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Essor et enjeux des filets sociaux

 
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Les pays en développement sont deux fois plus nombreux à déployer des programmes de protection sociale pour leur population. Nous vous expliquons pourquoi…  Photo: Mohammad Al-Arief/Banque mondiale

Les filets de protection sociale — ces allocations monétaires versées aux ménages pauvres et assorties souvent de conditions (scolarisation des enfants ou visites médicales régulières, par exemple) — sont devenus l’une des stratégies de réduction la pauvreté les plus efficaces parce qu’ils aident les personnes pauvres et vulnérables à surmonter les crises et les chocs. Chaque année, 69 millions d’habitants des pays en développement sont extraits de l’extrême pauvreté grâce aux programmes sociaux et 97 millions d’individus parviennent à quitter le quintile inférieur de revenu, deux estimations qui témoignent de l’utilité de ces interventions pour lutter contre la pauvreté dans le monde.

The estimated number of people escaping poverty because of social safety nets, in millions
Estimation du nombre de personnes échappant à la pauvreté grâce aux filets de protection sociale, en millions

Note : sont en situation de pauvreté absolue les personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour en PPA et sont en situation de pauvreté relative celles qui appartiennent au quintile inférieur de revenu par habitant/répartition de la consommation ( Source : base de données ASPIRE )

Ce qui explique le doublement (a) observé entre 2000 et 2017, de 72 à 149, du nombre de pays en développement offrant des programmes de protection sociale à leurs ressortissants. Pratiquement tous sont désormais dotés de programmes de filets sociaux et ont introduit d’autres mesures de protection sociale — transferts monétaires assortis ou non de conditions, régimes de retraite pour les plus âgés, programmes de repas scolaires ou chantiers publics — qui aident les ménages pauvres à gérer les risques et investir dans leurs moyens d’existence.

Les pays ayant mis en place depuis longtemps ce type de programmes s’engagent également clairement à les étendre : c’est le cas en Colombie (a), au Pérou (a) et aux Philippines (a), où ces programmes concernaient au départ moins de 5 % de la population et touchent, dix ans plus tard environ, entre 15 et 20 % des habitants.

Qui plus est, l’utilité de ces amortisseurs sociaux pour se préparer aux catastrophes ou répondre à une crise est patente : lorsque l’Afrique australe a connu sa pire sécheresse en 35 ans, les programmes de transferts monétaires ont été particulièrement efficaces pour aider environ 32 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire à rebondir.
En dépit de ces avancées mondiales indiscutables, il reste encore beaucoup de lacunes à combler, notamment dans les pays à faible revenu où 20 % seulement (a) des ménages pauvres bénéficient de filets sociaux.

Face à ces difficultés et dans le but de protéger les plus vulnérables, nous devons veiller à ce que la protection sociale soit plus efficace au quotidien. Pour cela, nous nous employons à améliorer la portée et l’impact de ces dispositifs :

  1. Insertion productive et sortie progressive des programmes d’aide sociale : il s’agit d’ajouter des mesures pour conditionner l’octroi d’un revenu ou d’un (auto-)emploi à la participation d’un programme ou de faire profiter les bénéficiaires d’autres services sociaux publics. En El Salvador (a) par exemple, un projet d’appui au revenu et à l’employabilité aide les groupes vulnérables victimes de la crise alimentaire, énergétique et financière. Les bénéficiaires touchent 100 dollars par mois à condition de participer à des formations et des projets communautaires. L’évaluation d’impact a constaté que ce projet donne des outils aux participants pour mieux se préparer à chercher un emploi et renforce leur désir de créer leur propre entreprise. L’objectif ultime est de faire « sortir » ces bénéficiaires des programmes sociaux, de les extraire de la pauvreté, en améliorant leurs capacités et en leur donnant un meilleur accès aux débouchés.
  2. Facteurs comportementaux : la théorie des sciences comportementales veut qu’un renforcement positif ou des « coups de pouce » indirects infléchissent les motivations et les décisions des bénéficiaires. Ces encouragements peuvent avoir des effets durables, comme l’a prouvé le programme réalisé à Madagascar où des interventions à visée comportementale ont permis de faire évoluer les mentalités sur les relations hommes-femmes et de former des femmes au leadership, la planification financière et la création d’entreprises.
  3. Systèmes d’information et de prestation : cela passe par un registre social recensant les individus ou les familles potentiellement bénéficiaires d’un ou plusieurs programmes sociaux et la mise en place d’un système efficace de prestation reposant sur une architecture essentielle (données et informations de base, logiciels, gestion des bases de données et infrastructures TIC fiables).
La communauté internationale a reconnu le rôle de la protection sociale universelle (programmes de filets sociaux compris) dans la réalisation des objectifs de développement. Dès lors, je ne peux que me réjouir des engagements pris par les ministres présents pour la table ronde organisée la semaine dernière pendant les Réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Ensemble, dirigeants et partenaires du monde entier, nous œuvrons pour aider les pays à étendre la couverture sociale afin de ne laisser personne au bord du chemin.
 

Auteurs

Michal Rutkowski

Directeur, Protection sociale et Emploi, Banque mondiale

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