des outils bienvenus pour favoriser la prospérité dans la région tout en prévenant les conflits.

Le PRAPS rassemble diverses actions complémentaires. Il prévoit ainsi de réhabiliter ou construire des infrastructures qui assurent aux éleveurs un accès plus sûr aux ressources naturelles et aux marchés : puits, délimitation des routes de transhumance, marchés du bétail et aires de repos. Le projet met également en place des mécanismes locaux pour gérer et résoudre les conflits autour de ces infrastructures et renforce les capacités des partenaires d'exécution (organisations professionnelles, autorités locales...), afin de détecter et prévenir les conflits. Enfin, le PRAPS vise à renforcer le dialogue et les accords qui facilitent les déplacements des éleveurs nomades et de leurs troupeaux de part et d'autre des frontières. D'autres actions contribuent au renforcement des moyens de subsistance et de la résilience des populations pastorales, comme l'amélioration de la santé du bétail, l'utilisation de systèmes d'alerte précoce pour prévenir les crises et le soutien aux activités de diversification des revenus.

L’impact concret de ces investissements en faveur de l’accès aux ressources, de la mobilité et de la sécurité a été mis en lumière au travers d’une série d’entretiens récents au Burkina Faso.

Ainsi pour Amadou Brem, un éleveur de Seytenga, une clôture réparée et un marché rénové font une grande différence pour son commerce de bovins et de chèvres : « La clôture était délabrée, elle tombait en morceaux. Et puis maintenant que le marché a été rénové, il attire les commerçants et les clients. Grâce au PRAPS, les animaux sont mis en sécurité et les éleveurs sont payés, alors qu'avant, il n'y avait aucun endroit sûr pour parquer les animaux que l’on avait achetés ». Parce qu’il n'est qu'à quinze kilomètres du Niger, le marché de Seytenga est fréquenté à la fois par les éleveurs locaux et ceux du pays voisin.

Pour Hanassa Hamadou Diallo, une habitante de Tagha, les déplacements sont devenus très difficiles à cause de l'insécurité ambiante : « Si quelqu'un part en transhumance, les gens du village sont impatients d'avoir des nouvelles et sont inquiets jusqu'à son retour. À l'heure actuelle, le pastoralisme est moins mobile et quand il n'est pas mobile, il n'est pas rentable   ». Elle dit que le forage d'un puits lui permettra d'abreuver plus facilement son bétail, sans avoir à se déplacer trop loin.

Le PRAPS a été déterminant pour inciter d'autres donateurs bilatéraux et multilatéraux — Banque africaine de développement et Union européenne notamment — à soutenir davantage la sécurité et la pérennité des systèmes pastoraux en Afrique de l'Ouest. Toutefois, comme l'a souligné la Déclaration de Nouakchott sur le pastoralisme en octobre 2013, il est nécessaire de mener à bien des actions complémentaires, telles que l'amélioration de l'accès aux services de base et la promotion de l'inclusion politique des populations pastorales, afin d'apporter une réponse plus globale aux défis à relever dans ce domaine. 

Le changement climatique, la démographie et les dynamiques politiques vont faire évoluer le contexte du Sahel et il sera important de prendre en considération le rôle des pays du littoral qui accueillent des troupeaux en transhumance pendant la saison sèche, afin que l'avenir des communautés pastorales et sédentaires d'éleveurs ne soit pas compromis. Dans ce cadre, il est réconfortant de savoir que tous les pays et parties prenantes travaillent sous l'égide de la CEDEAO pour parvenir à une vision commune. Il sera capital d'aider les populations du Sahel non seulement à se déplacer, mais à aller de l'avant. 
 


Auteurs

Amadou Ba

Economiste, Agriculture

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