Y a-t-il un lien entre le plastique et les ouragans Sandy et Katrina, aux États-Unis, la fonte des glaciers dans l’Antarctique, les vagues de chaleur pendant l’été, l’érosion du littoral en Australie — et quantité d’autres catastrophes naturelles qui s’abattent sur nous avec une fréquence accrue ? Nous incriminons le changement climatique. Mais l’impact des déchets plastiques et de l’industrie du plastique sur le changement climatique est souvent méconnu ou, pire, pris à la légère.
Les déchets plastiques sont partout : dans l’air que nous respirons, les glaces de l’Everest, l’eau que nous buvons, les poissons que nous consommons et, comme des chercheurs viennent de le découvrir, le placenta humain (a). Tout au long de son cycle de vie, le plastique a aussi des effets négatifs indirects, dont les conséquences sont, soit invisibles, soit peu flagrantes.
Alors que des dirigeants du monde entier, des scientifiques, des investisseurs et des militants se sont réunis à Glasgow pour la COP26, le moment est venu de prendre en compte six faits corrélant le cycle de vie des plastiques au changement climatique :
- Extraction et production : la plupart des gens l’ignorent, mais le plastique est produit à partir de combustibles fossiles. L’industrie du plastique représente environ 6 % de la consommation mondiale de pétrole, une part qui devrait atteindre 20 % d’ici 2050. Résultat, les procédés énergivores requis aux étapes de l’extraction, de la distillation du pétrole et de la production de la matière plastique engendrent un volume colossal d’émissions de gaz à effet de serre (a).
- Consommation : la plupart des gens pensent que le plastique dont on se débarrasse dans les bacs de recyclage va tout bonnement disparaître. Mais c’est une illusion : seulement 9 % du plastique est recyclé dans le monde. Le reste est rejeté dans la nature. En Asie du Sud, l’un des plus gros producteurs de déchets plastiques, plus de 26 millions de tonnes de plastique sont jetées chaque jour. C’est aussi la région du monde où la proportion de décharges sauvages — 75 % (a) — est la plus élevée.
- Fin de vie : les déchets plastiques non recyclés ou dont la mise au rebut n’est pas organisée émettent des gaz à effet de serre sous l’effet du rayonnement solaire dans l’air et dans l’eau. Environ 18 millions de tonnes (a) de plastique provenant d’Asie du Sud ne sont pas correctement gérées et se retrouvent donc dans les océans où, avec l’exposition à la lumière du soleil, elles émettent du méthane et de l’éthylène (a). Principal émetteur de ces deux gaz, le polyéthylène est le polymère de synthèse le plus produit et le plus mis au rebut dans le monde.
- Recyclage et fin de la boucle : même si le recyclage permet de réduire sensiblement l’impact de la pollution plastique sur l’environnement et sa contribution au changement climatique, seuls 5 % du total des déchets produits en Asie du Sud sont recyclés. L’application des principes de l’économie circulaire (« éviter, intercepter, repenser » ou AIR selon l’acronyme anglais) au ciment, à l’aluminium, à l’acier et au plastique pourrait réduire de 40 % (a) les émissions conjuguées de ces secteurs industriels.
- Pollution marine : toutes les minutes, l’équivalent d’une benne à ordures pleine de plastique est rejeté dans l’océan . Cela dépasse largement les problèmes d’esthétique. Dans la mer, les plastiques polluants se décomposent en microparticules et contribuent au changement climatique, directement par le biais des émissions de GES et indirectement par leurs effets délétères sur les organismes marins. Le plancton absorbe entre 30 et 50 % (a) des émissions de dioxyde de carbone issues des activités humaines mais ses capacités de nettoyage de l’atmosphère diminuent à mesure qu’il ingère des microplastiques.
- Incinération à ciel ouvert : l’incinération à ciel ouvert est une pratique banale de traitement des déchets (a) en Asie du Sud et dans les pays en développement. L’Inde et le Népal sont ainsi à l’origine de 8,4 % du total des déchets brûlés à l’air libre dans le monde. Le brûlage à ciel ouvert émet un grave polluant atmosphérique, le noir de carbone (a), responsable pour moitié du brouillard de pollution observé dans des villes comme New Dehli (a). Le potentiel de réchauffement planétaire du noir de carbone pourrait être jusqu’à 5 000 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2).
Les conséquences de la mauvaise gestion des déchets plastiques sur le climat mais également sur les moyens de subsistance et les écosystèmes constituent un défi de développement urgent.
Les conséquences de la mauvaise gestion des déchets plastiques sur le climat mais également sur les moyens de subsistance et les écosystèmes constituent un défi de développement urgent. Pour y remédier, il faut adopter des stratégies ciblées et novatrices inspirées de l’économie circulaire. Une telle stratégie démarre dès la phase de conception d’un produit et de sélection des matières premières dans l’objectif de parvenir à un résultat permettant le réemploi, tout en créant des « ressources renouvelables » et en limitant l’étape initiale d’extraction des matières premières et l’étape finale de rejet des déchets.
L’adoption croissante de cette philosophie dans les pays d’Asie du Sud est encourageante. Dans toutes les gares d’Inde, le thé sera bientôt servi (a) dans des tasses en terre cuite parfaitement biodégradables et respectueuses de l’environnement, en lieu et place de récipients en plastique. Les films en soie d’araignées (a) et les algues (a) peuvent remplacer le plastique, comme pour les sachets à usage unique qui représentent 50 % (a) de tous les déchets plastiques des ménages. Aux Maldives, une collaboration (a) inédite entre l’ONG Parley for the Oceans et Adidas réintroduit dans la chaîne mondiale d’approvisionnement des vêtements de sport des déchets plastiques marins revalorisés. Ces innovations et ces partenariats prouvent qu’il existe des solutions innovantes pour s’atteler à la question de la pollution plastique marine et du changement climatique, qui ne demandent qu’à être adoptées à grande échelle.
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