Publié sur Opinions

La sécurité sanitaire des aliments doit devenir une priorité du développement

La première Journée internationale de la sécurité sanitaire des aliments est célébrée ce 7 juin. Quel est le sens de cette manifestation à vos yeux ? 

Pour moi, cette journée doit nous rappeler qu’il incombe à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire de veiller à ce que nos aliments soient sans danger. Car l’inaction dans ce domaine se paye malheureusement au prix fort. En Afrique, comme ailleurs dans le monde, le développement du capital humain repose sur trois facteurs essentiels : la survie des enfants de moins de cinq ans, leur niveau d’instruction et leur état de santé, dont dépend leur capacité à apprendre et, plus tard, à travailler . Or la majorité des cas de décès dus à des maladies d'origine alimentaire en Afrique concerne précisément des enfants de moins de cinq ans. Si les coûts imputables à ces maladies sont largement méconnus, on ne parviendra pas à éliminer l'extrême pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée si des millions d’individus pauvres et vulnérables n’ont pas accès à une nourriture saine. Un aliment nocif n’est pas un aliment !  

Je me suis rendu récemment à Addis-Abeba pour le lancement d’un rapport publié par le Partenariat mondial pour la sécurité sanitaire des aliments (GFSP) et consacré à la situation de l’Afrique. Les auteurs ont passé en revue plus de 500 projets et activités en Afrique subsaharienne depuis 2010 et mis en évidence que la majorité d’entre eux portaient sur la salubrité des aliments destinés à l’export. Sans vouloir sous-estimer l’importance des exportations pour les économies, la réalité est que le continent africain enregistre les plus faibles niveaux d'hygiène alimentaire du monde et que cette situation entraîne des pertes de capital humain estimées à 16,7 milliards de dollars par an. 

Je voudrais mettre l’accent ici sur trois points importants du rapport :

1.    La santé avant tout : Les gouvernements des pays africains et les donateurs doivent consacrer des investissements prioritaires à la santé des consommateurs qui dépendent des marchés informels. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies d’origine alimentaire seraient responsables d’au moins 137 000 décès par an en Afrique. À l'échelle mondiale, ces maladies représentent une charge pour la santé publique similaire à celle du paludisme, du VIH/sida et de la tuberculose.

2.    Des systèmes axés sur les risques : Il est également indispensable de renforcer les capacités pour la mise en place de systèmes de sécurité sanitaire des aliments bien gérés, fondés sur des données probantes et axés sur les risques.

3.    Des améliorations tirées par le marché : Il faut informer les consommateurs, leur donner les moyens d’agir et d’exiger des aliments plus sûrs, tout en responsabilisant le secteur privé pour qu’il puisse répondre à ces attentes.

On ne parviendra pas à éliminer l'extrême pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée si des millions d’individus pauvres et vulnérables n’ont pas accès à une nourriture saine. Un aliment nocif n’est pas un aliment !
Photo de Simeon Ehui
Simeon Ehui
Directeur du pôle mondial d’expertise en Alimentation et agriculture de la Banque mondiale

Nous n’avons jamais produit ni consommé autant de nourriture qu’aujourd’hui. Et pourtant la nourriture tue encore massivement. Il ne faut pas oublier que l’innocuité des aliments est une condition préalable à la sécurité alimentaire, à savoir l'accès à une nourriture suffisante et nutritive. Et qu’elle est liée, directement ou indirectement, à la réalisation d’un grand nombre d’Objectifs de développement durable, dont notamment ceux qui concernent la lutte contre la faim et la pauvreté, ainsi que la santé et le bien-être. La sécurité alimentaire passe nécessairement par la garantie de l'innocuité des aliments qui sont à la base d’une nutrition saine et équilibrée.

La sécurité sanitaire des aliments est également indispensable à la croissance et à la transformation de l’agriculture qui s’imposent pour nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse et prospère, à la modernisation des systèmes alimentaires nationaux et à l’intégration des pays dans les marchés régionaux et internationaux.
Si, de l’avis de tous les participants à la conférence, il est essentiel de rassembler plus de données pour orienter la discussion sur des solutions concrètes, nous ne manquons pas de connaissances pour savoir déjà qu’il est d’urgent d’agir. 

En outre, l’Afrique n’est pas la seule à devoir faire face aux défis que pose la sécurité sanitaire des aliments . Selon un rapport de la Banque mondiale publié à l’automne dernier sous le titre The Safe Food Imperative (a), les pertes économiques liées aux maladies d’origine alimentaire dans les pays à revenu faible et intermédiaire sont estimées à 95,2 milliards de dollars par an, et le coût des traitements atteindrait 15 milliards de dollars . Pour les pays en développement, le coût imputable à l'insécurité sanitaire des aliments sur le plan de la santé publique et de l’économie est vingt fois supérieur au coût des échanges commerciaux. 

Il est donc temps d’investir davantage pour réduire les conséquences sanitaires des maladies d’origine alimentaire et de protéger les consommateurs partout dans le monde. La sécurité sanitaire des aliments relève d’une responsabilité collective.


Auteurs

Simeon Ehui

Directeur régional pour le développement durable en Afrique, Banque mondiale

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