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Investissements privés dans les infrastructures : tendances et leviers d’action

Two male electrician workers walking in between long rows of photovoltaic solar panels and talking about installation of new solar panels. Photo credit: Shutterstock Two male electrician workers walking in between long rows of photovoltaic solar panels and talking about installation of new solar panels. Photo credit: Shutterstock

Il suffit de survoler les titres des médias pour réaliser ce que les professionnels du développement international savent déjà : les choses ne sont plus comme avant. En quelques années seulement, le paysage mondial a connu des bouleversements que bien peu d’entre nous auraient pu anticiper.

Les crises s’enchaînent et ce sont les pays en développement qui en souffrent le plus. Changement climatique, montée de la dette, inflation persistante, taux d’intérêt élevés, dépréciations monétaires, conflits et insécurité alimentaire se conjuguent et mettent en péril la capacité des familles à subvenir à leurs besoins alimentaires, envoyer leurs enfants à l’école et faire face aux catastrophes naturelles. 

L’économie mondiale se remet péniblement, sur fond de ralentissement généralisé et d’inflation encore supérieure aux niveaux pré-COVID. Les décideurs politiques doivent manœuvrer prudemment et relever ces défis en agissant avec ambition et urgence. 

Pour y parvenir, il est notamment indispensable de faire circuler les capitaux, en particulier vers les pays en développement et surtout en direction de la construction d’infrastructures durables et de qualité.

Le développement des infrastructures, mais aussi les modalités de son financement doivent radicalement évoluer. Les besoins pour améliorer les infrastructures et fournir ainsi des services de base et essentiels à des millions de personnes dans le monde se chiffrent à 4,5 % du PIB par an. Les pays en développement auront en outre besoin de 2 400 milliards de dollars par an (a) au cours des sept prochaines années ne serait-ce que pour faire face aux coûts climatiques, aux conflits et aux pandémies.

Même dans les circonstances les plus favorables, aucune entité ne peut à elle seule réunir de tels montants. C'est pourquoi, depuis des décennies, le secteur privé est couramment mobilisé pour investir dans les infrastructures. Notre base de données annuelle sur la participation privée dans les infrastructures (PPI) (a) assure le suivi des niveaux d’investissement depuis plus de 30 ans afin de rendre compte des avancées accomplies et de mettre en évidence les possibilités de progrès.

Nous savons ainsi que, depuis les années 2000 jusqu’à la survenue de la pandémie, le secteur privé avait engagé environ 97 milliards de dollars par an (en dollars de 2021) en moyenne dans des projets d’infrastructure dans les marchés émergents et les économies en développement. Et si la COVID-19 a porté un coup dur à l’investissement privé, celui-ci montre des signes encourageants de reprise.

Les engagements du secteur privé dans des projets d’infrastructure ont atteint 91,7 milliards de dollars répartis sur 263 opérations en 2022, soit une hausse de 23 % par rapport à 2021. Il s’agit de la deuxième année consécutive d’augmentation après la chute provoquée par la pandémie — les investissements privés dans les infrastructures avaient plongé de 52 % en 2020 (a). Les niveaux d’investissement en 2022 sont supérieurs de 4 % à la moyenne enregistrée sur les cinq années précédentes. Le secteur des transports continue de tirer la dynamique de reprise, en surpassant de loin les autres secteurs : avec 66,2 milliards de dollars d’investissements dans 85 projets, les transports concernaient 68 % de la participation privée dans le financement des infrastructures en 2022. Une progression qui s’explique par l’augmentation des investissements dans les routes, qui ont traditionnellement représenté le sous-secteur bénéficiant des investissements les plus importants.

La part du secteur de l’énergie dans les investissements privés consacrés à l’infrastructure a progressé de 21 % en 2022, pour atteindre 25,9 milliards de dollars.

Concernant la répartition géographique, la participation du secteur privé s’est accrue en Amérique latine-Caraïbes et en Asie de l’Est-Pacifique, à hauteur de 16 % et 17 % respectivement. L’Asie du Sud, qui concentre plus de 15 % de la totalité des investissements du secteur privé, a bénéficié de pas moins de 13,9 milliards de dollars en 2022, soit le montant le plus élevé des dix dernières années.

Malgré ces dépenses et les signes actuels de reprise, les niveaux d’investissement et le nombre de projets sont tout simplement insuffisants et de surcroît inégaux selon les régions et les pays du monde. Le nombre de projets est passé de 380 avant la pandémie à 263 en 2022 et 75 % des investissements ont été concentrés dans cinq pays qui ont collectivement reçu 68,3 milliards de dollars : la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie et le Viet Nam. Les investissements privés en Europe-Asie centrale ont enregistré leur plus bas niveau depuis dix ans. En cause, principalement, l’invasion de l’Ukraine par la Russie : pour la première fois en cinq ans, ces deux pays ne comptent aucun projet de participation privée dans les infrastructures. L’Afrique subsaharienne a également connu une baisse de 15 % des investissements par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Les investisseurs privés sont en quête d’opportunités dans les marchés émergents. Toute la difficulté est de mettre en mouvement ces capitaux et de les orienter dans la bonne direction. C’est là qu’intervient le Groupe de la Banque mondiale. Nous coopérons activement avec nos pays clients pour mobiliser davantage d’investissements dans les infrastructures, aussi bien auprès de sources publiques que privées.

Notre action pour accroître les flux de capitaux privés vers les pays en développement repose sur plusieurs leviers :

  • Nous identifions les obstacles à l’investissement privé et nous efforçons d’y remédier avec la mise en place d’institutions solides et d’environnements porteurs et des financements innovants, notamment en réduisant les risques posés par les projets et en fournissant des garanties pour renforcer la confiance des investisseurs.
  • Nous nous attachons, au moyen d’une démarche multidimensionnelle, à optimiser les financements concessionnels afin de permettre l'établissement de nouveaux marchés dans certains secteurs des infrastructures, encourager les investissements du secteur privé et apporter des fonds aux pouvoirs publics pour financer leurs contributions dans des programmes de partenariat public-privé (PPP).
  • Dans le cadre de nos activités d’assistance technique et de nos prêts à l’appui des politiques de développement, nous appuyons des réformes qui permettent de faciliter l'accès aux capitaux privés en identifiant et en éliminant les obstacles à l’investissement, tout en renforçant les environnements politiques, législatifs, réglementaires et institutionnels.
  • Nous aidons à créer des cadres de PPP structurants et adaptés aux enjeux climatiques et à constituer des viviers de PPP viables en réalisant le montage de projets finançables. Dans certains cas, nous fournissons aux pouvoirs publics des ressources qui permettent de combler les manques et d’assurer la viabilité des projets, afin de réduire leur coût, mettre en place des PPP finançables et efficaces et se doter de cadres porteurs.
  • En outre, nous établissons des « connecteurs de capitaux privés » en créant un marché d’opportunités de financement des infrastructures qui offrira aux investisseurs institutionnels un meilleur accès aux économies émergentes et en développement et une meilleure connaissance de ces marchés. 

Ce soutien, novateur et complet, garantit que chaque dollar investi dans les investissements d’infrastructure appuie des projets durables et de qualité qui apportent la plus grande valeur ajoutée aux populations, à l’économie et à l’environnement.

Les financements du secteur privé peuvent véritablement transformer le paysage mondial des infrastructures et favoriser la transition énergétique. Le Groupe de la Banque mondiale déploie tous les instruments possibles et collabore avec ses partenaires pour y parvenir.


Auteurs

Guangzhe Chen

Vice-président, Infrastructure, Banque mondiale

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