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L’apport de données sur les réfugiés et les populations d’accueil peut guider des politiques qui bénéficieront à tous

Children attend the first day of school in a refugees camp. | © shutterstock.com Children attend the first day of school in a refugees camp. | © shutterstock.com

Dans ce billet, nous vous présentons les conclusions d'un nouvel exercice d'harmonisation des données (a) qui nous permet de comparer les informations sur les personnes déplacées et les populations qui les accueillent. Au carrefour des données et de l’action publique, l'objectif est de guider l’élaboration de politiques susceptibles d’améliorer les conditions de vie des deux populations.

Harmonisation des données

Même si la majorité des personnes touchées par les déplacements forcés se trouvent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (a), la plupart des données disponibles proviennent de pays à revenu élevé, ce qui confirme la nécessité de collecter les données de manière plus exhaustive.

Sur la base de travaux antérieurs visant à collecter des données représentatives concernant les déplacés et les populations d'accueil, nous venons d’achever un nouveau travail d'harmonisation des données sur plusieurs pays. Les ensembles de données inclus proviennent d'enquêtes couvrant plusieurs vagues de déplacements au cours de la période 2015-2020 : l'afflux de migrants vénézuéliens dans les pays andins d'Amérique latine, la crise syrienne au Machreq, le déplacement des Rohingyas au Bangladesh et les déplacements forcés en Afrique subsaharienne. Les indicateurs de la base de données fournissent un premier profil comparatif des personnes déplacées et des populations d'accueil dans différents contextes migratoires.

L'harmonisation des données s'appuie sur d'importants investissements initiaux, tout en sachant que la constitution d’une base de données adéquate sur les déplacements forcés reste un objectif ambitieux. Trois notes d'information (a) présentent les principaux résultats de nos analyses initiales.

D’après une première analyse de l'ensemble de données, il apparaît que les déplacés s'en sortent moins bien que les populations d’accueil, mais aussi qu’il est possible de remédier à cette situation grâce à des politiques publiques éclairées.

Les personnes déplacées sont fortement pénalisées

Les familles de déplacés sont généralement plus mal loties que les ménages des communautés locales, notamment en termes de détention de biens et d’actifs productifs, de résultats scolaires des enfants et de situation sur le marché du travail.  Nous comparons les conditions de vie des réfugiés et des ménages au sein de la population d'accueil dans quatre domaines : logement formel, accès à l'électricité dans le logement, installations sanitaires améliorées et sources d'eau améliorées (canalisations, bouteilles, camions-citernes ou réservoirs collectifs).

Le graphique ci-dessous montre que, dans la plupart des pays, les populations d'accueil bénéficient de meilleures conditions d’habitation et d'accès aux services de base que les réfugiés (la plupart des points se situent en dessous de la ligne des 45 degrés). Cette disparité est encore plus marquée dans les pays à faible revenu et chez les réfugiés vivant dans des camps.

Graphique : Logement et accès aux services de base pour les ménages de réfugiés et les ménages des communautés d’accueil dans différents pays

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Graphique : Logement et accès aux services de base pour les ménages de réfugiés et les ménages des communautés d?accueil dans différents pays
TCD = Tchad, UGA = Ouganda, ETH = Éthiopie, NER = Niger, JOR = Jordanie, ECU = Équateur, IRQ = Iraq, LBN = Liban, BGD = Bangladesh

Source : Banque mondiale (2023), A profile of forcibly displaced populations and their hosts.

Les choix politiques peuvent réduire ces inégalités

Les données montrent que les choix politiques ont un impact mesurable sur la situation des déplacés (a), en permettant (ou pas) de réduire les écarts avec les populations d'accueil. Par exemple, dans un environnement plus libéral, où les réfugiés sont autorisés à travailler et à se déplacer librement, on observe des niveaux d'emploi plus élevés chez ces populations, en particulier pour les femmes. 

L'éducation favorise un avenir inclusif

L'éducation apparaît comme un facteur crucial pour le bien-être des populations déplacées. Avec des politiques éducatives plus inclusives, les enfants réfugiés ont plus de chances d'être scolarisés et d'obtenir de meilleurs résultats. 

Développer et améliorer les indicateurs

Les travaux statistiques sur les conditions de vie des personnes déplacées ont jusqu’à présent principalement porté sur l'accès aux services de base et la pauvreté monétaire. Mais ces données ne rendent pas totalement compte du bien-être des individus ni des capacités susceptibles de déterminer leur avenir économique (a). Ce constat apparaît particulièrement clairement lorsque des restrictions légales entravent la mobilité et les possibilités de travail des personnes déplacées, ce qui souligne la nécessité de disposer d'indicateurs plus larges pour évaluer le bien-être général.

Donner la priorité aux questions essentielles

La collecte de données (au moyen d'enquêtes, par exemple) sera d'autant plus utile à l’élaboration des politiques qu'elle mettra l'accent sur des domaines d'information fondamentaux et des questions essentielles. Les données relatives à la démographie et à l’éducation renseignent sur la composition future et le capital humain des personnes déplacées et des populations d'accueil.

Les informations sur le marché du travail apportent un éclairage sur la capacité des réfugiés à gagner durablement leur vie. Il est également essentiel de mesurer le rôle de l'aide et son incidence sur le revenu total des déplacés, ainsi que leur dépendance potentielle à l’assistanat. 

De même, la mesure du temps écoulé depuis l'arrivée des déplacés aide à appréhender leurs trajectoires et leur assimilation, tandis que l’étude des mentalités, en particulier au sein des communautés d'accueil, guide les politiques d'intégration. Si la collecte de données sur la consommation est utile, elle ne doit pas se faire au détriment de la mesure de l'emploi, des actifs et d'autres marqueurs de l'intégration socio-économique.

Exploiter les données sur les cadres juridiques

De nouveaux ensembles de données décrivent la grande diversité des politiques relatives aux réfugiés dans les pays en développement. C’est notamment le cas de la base de données DWRAP (a). Ce vaste effort de codification des politiques envers les demandeurs d'asile et les réfugiés permet de voir comment l’action publique influence le bien-être de ces populations dans les pays d'accueil.

Élaborer une stratégie statistique durable

Disposer d’une stratégie cohérente pour hiérarchiser la collecte des données est essentiel. Elle doit être en adéquation avec l'objectif visé et viable à long terme. Dans les pays qui comptent un grand nombre de déplacés, il peut être utile de les intégrer dans les enquêtes représentatives au niveau national.

Perspectives

En exploitant des données qui couvrent à la fois les personnes déplacées et les communautés d'accueil, on peut fournir des éléments solides qui éclairent le débat sur les politiques  et permettent aux pays d’apporter des réponses plus efficaces aux défis posés par les déplacements forcés. Répondre aux besoins des deux populations, avec le souci de leur avenir commun, est la meilleure voie à suivre.

Les gouvernements et les partenaires doivent investir dans les données afin d'améliorer les conditions de vie de l’ensemble des personnes touchées par les déplacements de population. Les futurs travaux de recherche et d’analyse pourront s'appuyer sur de nouveaux outils tels que le DWRAP et la base de données harmonisée de la Banque mondiale. Les enseignements décrits ci-dessus peuvent aider les chercheurs à renforcer l'impact politique de leurs futurs travaux de collecte et d'analyse des données.


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Auteurs

Maria Eugenia Genoni

Économiste, pôle Pauvreté et équité, Banque mondiale

Nandini Krishnan

Économiste senior, pôle Pauvreté et équité, Asie du Sud

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