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Genre et égalité des sexes dans les écoles thaïlandaises : sommes-nous ce que l’on nous a appris ?

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Alors que j’attendais un enseignant avec lequel j’avais rendez-vous pour une interview dans une école du fin fond de la Thaïlande, le spectacle des élèves en train de déjeuner m’a rappelé mes années d’écolière. Je me suis mise à discuter avec les enfants et je leur ai demandé ce qu’ils voulaient faire plus tard. « Docteur », a répondu un garçon. « Moi, quand je serai grande, je veux être infirmière », a dit une fille. Leurs réponses m’ont amenée à me demander à quel âge nos systèmes de valeurs masculin/féminin prenaient forme.
 
La famille et l’école sont les institutions clés au sein desquelles les jeunes enfants assimilent les normes sociales. L’école, en particulier, est le cadre dans lequel les enfants socialisent et découvrent les valeurs et relations sociales, et notamment celles qui sont associées aux sexes.
 
Si l’on croit savoir que l’école joue un rôle capital dans la formation de ces valeurs, il n’y a guère eu d’études empiriques consacrées à ce sujet en Thaïlande.

En tout cas jusqu’à récemment, puisque, l’an dernier, le Comité de promotion et de coordination des affaires féminines (PCWA), avec le concours de la Fondation Rockefeller et de la Banque mondiale, a réalisé deux études destinées à dresser un état des lieux des questions de genre et d’égalité filles-garçons dans le système éducatif thaïlandais. Ces travaux ont eu pour objectif de confirmer ou d’infirmer ce que l’on croit savoir sur les préjugés et les stéréotypes de sexe et sur la manière dont l’école contribue à les inculquer, enseigner, communiquer et transmettre.

 La première étude a consisté à recourir à une technique d’analyse des contenus et à examiner les manuels scolaires afin d’identifier la manière dont les rôles masculin et féminin sont perçus et représentés dans les programmes. La seconde s’appuie sur une approche quantitative et transversale, avec une focalisation sur les éléments suivants :
 
(1) Utilisation de l’espace et activités sportives
(2) Choix des couleurs et activités extrascolaires
(3) Capacités de leadership
(4) Perception des aptitudes scolaires
(5) Perception des traits souhaitables et non souhaitables 

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Ces travaux de recherche révèlent à quel point les valeurs et les croyances liées aux différences entre les sexes sont profondément enracinées dans l’ensemble du système scolaire.  

Si l’identité de genre n’est pas encore bien définie chez les enfants de maternelle et du primaire, les idées reçues et les préjugés sont sans aucun doute déjà à l’œuvre par le biais des programmes scolaires et de diverses pratiques en vigueur au sein de l'école. Les valeurs sociales rattachées à la masculinité et à la féminité ont déjà fait leur chemin. Elles apparaissent à travers les attitudes et croyances des enseignants, sans que cela soit conscient ou intentionnel, et sont encore renforcées par les médias, les manuels scolaires, l’école et les pratiques parentales. 
 
Ces systèmes de valeurs sexués, profondément ancrés, conduisent aux inégalités hommes-femmes que l’on constate dans la société. Bien que les jeunes thaïlandaises soient davantage scolarisées et obtiennent de meilleurs résultats que les garçons, leur réussite scolaire ne se traduit pas nécessairement par de meilleures perspectives d’emploi ni par une rémunération plus élevée. Et elle ne leur permet pas non plus d’accéder aux postes de direction, que ce soit dans le secteur public ou dans le privé.
 
Les principales conclusions de ces études sont synthétisées ci-dessous et illustrées dans cette infographie :
 
Manuels et programmes scolaires : dans les 538 manuels qui ont été choisis de manière aléatoire, on constate que les garçons et les hommes adultes sont davantage représentés que les filles et les femmes. Celles-ci sont souvent représentées dans une position inférieure à celle des hommes, sur le plan des rôles, des fonctions, des responsabilités et des activités exercés. Les hommes ont des rôles de « meneur » et une activité professionnelle (ils sont rois, philosophes, médecins, etc.), tandis que les femmes sont confinées au statut d’épouse et occupent une place mineure dans la société.
 
Capacités de leadership : les résultats d’une enquête montrent que l’on tend à penser que les filles ont moins d’aptitudes naturelles à diriger que les garçons. Les garçons sont perçus comme déterminés, courageux et généreux, tandis que les filles sont considérées comme prêtes à faire des concessions, fragiles et souples.
 
Perception des aptitudes scolaires : si les enseignants affirment volontiers qu’il n’existe aucune différence innée entre garçons et filles sur le plan des aptitudes et des capacités, les filles sont perçues comme réussissant moins bien que les garçons en mathématiques et en sciences.
 
Perception des traits souhaitables et non souhaitables : les enseignants thaïlandais attendent des filles un « comportement convenable », qu’elles obéissent et soient gentilles (ce qui correspond à ce que la société thaïlandaise attend des femmes), tandis qu’il est permis aux garçons de parfois être indisciplinés, dire des gros mots et faire preuve d'une certaine agressivité.
 
Alors, puisque nous sommes ce que l’on nous a appris à être et que l’école est le lieu par excellence pour promouvoir l’égalité entre les sexes, comment agir pour faire changer les choses ?
 
Nous pensons qu’une forte volonté politique est nécessaire, mais qu’il faut aussi former les enseignants et refondre les manuels scolaires pour changer la manière dont filles, garçons, hommes et femmes sont représentés. Tout le personnel scolaire doit être impliqué et il faut favoriser la mise en place de programmes de sensibilisation destinés aux parents afin que l’école devienne un lieu véritablement « neutre », c’est-à-dire à l’abri de tout stéréotype sexuel.


Auteurs

Pamornrat Tansanguanwong

Senior Social Development Specialist

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