Environ 4,5 milliards d’habitants des pays en développement vivent avec 8 dollars par jour (en parité de pouvoir d’achat de 2005), quand ce n’est pas moins. Ils constituent le « bas de la pyramide économique » (ou BoP, selon l’acronyme anglais) et pèsent, potentiellement, 5 000 milliards de dollars. S’il existe bien des études de cas sur les grandes multinationales qui tentent de pénétrer le marché « BoP », la réussite d’entreprises locales passe souvent inaperçue. C’est pourquoi la Société financière internationale (IFC) a décidé de mettre en avant les succès de celles qui sont parvenues à s’adapter à cette catégorie de consommateurs.
Ces dix dernières années, IFC a engagé plus de 11 milliards de dollars au profit de quelque 400 entreprises ayant mis en place des modèles opérationnels inclusifs destinés aux consommateurs du bas de la pyramide, avec lesquels elles entretiennent des relations commerciales. Réparties dans 90 pays, ces entreprises couvrent quantité de secteurs, de l’agro-industrie à l’immobilier en passant par l’éducation, la santé, les services publics, les technologies de l’information et des communications ou les marchés financiers. En 2013, les entreprises inclusives présentes dans le portefeuille d’IFC ont touché plus de 90 millions de personnes (agriculteurs, étudiants, patients, clients des services publics ou micro-emprunteurs).
Les entreprises inclusives (a) clientes d’IFC sont rarement des multinationales. Il s’agit plutôt d’entreprises locales de taille moyenne à grande qui sont, parfois, des filiales de groupes internationaux. La plupart ont une longue expérience des marchés BoP et rares sont les nouveaux-venus sur ce créneau.
À l’occasion du lancement, à Berlin, du Réseau d’action des entreprises inclusives, IFC publie cette semaine un rapport sur leur rôle dans le partage de la prospérité, intitulé Shared Prosperity through Inclusive Business: How Successful Companies Reach the Base of the Pyramid (a). Ce document dresse un bilan des enseignements pratiques à retirer de l’expérience réussie des clients d’IFC vis-à-vis des populations constituant le bas de la pyramide économique, qu’elles soient fournisseurs ou consommateurs. Une analyse de son portefeuille a permis à IFC de dégager les facteurs communs à ces entreprises pour opérer avec des clients BoP. Chaque étape de la chaîne de valeur est examinée, du marché initial à la commercialisation en passant par la conception du produit puis la distribution et la vente au détail, sachant que les enseignements retirés, illustrés à chaque fois par le profil d’un client d’IFC, ont vocation à être adaptés aux spécificités d’un secteur ou d’une région.
IFC est convaincue que l’expérience de ces entreprises — un monde que la communauté du développement connaît en général assez mal — pourrait se révéler extrêmement profitable pour celles qui tentent de pénétrer sur le marché des BoP. Ces pratiques, qui relèvent de la routine pour bon nombre d’entreprises locales, pourraient bien constituer le chaînon opérationnel manquant pour beaucoup d’autres.
Le rapport d’IFC s’intéresse à quatre problèmes classiques que rencontrent les entreprises dans leurs relations avec les populations du bas de la pyramide :
- comment s’approvisionner auprès des petits exploitants ;
- comment séduire des consommateurs attentifs aux prix ;
- comment maximiser l’accès tout en réduisant les coûts ;
- comment libérer les capacités financières de ces clients et les inciter à dépenser.
Ideal Invest, première société privée au Brésil pour les prêts étudiants, fait partie des 22 entreprises évoquées dans le rapport. Son originalité ? Une solution alternative pour valoriser son crédit Pravaler (a), qui prévoit un partage des coûts : l’étudiant rembourse le principal et l’université assume les intérêts. Les étudiants peu fortunés peuvent ainsi accéder à un emprunt bon marché.
Le rapport rend également compte de l’expérience de l’Agence kenyane de développement du thé (KTDA) (a), l’un des premiers exportateurs de thé au monde. Afin de pouvoir s’approvisionner auprès de petits producteurs, la KTDA leur offre toute une palette de services : formation, fourniture d’intrants, transport, transformation, commercialisation et accès au crédit. Elle peut ainsi élargir et diversifier sa base d’approvisionnement, proposer un thé de qualité cultivé localement et, dans le même temps, améliorer le revenu de ses fournisseurs.
Bien entendu, même combinées, ces solutions ne fonctionneront pas comme par enchantement dans tous les secteurs, d’autant qu’elles peuvent évoluer dans le temps. À partir du moment où une entreprise les a introduites dans son modèle opérationnel et testées sur le terrain, elle doit sans cesse vérifier leur efficacité et les affiner afin de parvenir à la combinaison idéale pour son activité.
À l’instar de l’ensemble du Groupe de la Banque mondiale, IFC a pour objectif fondamental de mettre fin à la pauvreté et de favoriser une prospérité partagée. Les entreprises inclusives constituent un précieux maillon dans la chaîne d’initiatives qui conduiront à faire de cet objectif une réalité.
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